Dans le chaudron de la HCup, l’équipe de la Castellane joue pour la réputation du quartier

Échappée
le 17 Juin 2023
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Pour la première année, La Castellane a une équipe qui porte ses couleurs au sein de la HCup, tournoi de foot inter-quartiers à la renommée grandissante. Issue du berceau de Zizou, mais aussi cité marquée par le trafic, c'est avec une pression particulière que la sélection entre dans l'arène.

Des supporters acclament l
Des supporters acclament l'équipe de La Castellane le 2 juin au stade La Martine. (Photo : VA)

Des supporters acclament l'équipe de La Castellane le 2 juin au stade La Martine. (Photo : VA)

La pelouse impeccable du stade de La Martine, dans le nord de Marseille, s’apprête à recevoir le premier match de la HCup 2023. En ce vendredi 2 juin, le soleil de fin d’après-midi perce sous la masse nuageuse quand le public finit de remplir les gradins du stade municipal du 15e arrondissement. 1150 personnes, selon les organisateurs, attendent l’entrée des joueurs. Pour cette journée d’ouverture, le Plan d’Aou affronte La Castellane.

Les supporters de cette dernière équipe ne sont pas les plus nombreux mais ils sont, de loin, les plus bruyants. Regroupée derrière la grille qui contient d’ordinaire les visiteurs, une bonne cinquantaine de jeunes hommes crient à s’époumoner. Maillots floqués de l’écusson de leur quartier, ils défendent leurs couleurs avec une ferveur à faire rougir certains ultras du Vélodrome. La Castellane, berceau de Zinedine Zidane, a enfin une équipe et le public qui va avec dans ce tournoi inter-quartiers à la réputation grandissante.

“Les gens croient qu’on joue en chasuble et qu’on fait des barbecues”.

Voilà trois ans que la HCup rassemble certains des meilleurs joueurs amateurs – mais aussi professionnels – des quartiers Nord de la ville. L’histoire dit qu’à l’origine, tout ça n’était qu’un défi entre potes. Nous sommes au printemps 2020 et le besoin de se retrouver est prégnant après des mois de crise sanitaire. Le reste coule de source : un stade vide au Merlan, une bande d’amis qui lance un appel sur les réseaux sociaux, les réponses qui affluent des quartiers voisins.

Le chanteur Soprano avec, Hicham Martiniky, un des fondateurs du tournoi. (Photo : VA)

Le match se transforme en tournoi et le défi entre potes devient un véritable rendez-vous. “Les gens croient qu’on joue en chasuble et qu’on fait des barbecues”, ironise Soilhou Ahamed, à l’origine de l’événement. Ce trentenaire, conseiller sportif au sein de l’agence de management Only Pro, créée par le chanteur Soprano, a vu son tournoi prendre de l’ampleur – notamment grâce à une subvention de plus de 50 000 euros de la Ville -, se professionnaliser, et vise désormais une finale au Vélodrome.

En attendant de pouvoir squatter les loges du Vél’, c’est sur le bord du terrain que Soprano inaugure l’édition 2023. Tout en tapant des selfies avec Hachim Martiniky , “le H de la HCup”, le célèbre rappeur des Psy 4 de la rime plante le décor. “Ici, c’est familial. Forcément, moi je supporte le Plan d’Aou [Sopra en est originaire, ndlr]. Mais regarde, je suis venu avec mon cousin qui lui, est de La Castellane.”Ici, c’est familial mais on ne rigole pas pour autant avec le ballon. Le cousin en question a les yeux rivés sur la pelouse. Pour sa première entrée dans l’arène, La Castellane est attendue au tournant. L’équipe doit faire ses preuves sinon, ce sera la première et la dernière année que les couleurs du quartier seront représentées.

“Je vis pour le foot”

N’en déplaise à Soprano, lors de ce premier match, La Castellane mène le jeu. Et le score. Dans les tribunes, les minots craquent un fumi, sautent à en perdre leur pantalon. “On connait tous quelqu’un, l’entraîneur, un joueur, le coach. On a tous un collègue sur le terrain”, explique l’un d’eux en bombant le torse. Trois marches plus haut, Maamoun, 21 ans, prend le temps de détailler : “En vrai, beaucoup sont là pour Nassurdine. Je crois que c’est le numéro 10. Il travaille au centre social, tout le monde le connait. Il est trop fort. On sait que quand il vient jouer avec nous, ça va bien jouer”.

