La maternelle Fonscolombe dans l’angle mort du plan de rénovation des écoles

Actualité
le 24 Nov 2022
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Lors de sa venue à Marseille, le ministre de l'Éducation nationale ne s'est pas attardé sur le plan de rénovation des écoles. Mais, en visite dans un établissement du 3e arrondissement, la question du bâti est revenue sans cesse. Cette école ne fait pourtant pas partie des 174 qui bénéficieront de travaux d'ampleur.

Le ministre de l
Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, découvre la cour de la maternelle Fonscolombe. (Photo : B.G.)

Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, découvre la cour de la maternelle Fonscolombe. (Photo : B.G.)

Il y a comme un parfum d’anormalité, en ce jeudi 16 novembre, sur le parvis de l’école Fonscolombe, à la Villette, dans le 3e arrondissement de Marseille. Des véhicules de la fourrière s’affairent à enlever les voitures garées sur la voie qui mène à l’école. Des policiers en uniforme et en civil guettent l’avenue Salengro en contrebas et des personnalités, en rang d’oignon, patientent derrière la grille de la maternelle.

Le ministre de l’Éducation, Pap Ndiaye, est attendu d’une minute à l’autre. Il est en visite pour deux jours et demi à Marseille, notamment pour faire le point sur les écoles du futur, le volet éducatif du plan Marseille en grand qui attire les membres du gouvernement à Marseille comme autant de perspectives de week-end sous le soleil du Sud.

Fonscolombe est une des bonnes élèves du projet “écoles du futur”.

Cette école maternelle est une des bonnes élèves de l’expérimentation pédagogique voulue par le chef de l’État : ici les élèves s’essaient au bilinguisme en anglais et plusieurs classes ont déjà reçu le nouveau mobilier flexible. L’établissement a fait l’objet d’un long papier de l’agence de presse spécialisée AEF qui passe de main en main, saluant le cas d’école.

Prévue pour quatre classes, elle en accueille neuf

Pourtant, dès l’arrivée de Pap Ndiaye, la conversation glisse sur un thème qui regarde plutôt l’école du passé. La directrice, Virginie Depretto-Boffa, dresse un tableau sans concession : “Ici, nous sommes sur un bâti particulier. L’école a été conçue par le même architecte que la cité. Elle est posée sur une dalle, elle-même en copropriété avec la petite galerie commerciale qui est en dessous. L’école était prévue pour quatre classes et en accueille neuf aujourd’hui“.

Quatre, neuf… Le ministre note. Il n’a pas encore sorti le carnet orange que son garde du corps conserve, mais il ne perd pas un mot de la description. Du bout de la semelle, il teste “le revêtement très abrasif” de la cour d’école.

43 degrés en été

À l’intérieur, la visite se partage entre les “oooohh” et les “ah”. L’enthousiasme est pour les nouvelles activités menées avec les élèves, partagées avec les parents, très en ligne avec la démarche d’innovation pédagogique qui doit être élargie à la France entière. Mais la préoccupation touche au bâti. L’organisation est dessinée en étoile avec chaque classe ouverte sur l’espace central. Problème : la toiture en verre n’est pas étanche. “Et en été, il fait 43 degrés”, constate la directrice.

Vous avez des ventilateurs ?

Avec le dédoublement des classes en grande section, la directrice a dû pousser les murs. Une salle d’activités tout en verre a été transformée en classe. L’été, c’est une étuve. “Vous avez des ventilateurs ?”, s’enquiert Pap Ndiaye. “Oui, mais à ce niveau de chaleur, il brasse de l’air chaud, c’est presque pire que mieux”, rétorque la directrice. Aux pieds des chaises, on constate des balles de tennis, là pour atténuer leur bruit sur le sol carrelé. Avec les réformes successives, l’école a aussi ouvert une très petite section qui a pris place dans le centre d’animation voisin qui est géré par la mairie de secteur.

L’une des classes est installée dans une ancienne véranda. Les chaises sont équipées de balles de tennis pour atténuer le bruit. (Photo : B.G.)

“Ça piétine”, pour le ministre

L’administration municipale est saisie de ces problèmes structurels. “Et vous avez des réponses, un calendrier ?”, questionne le ministre. “Pour l’instant, nous n’avons aucun retour”, constate l’enseignante. Dans le cadre des écoles du futur, des étudiants de l’école d’architecture ont planché sur des solutions pour créer de l’ombrage dans la cour et améliorer l’existant. Mais on est loin du 1,2 milliard d’euros qui doit durablement transformer le bâti scolaire marseillais. Interrogé par Marsactu sur place, le recteur Bernard Beigner le confirme : “La maternelle de Fonscolombe ne fait pas partie des écoles qui doivent être rénovées par la SPEM”, la fameuse société publique, joint-venture entre l’État et la municipalité.

Dans un dernier aparté avec la directrice, Pap Ndiaye lâche “ça piétine”. “On a eu des problèmes administratifs, mais, bon, désormais, le GIP (sic) a un directeur”, résume-t-il en mélangeant un peu les sigles. Interrogé par Marsactu lors d’une séance de questions ouvertes, le ministre réaffirme son point de vue avec des mots plus choisis : “On va pouvoir entrer dans une phase des projets, de construction, de maîtrise d’œuvre. Il est évident que cela est maintenant indispensable et qu’on attend cette nouvelle phase avec impatience, moi y compris”. Présent sur place, l’adjoint chargé du bâti des écoles, Pierre-Marie Ganozzi hausse un sourcil. Les deux jours de visite ministérielle n’ont consacré aucune séquence au grand plan de rénovation piloté par la Ville et l’État.

