Devant la justice, l’hôtelier de la Villa Valmer essaye de débloquer son projet

Reportage
le 9 Août 2022
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La société Villa Valmer contestait lundi devant le tribunal administratif la rupture du bail entérinée en juin par la Ville de Marseille, propriétaire de la bâtisse. Pour l'hôtelier, il n'est pas possible de casser le contrat.

Les travaux sur la villa sont interrompus depuis le printemps 2021. (Photo : SL)
Les travaux sur la villa sont interrompus depuis le printemps 2021. (Photo : SL)

Les travaux sur la villa sont interrompus depuis le printemps 2021. (Photo : SL)

“La question est la suivante : une faute non intentionnelle entraine-t-elle stricto facto la résiliation du bail ?”, pose tout en rhétorique Olivier Grimaldi. Devant le tribunal administratif de Marseille, ce lundi, l’avocat de la société Villa Valmer tente de convaincre la présidente d’opter pour la négative, dans le cadre d’une procédure en urgence. Pour lui, la Ville, propriétaire de la célèbre maison de la Corniche, n’est pas en mesure de rompre le bail de très longue durée qui la lie à son client, le promoteur Pierre Mozziconacci. Une décision que la mairie a pourtant actée en conseil municipal au mois de juin, suite à la démolition hors permis de construire d’une annexe de la bâtisse par son locataire. Après de premières actions en justice pour faire reprendre les travaux, c’est cette délibération qui est cette fois-ci attaquée par la SAS Valmer, dans une procédure de référé, soit en urgence.

La société requérante, qui envisageait jusqu’alors de transformer le site en hôtel de luxe, rappelle son argumentaire : cette démolition a dû se faire en urgence, pour éviter un risque d’effondrement. Pierre Mozziconacci, gérant de la SAS Valmer est présent à l’audience et ne recule devant aucun excès. “Fallait-il attendre une deuxième rue d’Aubagne ?”, glisse-t-il à Marsactu. À la barre, son avocat détaille la présence de cuves remplies d’eau, découvertes sous l’annexe détruite et fragilisant ainsi l’ouvrage. “La Ville n’a jamais mandaté de bureau d’études pour évaluer la structure du bâtiment”, ajoute-t-il tandis qu’il met en avant l’expertise d’un bureau de contrôle collaborateur, préconisant cette démolition.

“Qu’il résilie pour l’intérêt public”

Et l’avocat de citer le contrat de bail, sur lequel figurent les options de résiliation. “Aucune ne correspond à ce cas de figure”, affirme-t-il avant d’ajouter : “Je ne vais pas faire de polémique car j’ai un bail […]. On ne peut pas le résilier comme ça, ce serait une première dans les annales. Monsieur Payan ne veut pas d’hôtel de luxe, ni ici, ni ailleurs, il préfère les pistes cyclables et les voies piétonnes. Mais dans ce cas, qu’il résilie pour intérêt public et non pour faute.”

De l’autre côté de la barre, dans un style beaucoup moins vindicatif, l’avocat de la Ville axe lui son discours sur les clauses générales du bail. “Quand un professionnel de l’immobilier signe un bail, il s’engage à réaliser des travaux conformes et à ne pas détériorer le bien de la Ville. S’il y a violation de ces clauses générales, il s’expose à une résiliation”, pose-t-il avant d’aller sur le terrain financier.

Indemnités de 0 à 43 millions d’euros

“Il y a plusieurs hypothèses, poursuit François-Charles Bernard pour la mairie. Soit la Ville doit quelque chose à la société Villa Valmer, soit il n’y a aucune indemnité car la Ville a subi un préjudice.” Si la justice ne doit pour le moment pas se pencher sur la question des indemnités, cette première décision sera déterminante pour la suite. “Si c’est une résiliation pour faute, c’est zéro”, a bien en tête Pierre Mozziconacci. “Mais il y a là un amalgame. S’il veut résilier, Payan doit assumer. Et il y aura alors des indemnités monstrueuses. Ce qui n’est pas le souhait de mon client qui veut exploiter le site”, poursuit Olivier Grimaldi.

L’avocat de la société cite ainsi les “13 millions” d’euros engagés dans les travaux ainsi que les “6 millions” d’emprunts – dont environ deux ont été utilisés, notamment pour payer architectes et bureau d’étude, assure-t-il à Marsactu. Des sommes auxquelles pourraient s’ajouter le bénéfice généré en 60 ans de bail. “43 millions d’euros au total, et ce n’est pas un chiffre sorti du chapeau”, agite comme un chiffon rouge Pierre Mozziconacci. De son côté, la Ville estime qu’il n’y a pas d’urgence à statuer et estime que les emprunts contractés par Pierre Mozziconacci “sont caducs depuis mai 2021”, à l’interruption des travaux.

Dialogue rompu

Si la SAS Valmer reconnaît sa faute dans le fait de n’avoir pas prévenu plus tôt la Ville de la démolition de l’annexe, elle assure avoir ensuite tenté de se mettre en conformité. Mais elle dit s’être retrouvée face à un mur. “À la page 16 du bail, argumente encore Olivier Grimaldi, il est écrit que les parties s’obligent à coopérer en toute transparence. Or, aucune réunion n’a eu lieu entre les cocontractants depuis le 13 avril”, jour de la démolition de l’annexe. Un fait que la Ville ne conteste pas, estimant que rien ne l’y obligeait.

Enfin, la SAS Valmer s’attaque aussi aux conditions du vote de la délibération. “Alors que Samia Ghali et son groupe étaient sortis de l’hémicycle. Et tout le monde sait que sans Samia Ghali, Payan n’a pas de majorité absolue”, plaide Olivier Grimaldi*. Pour son confrère, la majorité a bien été acquise, car elle “s’obtient par soustraction avec les contre et les abstentions et nous n’avons aucune attestation d’absence de Samia Ghali”. La justice devra rendre sa décision d’ici à 15 jours. En parallèle, une enquête pénale pour faire la lumière sur cette démolition est toujours en cours. Des auditions ont eu lieu, sans que l’on en connaisse encore l’issue.

* L’entourage de Samia Ghali confirme que ni elle ni son groupe n’ont voté contre ce dossier. “Si elle est sortie – et ce n’était pas avec la totalité de son groupe – ce n’est pas du tout dans une logique d’opposition”, explique-t-on.

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Commentaires

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  1. leb leb

    “Mr Payan ne veut pas d’un hôtel de luxe, il préfère les pistes cyclables et les voies piétonnes.” Le scandale.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      Il est vrai que l’on voit rarement les utilisateurs de 5 étoiles arriver en vélo ou à pied
      Il y a peut être une mode à lancer

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  2. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Après le « c’est moche, si vous le voulez prenez-le avant que ça ne parte dans les gravats » à propos du fronton de l’école de la marine marchande en béton sculpté des années 50/60
    Après le « c’est vraiment pas joli » à propos de la verrière centrale, reprenant les armoiries de Marseille, réalisée par Jean-Bernard Dhonneur, maître verrier et meilleur ouvrier de France
    Voici “Fallait-il attendre une deuxième rue d’Aubagne ?” pour justifier la destruction de l’annexe
    Il ose tout et c’est à ça qu’on le reconnaît

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  3. polipola polipola

    En effet, c’est splendide. Où peut-on rencontrer ce grand homme ?

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Ce bon Monsieur semble n’avoir que mépris pour les cyclistes et les piétons. Il préfère sans doute les grosses berlines allemandes, et doit regretter de ne pas avoir pu remplacer le parc Valmer en parking. Le fric pervertit tout, y compris les neurones, la décence et la lucidité.

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