Incinérateur : ça chauffe de nouveau entre la métropole et la société Evéré

Décryptage
le 30 Nov 2016
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Un an après avoir mis fin à une bataille juridico-financière avec l'exploitant de l'incinérateur en lui signant un gros chèque, Guy Teissier a brandi jeudi un avis de la chambre régionale des comptes censé valider sa démarche. En réalité, les magistrats se prononçaient sur une nouvelle contestation soulevée par Evéré, qui pourrait coûter 550 000 euros à la collectivité.

Photo Esther Griffe
Photo Esther Griffe

Photo Esther Griffe

En général, la chambre régionale des comptes (CRC) “épingle”, “tacle”, “rappelle à l’ordre” et ses rapports sont peu goûtés par les patrons d’exécutifs locaux. Mais jeudi, Guy Teissier, le président LR du conseil de territoire Marseille Provence était ravi de présenter un avis de ces magistrats, comme l’a raconté La Provence.

Le sujet ? L’incinérateur de Fos-sur-Mer, exploité par la société Evéré fait l’objet depuis cinq ans d’un conflit juridico-financier, réglé en juin 2015 par une indemnisation rondelette : près de 79 millions d’euros, complétés par une redevance annuelle de 5,3 millions d’euros. “Il m’est très agréable, contre tous les Cassandre qui me disaient qu’il ne fallait pas le faire, que la chambre régionale des comptes nous donne raison et valide le protocole transactionnel que nous avons conclu avec Evéré”, a claironné l’élu.

“On ne valide rien du tout”

Une présentation des faits audacieuse, comme l’a déjà relevé le quotidien. “On ne valide rien du tout”, confirme le président de la CRC Louis Vallernaud, joint par téléphone. En réalité, l’avis a pour sujet une nouvelle contestation soulevée par Evéré, qui porte sur un montant de 550 000 euros. En résumé, le protocole transactionnel de juin augmentait le prix du traitement des ordures ménagères de 13,25 euros par tonne, pour tenir compte des surcoûts d’exploitation de l’incinérateur. Evéré considère que ce calcul doit intégrer les tonnages qui ne sont pas traités par son unité mais sont envoyés en décharge, ce que conteste la métropole, qui a pris le relais de la communauté urbaine depuis le 1er janvier 2016. En somme, elle veut être payée plus y compris pour les déchets qui ne sont pas incinérés mais qu’elle oriente vers l’enfouissement.

Confiante dans son bon droit, l’entreprise a saisi la CRC pour obtenir l’inscription d’office de cette dette au budget de la collectivité. Autrement dit elle veut forcer la métropole à payer. “C’est une procédure classique dans laquelle nous commençons par nous assurer que la dépense a un caractère obligatoire, commente Louis Vallernaud. Nous répondons non, car nous avons estimé qu’elle faisait l’objet d’une contestation sérieuse par la métropole. Nous ne nous prononçons même pas sur le fond pour savoir si c’est dû, nous constatons seulement qu’il y a des arguments des deux côtés.” En d’autres termes, la CRC constate qu’il y a débat et que ce n’est pas à elle de le trancher. Elle ne donne pas raison à Guy Teissier pas plus qu’elle estime qu’Evéré est dans son bon droit en exigeant le paiement immédiat de ces 550 000 euros.

Retour devant le tribunal ?

On croyait pourtant la hache de guerre enterrée entre Guy Teissier et son délégataire. Après avoir trouvé un accord en juin 2015, les deux parties s’étaient même présentées en novembre devant le tribunal administratif de Marseille, afin de le faire valider. “Je crois que votre tribunal nous a assez vus et qu’il est temps de mettre un terme à ce fleuve procédural”, plaidait l’avocat d’Evéré. Après une audience riche en débats, les juges n’avaient rien trouvé à redire au contrat.

Mais derrière la belle façade d’entente affichée au tribunal, les deux signataires étaient en fait toujours en désaccord. Si l’on en croit la chronologie détaillée par la CRC, le premier courrier de la communauté urbaine de Marseille pour contester le mode de calcul date du 16 août 2015, trois mois avant l’audience… Cette “petite” bisbille, qui n’a pas été signalée à l’époque au tribunal administratif, a depuis prospéré, pour aboutir le 30 septembre 2016 devant la CRC.

Et après ? “C’est un contentieux qui sera réglé par les tribunaux compétents, à moins que les deux parties ne se mettent d’accord”, répond Louis Vallernaud. Contacté, le conseil de territoire nous a renvoyé vers la métropole, estimant que le dossier n’était plus entre les mains de Guy Teissier mais celles de Jean-Claude Gaudin. De son côté, la métropole n’a pas donné suite à notre demande d’éclairage. Mais le 15 décembre, ce même avis de la CRC sera présenté au conseil de métropole. Ce sera l’occasion de savoir si les deux élus partagent la même lecture faussement optimiste.

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Commentaires

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  1. CAN. CAN.

    Ne pas perdre de vue les fondamentaux :
    Réduire notre production de déchets :
    – en achetant des produits sans emballage,
    – en améliorant le tri,
    – en généralisant le compostage
    ce qui évitera grandement à recourir à la polluante incinération nécessitant des filtres ruineux et de devoir mettre la poussière sous le tapis en enfouissant le reste.
    Citoyen, ne vous demandez pas ce que la Métropole doit faire pour vous mais demandez vous ce que vous pouvez faire pour la Métropole.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Bravo, c’est exactement ça.

      Mais ce raisonnement sain a tout de même un inconvénient : le formidable contrat signé avec l’exploitant de l’incinérateur nous oblige à apporter à celui-ci plusieurs centaines de milliers de tonnes (je n’ai plus le chiffre exact en tête) de déchets par an pour l’alimenter. Donc toute réduction à la source du volume de déchets à incinérer accroît les difficultés économiques de l’exploitant… On marche sur la tête, mais pour le moment personne n’a intérêt à accroître le tri et le recyclage.

      Pour en sortir, il faudrait faire de cet incinérateur un véritable outil métropolitain, et pas seulement celui des communes de l’ex-CUMPM.

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