[Comment ça va les salles de concert ?] “J’en ai marre de me projeter pour rien”

Interview
le 27 Nov 2020
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Durant le premier confinement, Marsactu avait suivi les "premiers de corvée" qui continuaient à travailler. Pour cette saison 2, nous nous intéressons chaque jour à celles et ceux que la crise économique frappe avant la crise sanitaire. Aujourd'hui, Francine Ouédraogo Bonnot, co-gérante du Makeda, salle de musiques actuelles.

Francine Ouédraogo Bonnot et Aude Kaboré. Photo DR

Francine Ouédraogo Bonnot et Aude Kaboré. Photo DR

En mars dernier, le Makeda fêtait sa première année d’existence. 124 concerts, des semaines de 60 heures, Aude Kaboré et Francine Ouedraogo Bonnot étaient prêtes à repartir pour offrir de nouvelles heures de musique après les décennies déjà couvertes sous l’ancien nom du Poste à Galène. “C’est là où j’ai vu mon premier concert, à 16 ans, avec ma mère”, se remémore Francine Ouedraogo Bonnot. Mais la date anniversaire de la nouvelle salle de la rue Ferrari (5e) a coïncidé avec le premier confinement. Depuis, plus rien, ou presque. Les salles de concert ne sont évoquées dans aucune communication gouvernementale ou présidentielle. La seule perspective envoie à mars 2021, sans certitude de retour à la normalité.

Comment ça va Francine Ouedraogo Bonnot ?

Du point de vue financier, cela reste super fragile même si nous avons reçu des aides. Nous avons fait un prêt garanti par l’État qui correspond à 20% de notre chiffre d’affaires prévisionnel mais il faudra le rembourser. Et on continue de payer nos charges comme le loyer, une partie des salaires, les frais de location de matériel et la part patronale du chômage partiel de nos employés. Nous avons également reçu une aide du centre national de la chanson de variété et du jazz (CNV) mais c’est difficile d’avoir une perspective sur les prochains mois. Le CNV propose de compléter les recettes de billetterie avec une aide pour compenser le manque à gagner quand nous avons dû passer d’une jauge debout à une jauge assise après le premier confinement. Pour l’Espace Julien, cela signifie passer de 1000 personnes debout à 300 assises. C’est économiquement jouable. Mais pour le Makeda, on tombe à 50 places. Ce n’est pas gérable si on compte six à huit employés présents sur place, plus deux personnes qui effectuent un travail administratif. On avait commencé à travailler sur cette transition, avec en plus une offre en streaming et le second confinement nous est tombé dessus.

Est-ce possible de passer du spectacle vivant à une offre en streaming ?

Le problème est qu’un quart à un tiers du budget part dans le streaming qui vient s’ajouter aux paiements des artistes, des ingénieurs son et lumière et des barmen. Mais si je produis un concert d’Ayo, je ne peux pas le faire payer 25 euros en streaming, ça sera cinq ou six euros, un tarif de soutien. Et on sait que si un spectateur décide de suivre ce concert avec ses amis, il paiera une seule fois. Il y a quelques mois, le président Emmanuel Macron a dit que la culture devait se réinventer. Quand j’entends ça, j’entends qu’il va falloir encore une fois bricoler. Mais on le fait tout le temps ! Les artistes, les producteurs, les diffuseurs passent leur temps à bricoler avec des bouts de ficelle. Et vraiment on en a marre de faire ça. J’ai l’impression d’entendre mon père me conseiller de faire Sciences po plutôt que de travailler dans la culture.

Qu’avez-vous comme perspective à court terme  ?

Nous faisons des résidences, financées par des maisons de production. Nous envisageons de mettre la salle à disposition pour de la formation. Nous avons participé au dispositif Rouvrir le monde mis en place par la direction régionale des affaires culturelles. À part ça, nous n’avons aucune perspective avant mars 2021. Nous sommes deux personnes très motivées mais on en a marre de se projeter pour rien. Cela fait huit mois de combat dans le vent, à faire que de l’administratif, à remplir des demandes de subventions. En mars, on ne sait pas encore quelle jauge sera acceptée. Et puis on ne remet pas en place une programmation en quelques semaines. Je préfère me projeter à septembre 2021. On le sait : à Marseille, la programmation s’arrête en juin. En août, tout est fermé et en juillet, ce sont les concert en plein air… On aura peut-être une courte fenêtre en été pour des dates isolées. Mais il ne faut pas se cacher : ça ne sera que du “en attendant”. Mais attention, cela ne nous incite pas à lâcher l’affaire. Cela sera peut-être notre état d’esprit à la troisième année de confinement. Pas avant.

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