L’équipe de La Castellane à l’échauffement le 2 juin. (Photo : VA)

Nassurdine n’est numéro 10 que dans le cœur de ses fans. Sur le terrain, où il porte le numéro 7, il n’est pas forcément le meilleur. Dans son dos, on lit “Hamidou Ali”. Né à La Castellane, il y a grandi et y vit toujours. C’est là qu’il a tapé dans le ballon pour la première fois, à l’âge de 5 ans, avant de chausser ses premiers crampons avec l’Association des jeunes Nouvelle Vague (AJNV), fondée par les frères de Zinédine Zidane.

Passé par le FC Septèmes, le jeune homme de 22 ans joue désormais au Marignane-Gignac Football Club, en National 2. “Entre temps, j’ai dû arrêter le foot un an, parce que j’étais trop lent à l’école et je n’arrivais plus à suivre”, confie-t-il. Désormais, plus question de mettre le ballon de côté. “J’ai trois entraînement par semaine, un match le week-end, et je joue trois ou quatre fois au quartier avec les collègues. Ça peut durer deux, trois heures… Je vis pour le foot”, poursuit-il, déterminé.

De l’asso des Zidane à l’OM Fondation

Le reste du temps, Nassurdine est donc référent ado au centre social du quartier et forcément, éducateur pour les U13 de l’équipe Critérium du Football Club de la Castellane (FCC), rattaché au centre social. “Coordinateur sportif”, réajuste Nassim Khelladi, le directeur de la structure. “Quand L’AJNV a baissé de régime, on s’est sentis obligés de prendre le relais. Malheureusement, on n’a pas réussi à faire dans la continuité mais il y a quatre ans, l’OM Fondation est venue soutenir le FCC. Il y a eu une politique de repérage et un certain nombre de nos animateurs ont bénéficié de formations pour devenir entraîneurs”, développe-t-il.

Je joue pour mon quartier, pour nos petits frères, ça me fait trop plaisir de les voir chanter comme si on jouait la Ligue des champions.

Nassurdine Hamidou Ali, joueur

Comme dans l’équipe de la Hcup, Nassurdine est un élément essentiel du club. “Il a une attitude pro, rigoureuse qui est essentielle quand on est face à des enfants qu’il faut recadrer si besoin, analyse Nassim Khelladi. Cette attitude participe au message de respect qu’il véhicule. C’est leur champion”.

En réalité, Nassurdine est déjà un vétéran de la HCup mais sous d’autres couleurs : le Plan d’Aou puis La Viste. “Cette année, c’est la première fois qu’il y a La Castellane, la question ne se posait pas. Je joue pour mon quartier, pour nos petits frères, ça me fait trop plaisir de les voir chanter comme si on jouait la Ligue des champions. Ça me donne envie de tout donner sur le terrain. J’ai confiance en moi et en eux.”

De jeunes supporters venus de La Castellane pour soutenir leur équipe à La Martine. (Photo : VA)

“Critère numéro 1 : avoir un lien avec La Casté”

Si l’équipe a brillé lors du premier match, la suite du tournoi a été moins favorable. Avant-derniers de leur poule, ils jouent leur survie ce week-end. Jeudi soir, sur un stade de l’Estaque, le coach Hicham Abou, tente de motiver ses troupes : “Faut mettre des buts, un maximum. On peut encore repasser en tête”.

Âgés de 20 à 35 ans, les 18 hommes qui portent les couleurs de La Castellane à la HCup “ont à 80 % un lien avec le quartier”, jure le coach, qui y vit, lui, depuis plus de dix ans. “Vivre ou avoir vécu à la Caste, c’était mon critère numéro 1. J’ai fait une première liste et sans me vanter, j’avais la meilleure équipe du tournoi, mais la saison vient de se finir et certains ont voulu prendre des vacances, j’ai dû m’adapter.” Le critère numéro 2 est forcément footballistique. L’un dans l’autre, il s’agit de ne pas se manquer. Il en va de la réputation du quartier. “Le but, c’est de pas finir dernier et de pas se faire remarquer, pose modestement Hicham Abou, loin de ses joueurs. Je représente le quartier, il y a plus de pression. J’avais pas dormi, pas mangé, je faisais les 400 pas. C’est l’honneur qui en jeu !”

