Face à la hausse du prix de l’énergie les maires rognent sur les services publics

Actualité
le 16 Mai 2022
10

Plusieurs maires des Bouches-du-Rhône voient leurs factures exploser avec l'augmentation du prix de l'électricité et du gaz. Fermeture de piscine, réduction des effectifs, annulation de projets, ils doivent alors choisir où faire des économies, parfois au détriment du service public.

La piscine municipale de Cabriès n
La piscine municipale de Cabriès n'ouvrira pas ses portes pour la saison estivale 2022. (Photo : SL)

La piscine municipale de Cabriès n'ouvrira pas ses portes pour la saison estivale 2022. (Photo : SL)

En bordure de la forêt communale de Cabriès, le complexe Raymond-Martin est le point de ralliement des sportifs. Les skateurs croisent les danseurs de zumba et les judokas peuvent observer les matchs de tennis. L’été, les administrés peuvent aussi venir se baigner et se prélasser sur la pelouse près des bassins municipaux. Mais cette année, les grilles de la piscine resteront closes. En voyant exploser sa facture d’électricité, la maire de la petite ville située entre Aix-en-Provence et Marseille a choisi de sacrifier la baignade pour l’été 2022. “Au 1er mai, je suis déjà à plus de 350 000 euros de dépenses d’énergie. C’est la facture de toute l’année 2021 !”, s’étouffe Amapola Ventron, maire Génération Ecologie et vice-présidente de la métropole dans la majorité de Martine Vassal.

Ces difficultés financières ne concernent pas que la bourgade perchée sur un piton rocheux. Dans les Bouches-du-Rhône, les comptes des communes virent au rouge et leurs maires s’inquiètent de devoir faire des coupes dans les services publics. Depuis que la guerre en Ukraine a éclaté le 24 février, l’Union européenne a mis en place une salve de sanctions économiques et réduit ses importations d’énergies russes. Conséquence : les prix du gaz, des carburants, de l’électricité et de certaines denrées alimentaires ont explosé. Si l’État a décidé que la hausse des tarifs serait bloquée à 4% pour les particuliers, il n’en est rien pour les collectivités. “On faisait déjà face à une augmentation des prix mais avec la guerre, c’est plus une hausse mais un tsunami !“, s’affole Nicolas Isnard, le maire divers droite de Salon-de-Provence et vice-président à la métropole et à la région. Honorer la facture du chauffage de la piscine des Canourgues lui coûte d’ordinaire 8 000 euros par mois. Pour avril, le chèque a grimpé à 54 000 euros.

Fermeture de la piscine municipale

Face à cette situation, les communes usent de diverses stratégies pour assurer un budget à l’équilibre en fin d’année. À Cabriès, les habitants ont appris par un courrier la fermeture de la piscine municipale. “Les particuliers qui ont une piscine individuelle ne seront pas impactés, au détriment des classes moyennes“, regrette Mehdi Medjati, conseiller municipal d’opposition du groupe Cabriès au cœur. Pour lui, augmenter les impôts locaux, soit la taxe foncière des propriétaires, aurait permis de partager le fardeau.

Interrogée à ce sujet, Amapola Ventron, estime que toucher aux impôts serait une “solution de facilité”. Elle privilégie des économies directes : extinction partielle de l’éclairage public, changement de neuf cuves à fioul, installation de LED, bouton poussoir pour les robinets d’équipements municipaux… Avec l’ambition d’économiser plus de 200 000 euros cette année.

En tant que maman, ce n’est pas de gaieté de cœur que je décide la fermeture de la piscine, assure-t-elle. Je suis en train d’essayer de trouver des créneaux pour les scolaires“. L’édile explique avoir évalué la possibilité d’ouvrir le bassin un mois seulement. “On ne trouve pas le personnel, notamment de maîtres-nageurs et la mise en place de la régie coûte cher. Si la piscine était en gestion métropolitaine, le problème se poserait moins…“, estime-t-elle. Dans le cadre de la réforme de la loi 3DS, le transfert de nouveaux équipements culturels et sportifs est sur la table des négociations.

Des CDD non renouvelés et des projets annulés

Plus au nord, à Sénas, commune de 7000 habitants, c’est le même cri d’alarme. Le maire Philippe Ginoux (divers droite) a décidé de réduire ses charges de personnel pour faire des économies : cinq départs à la retraite ne seront pas renouvelés. “On essaie de faire pour le mieux, on arbitre au fur à mesure…“, confie-t-il, las. Mais l’élu craint les conséquences de cette hausse des prix dans les années à venir. La programmation du théâtre pour la saison 2023 pourrait être revue à la baisse. “Sénas est une des villes les plus pauvres du département et, malheureusement, elle pourrait le rester“, pose-t-il.

Pour le moment, le maire de Salon n’a pas pour sa part pas eu à choisir et se contente de réduire ses investissements. “On avait prévu de rénover notre centre de formation d’apprentis (CFA) et on risque de ne pas le faire, se désole Nicolas Isnard. Les aides aux associations et les recrutements ont été gelés“. Président du conseil de surveillance de l’hôpital local, le maire de Salon-de-Provence a aussi pu observer le fort impact financier sur cette structure.

Un courrier au Premier ministre

Alerté par plusieurs maires inquiets, le sénateur Les Républicains des Bouches-du-Rhône, Stéphane Le Rudulier, a écrit au Premier ministre. “À n’en pas douter, cette hausse va impacter durablement les services publics locaux dont l’organisation ou la gestion sont assurées par les collectivités locales et leurs groupements, écrit-il. […] Dans l’impossibilité d’absorber ces augmentations, elles devront inévitablement accroître la fiscalité locale ce qui se répercutera directement auprès des usagers des services publics et des contribuables locaux. Pire encore, elles devront peut-être renoncer à certains investissements momentanément ou définitivement au détriment des administrés“.