Le second cercle de “l’amélioration”

Quelques jours plus tard, l’élu du Printemps marseillais minimise l’impasse ministérielle : “Je crois qu’il était plutôt question de l’école du futur lors de ce déplacement. Souvent on confond les deux mais toutes les écoles du futur ne seront pas rénovées en totalité.” L’ambiguïté se nourrit sans doute du fait que la liste des fameux 174 établissements retenus pour une rénovation lourde ou des projets de création, n’a jamais été communiquée officiellement jusqu’ici.

L’école Fonscolombe pourrait bénéficier des fonds prévus par la Ville pour de la “remise à niveau”.

En revanche, défend-il, le plan de rénovation des écoles concerne “les 470 écoles de la ville. En 10 ans, elles connaîtront toutes une amélioration sur le plan du fonctionnement, de la sûreté et de l’hygiène“. Mais cette “amélioration” souhaitée ne sera pas intégralement portée par la SPEM. Dans la communication municipale d’octobre 2021, sur les 1,2 milliard budgétés, 814 millions seront consacrés à de la “rénovation lourde” et 208 millions à de “la remise à niveau”. C’est plutôt dans ce chapeau que devraient être piochés les fonds promis à la maternelle Fonscolombe.

Pierre-Marie Ganozzi connaît fort bien cette école, qu’il a visitée il y a plusieurs mois. Il maîtrise donc sur le bout des doigts les problématiques de toiture et de cour sans ombre, comme celle de la surcharge scolaire. Il pointe d’abord la conséquence des réformes nationales : “Marseille était championne de France des dédoublements de classe. On a créé des classes dans des lieux qui n’étaient pas prévus pour cela et, ce faisant, on a accepté qu’il y ait des dysfonctionnements“. Mais les dédoublements, étalés entre les rentrées 2020 et 2022, comme l’ouverture des très petites sections, ont été établis en fonction du caractère prioritaire des établissements. À la Ville de faire avec les impératifs scolaires.

Pas de calendrier arrêté

Pour ce qui est des travaux proprement dits, Pierre-Marie Ganozzi a bien un ordre de priorité en tête, mais pas vraiment de calendrier. Pour lui, à Fonscolombe, la réfection de la toiture passe avant tout, l’ombrage de la cour pouvant être résolu avec des systèmes de voiles rétractables. Il avance d’abord l’échéance de l’été 2023, avant de se rétracter. “Vu les délais de lancement des marchés, cela me semble, un peu court en effet, reprend-il. On peut donc imaginer les mener sur plusieurs étés, en commençant par l’amélioration du quotidien, dès 2023″.

Les travaux demandent une école vide, soit pendant les vacances d’été, soit en transférant les élèves ailleurs.

Un autre scénario imposerait de réaliser les travaux à vide, en déplaçant les élèves durant une année. Une décision lourde, surtout en maternelle. “Je n’y suis pas favorable, reprend l’adjoint. Mais, si nous y sommes contraints, nous avons l’ancienne école Ruffi qui n’est pas très loin et qui peut offrir une solution de secours“.

En tout cas, ces pistes de rénovation n’apportent pas une réponse immédiate au problème le plus grave pour cet établissement : la surpopulation. “Une des pistes possibles est de supprimer le centre d’animation en faisant une seule école avec les deux bâtiments, tente l’adjoint. Mais ce centre existe, il répond à des besoins. Si on agrandit l’école, on le met où ?” Pour l’heure, le quartier ne comprend pas de projets d’école nouvelle. Jolie-Manon est de l’autre côté de l’autoroute et la nouvelle école Ruffi à un bon kilomètre. Comme quoi, le plan Marseille en grand ne répond pas à tout.

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Commentaires

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  1. toto toto

    Ah le milliard !
    Ne sont prévus que des travaux, rien pour du foncier. Si on veut construire de nouvelles écoles, il va falloir acheter des terrains. A chaque fois la même réponse: c’est trop cher ! Donc on fait quoi ?
    Dans certains quartiers, les écoles sont surpeuplées et le resteront.

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    • MarsKaa MarsKaa

      Nous avons eu un autre type de réponse, de l’académie : “la démographie scolaire est à la baisse, on ne va pas ouvrir des classes, écoles, collèges pour les fermer dans 2 ans”. …

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  2. Alain PAUL Alain PAUL

    J’espère que la longue fresque du peintre marseillais QUILICCI est toujours visible dans l’école

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    • Virginie Depretto-Boffa Virginie Depretto-Boffa

      Elle est toujours là et toujours aussi belle

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  3. ALAIN B ALAIN B

    les effectifs augmentent dans le 3ème, mais il y a l’école MANON qui attend le financement
    Dans le 3ème quartier qui avait été complètement abandonné, le manque criant de places pour les dédoublements….
    Alors la baisse des effectifs ce n’est pas pour le 3ème

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