“Au début, ils disaient qu’on n’étaient pas sérieux”

La pression est d’autant plus grande qu’Hicham Abou a insisté pour inscrire La Castellane dans le tournoi. “Après le Covid, j’ai pris goût à ces rassemblements mais je disais toujours  « pourquoi y’a pas La Castellane ? C’est le quartier qui a fait Zidane quand même ! » Hachim Martiniky me disait qu’on n’était pas sérieux”, se remémore l’entraîneur. Hicham insiste auprès de son ami, se targue de son statut d’entraîneur à Air-Bel, jure de constituer une équipe digne de ce nom. “Le H” finit par craquer. Les amis, le quartier, la légende. La Castellane n’a pas le droit de décevoir.

Hicham coache l’équipe pour ce premier tournoi. (Photo : VA)

L’entraîneur a donc constitué son équipe avec des joueurs solides dans le monde du foot amateur. Il a su convaincre le jeune Yassine Benhattab, dit “Zino” qui évolue dans l’équipe de Niort, en Ligue 2 et se démarque clairement sur le terrain de La Martine. Ou encore le milieu Hakim Bacar, actuellement en vacances de l’AS Cannes (Nationale 3). “J’en profite pour voir la famille, les amis”, dit-il sobrement en chaussant ses crampons.

Mais Hakim Bacar relève vite la tête : “Ils croyaient quoi à la HCup? Qu’on sait pas jouer au foot à La Castellane ? Ils ne connaissent pas Zizou ? Peut-être qu’ils ont pas internet…”, chambre-t-il. Le joueur esquisse un sourire en coin. “Oui, la pression est plus forte quand tu joues pour ton quartier que pour un club, même si elle n’est pas comparable car le club, c’est ton gagne-pain. Mais ici, on retrouve les sensations du quartier, c’est difficile à expliquer, c’est une pression différente, qui vient de l’honneur, de la famille, et qui fait qu’on a envie de donner plus que ce que l’on sait faire.”

Le capitaine, Ibrahim Mouhamadi, le rejoint : “Plus on grandit, moins on se voit. Mais les gens avec qui on a grandi, on ne peut pas les décevoir.” Et puis, il y a ce public, ces jeunes qui ne quittent pas le bord du terrain, des étoiles dans les yeux. “Pendant un mois ils ne parlent que de ça, ils viennent jusqu’à La Martine par leurs propres moyens, ils se saignent pour acheter un maillot. Si on perd, on sait qu’ils vont se faire chambrer par les quartiers voisins”, ajoute Fakhri, milieu défensif venu prêter main forte depuis la Solidarité (15e), qui n’a pas d’équipe cette année.

La Castellane, c’est pas que la drogue. On veut que les jeunes gardent espoir.

Hakim Bacar, joueur

Si La Castellane est connue dans toute la France pour avoir vu grandir un champion du monde de foot, elle l’est aussi à Marseille pour abriter l’un des plus gros réseau de vente de stupéfiants de la ville. Et le joueurs savent qu’ils portent aussi, malgré eux, cette réputation là. “La Castellane, c’est pas que la drogue. On veut que les jeunes gardent espoir”, lance Hakim Bacar avant de partir s’échauffer.

Hakim Bacar lors d’un entraînement à l’Estaque, jeudi soir. (Photo : VA)

Il y a deux ans, en plein tournoi, un joueur des Lauriers a été abattu alors qu’il venait de quitter le terrain. Un assassinat en lien avec le trafic de drogue qui a failli mettre un terme définitif à la HCup. “J’étais sur le terrain à ce moment là, se souvient Nassurdine Hamidou Ali. On joue pour changer cela, il faut que ça reste du foot, on est là pour prendre plaisir.” Jouer au foot, passer du bon temps, défendre son identité et changer l’image de tous les quartiers.

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Commentaires

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  1. Patafanari Patafanari

    Au sud les concours de pétanque patronnés par des marques de pastis, au nord le football avec la hash cup.

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