Le sénateur, ancien maire de Rognac, demande la mise en place d’un système de soutien et de bouclier tarifaire. “Le gouvernement n’a pas saisi la gravité de la situation. Certains maires sont très inquiets sur l’avenir de leur budget. Ça fait 10 ans qu’on fait les poches de nos communes, il faut une procédure de court terme pour les rassurer“, poursuit Stéphane Le Rudulier, joint par Marsactu. Contacté, le ministère de la Cohésion des territoires – a qui a été transmis ce courrier – n’a pas donné suite.

En gestionnaires, les maires tentent tant bien que mal de limiter les pertes. Et accélèrent leurs mesures d’économie d’énergie. “Il est urgent que nos consommations baissent. Mais il faut nous laisser le temps de nous organiser. On parle de décennies d’habitudes“, avance Nicolas Isnard. Face à la guerre en Europe, les décennies d’habitudes sont bien contraintes de hâter le pas.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Pussaloreille Pussaloreille

    Merci de cet article qui dévoile une autre conséquence de la crise à laquelle on ne pensait pas. Où l’on mesure en effet comment, là encore, les plus modestes sont en 1re ligne face aux difficultés et aux restrictions mises en place dans le cadre du système en place.

    Signaler
  2. polipola polipola

    c’est drôle, à aucun moment M. Isnard ne se dit que peut être, au lieu de fermer la piscine, il pourrait juste couper le chauffage ?

    C’est fou, ça fait des années qu’on parle de réchauffement climatique, que nous devons réduire notre consommation, et maintenant qu’une guerre nous y oblige, on trouve encore le moyen de contourner le problème. Oui, la solution c’est bien de fermer les services publics qui « consomment trop » et donc coûtent trop cher. Ne réfléchissons surtout pas à d’autres manières de consommer tout en préservant l’essentiel. Et belle mesure sociale que de fermer une piscine municipale avant un été qui s’annonce caniculaire !

    Signaler
    • Patafanari Patafanari

      Dans l’eau froide, le Burkini pour tous.tes

      Signaler
  3. julijo julijo

    c’est la solution de facilité qui est le plus utilisée.
    aucun effectivement, ne se pose trop la question d’économies à réaliser ailleurs.
    ” les décennies d’habitude” c’est aussi le choix le plus facile. la rélfexion viendra après, si elle vient.
    et pour l’instant la pénurie d’eau n’est pas un sujet….ca va venir peut être plus rapidement que prévu.

    Signaler
    • MarsKaa MarsKaa

      En effet, aucune anticipation, réflexion à moyen et long terme, politique au coup par coup (c’est pas cher, on continue, c’est cher, on coupe… ou on “s’arrange”). On ne veut plus de ce type d’élus : il est urgent d’agir en tenant compte de l’environnement, des coûts, et des besoins des habitants. Une logique de développement durable, dont les bases ont pourtant été jetées dans les années 1990 ! 30 ans plus tard on a encore des élus qui réfléchissent à court terme en ignorant volontairement la catastrophe qui vient. Des lubies d’ecolos selon eux. Ils croient pouvoir passer à travers.

      Signaler
  4. polipola polipola

    Oui, je ne sais pas si c’est la force du deni ou du je m’en foutisme qui est là plus forte. Ces gens-là n’ont pas d’enfants ? Parce que dans plusieurs décennies ils ne seront plus là mais eux oui. Belle pensée !

    Signaler
  5. jasmin jasmin

    Je me demandais pourquoi les maires de droite sont plus loquaces au sujet du budget. Est ce qu’ils montent au front pour crier bien fort en amont des legislatives? Si ça fait des décennies qu’on sur-dépense les impots locaux des citoyens, pourquoi ces mêmes maires n’ont pas fait des économies et alerté avant? On dit toujours que la droite est meilleure gestionnaire des deniers publics que la gauche, et on dirait que pris à la gorge, ils savent réduire les dépenses. Je rejoins le commentaire précédent sur la piscine municipale et le chauffage de l’eau. On pouvait laisser la piscine ouverte et couper le chauffage de l’eau, je suppose? Est ce qu’il n’est pas temps d’investir dans des systèmes de chauffage de douches et autres eaux chaudes pour la commune qui sont moins voraces et fonctionnant en permanence? Enfin, c’est plus facile à dire qu’a faire, mais il me semble que quand on va voter à droite, c’est un bon gestionnaire qu’on imagine au bout du papier de vote. Quel gâchis.

    Signaler
    • MarsKaa MarsKaa

      On le dit, mais dans les faits… la bande des Ump LR des Bouches du Rhône a plutôt montré le contraire.

      Signaler
  6. TINO TINO

    Le reportage ne montre que des maires de droite, mais y a t il encore des maires de gauche dans le 13 ?
    Si les maires rognent sur les services publics, les investissements, réduisent les effectifs municipaux pour faire des économies, ce ne sont donc plus que des comptables et plus des politiques.
    Comme ceux qui gèrent l’Etat en fin de compte. Les fameuses contraintes budgetaires….
    Et quand on entend le chef du medef réclamer 35 milliards d’€ de baisses d’impôts par an en faveur des entreprises, on peut se dire que les comptables sont là pour longtemps.
    A moins que….

    Signaler
    • Alceste. Alceste.

      C’est l’occasion de voir si certains zédiles sont de bons gestionnaires en temps de crise
      Tellement facile de claquer l’argent des autres.
      Nous allons les voir à l’œuvre

      Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire