Aux Pennes-Mirabeau, le projet de parc photovoltaïque du maire démarre en terres hostiles

Reportage
le 11 Mar 2022
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La mairie lance un projet de parc photovoltaïque de 11,7 hectares. Mais déjà, les riverains du terrain choisi ne sont pas convaincus, d'autant plus que le site pose de nombreuses contraintes.

Depuis l
Depuis l'arrière de la piscine du Jas de Rhodes, où pourrait être implantés les panneaux solaires, le vis-à-vis demeure. (Photo : Iounès Disdier)

Depuis l'arrière de la piscine du Jas de Rhodes, où pourrait être implantés les panneaux solaires, le vis-à-vis demeure. (Photo : Iounès Disdier)

Comment ça, devant chez moi ?, s’étrangle un riverain lorsque Marsactu lui apprend la nouvelle. Aux Pennes-Mirabeau, l’ambiance oscille entre surprise et consternation depuis la publication par la mairie d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) relatif à la construction d’un parc photovoltaïque. Approuvé en conseil municipal le 9 décembre 2021, le projet prendra place sur un terrain communal du site de la Grande Colle.

En tout et pour tout, ce sont 11,7 hectares sur 75 de garrigue que la commune veut aménager. Un terrain ravagé par les flammes en 2016 et bordé par la piscine du Jas de Rhodes ainsi que sept habitations. “Nous avons la volonté de participer à un projet de développement durable et comme la théorie du colibri, d’apporter notre goutte d’eau au développement des énergies renouvelables”, défend le maire Michel Amiel (divers-centre). Et en faire un exemple au sein de la métropole. Un projet écologique aux contours flous qui passe mal auprès des riverains.

Délimitation foncière “maximale” du projet en rouge, en rose les lignes de variation de niveau du terrain. Capture d’écran de l’appel à manifestation d’intérêt.

Périmètre à déterminer et consultation inexistante

Si le maire des Pennes-Mirabeau met en avant le fait que c’est une partie du terrain éloignée des habitations, situé derrière la piscine du Jas de Rhodes, qui sera utilisée, la position exacte des panneaux solaires reste à déterminer. “Les gens crient d’entrée de jeu, c’est la vie … Mais d’après ce qu’on a prévu, les habitations sont fort peu impactées”, veut rassurer Michel Amiel.  

Un projet écologique et économique
Sur ces 11,7 hectares, la Ville ambitionne de produire 12 500 mégawatts-heure par an, soit la consommation annuelle d’un petit millier de foyers. La totalité de l’électricité sera revendue : un gain de 15 000€ par an et par hectare, pour une plus-value de 175 000€ chaque année pour la commune. Une somme non négligeable qui permettrait de faire diminuer la facture d’énergie de la commune selon son maire Michel Amiel. Cette dernière aurait doublé en un an passant de 700 000€ à plus d’1,3 millions d’euros sur fond de crise du marché mondial de l’énergie.

Pour autant, la métropole Aix-Marseille a fait de la consultation citoyenne est l’un des critères clé de tout projet énergétique. Mais aux Pennes-Mirabeau, le terrain étant municipal, l’institution n’a qu’un rôle consultatif. Interrogé par Marsactu, Pascal Montécot, vice-président (LR) délégué à la transition énergétique pensait qu’une consultation avait déjà eu lieu aux Pennes-Mirabeau. Mais la municipalité reconnaît que cela n’a pas été le cas pour le moment. Légalement, à ce stade, rien ne l’y oblige.

Une opacité qui inquiète les riverains. On ne l’a pas appris, on l’a découvert !”, s’exaspère Blanco Bragado, dont le mari a rencontré des entrepreneurs arpentant le terrain de garrigue à cinq mètres de son jardin. 

Seuls les cinq mètres du passage du pipeline souterain séparent le terrin du muret des riverains. (Photo : ID)

Une zone qui cumule de nombreuses contraintes

Le choix du terrain interroge également les riverains. “La commune ne manque pas de terrain ni de place, alors pourquoi ici, si près, et sur un terrain si particulier ?”, questionne encore Blanco Bragado. La surface est en effet située en zone rouge du plan prévention des risques d’incendie (PPRI). D’ailleurs, un très important incendie avait totalement dévasté les lieux en 2016, traversés par des lignes haute tension ainsi qu’un pylône électrique. L’instabilité des sols n’aide pas non plus. Par sa composition argileuse le terrain est sensible au phénomène de retrait et de gonflement des sols. À cela, il faut ajouter les risques de mouvements de terrain, de chute de pierres ainsi que le passage d’un pipeline souterrain sur la quasi-totalité du terrain.

pylones pennes mirabeau

Pylônes et fils électriques survolent le terrain.

S’ils n’entrent pas en contradiction directe avec l’installation du projet, ces risques vont pourtant poser des contraintes à l’installation des panneaux photovoltaïques. Un premier projet a d’ailleurs été retoqué à cet endroit, pour respecter les “contraintes et normes environnementales” confirme Pascal Montecot. La métropole avait alors conseillé à la commune de revoir son projet, en réduisant de moitié la surface sur laquelle il était censé s’étendre. Selon la Ville des Pennes-Mirabeau, ces risques devraient donc cantonner le projet à l’arrière de la piscine du Jas de Rhodes à plus de 250 mètres des habitations.

Par ailleurs, bien que la liste soit longue, les professionnels du photovoltaïque sont habitués aux sites accidentés. Beaucoup de terrains sont des sites dégradés : des sites militaires parfois minés, des carrières, des centres d’enfouissement technique… C’est toute la valeur ajoutée des opérateurs de maîtriser ces contraintes”, explique Richard Loyen, délégué général du Syndicat des professionnels de l’énergie solaire (Enerplan). Le projet pourrait même réduire certains risques, assure la commune. “Ça peut être un dispositif coupe-feu tel qu’il est aménagé : ça permet de créer une interface avant les habitations et de les protéger” explique Michel Amiel. 

“Les oubliés de la commune”

Mais pour les sept foyers qui bordent le terrain, c’est projet est la goutte d’eau de trop. “On fait déjà avec le bruit des pylônes, la décharge à proximité dont le vent ramène les odeurs, l’absence de tout-à-l’égout, le passage d’avions qui ne respectent pas les couloirs aériens, le risque d’incendie … et maintenant ça ? Il faut constater qu’on est laissés pour compte, on est un peu les oubliés de la commune” s’agace Annie Chieze, habitante de l’une de ces maisons mitoyennes.

Avec le vis-à-vis et la réverbération du soleil sur les panneaux, la maison va forcément perdre de la valeur : qui va vouloir acheter ici ?

Blanco Bragado

C’est tout le paradoxe que soulève le projet des Pennes-Mirabeau. Les riverains interrogés par Marsactu conviennent de l’importance de ce genre d’initiatives. Mais nombreux sont ceux qui s’inquiètent pour leur bien. “Avec le vis-à-vis et la réverbération du soleil sur les panneaux, la maison va forcément perdre de la valeur : qui va vouloir acheter ici ?”, s’interroge Blanco Bragado. Sans oublier le risque de pollution sonore induit par les infrastructures électriques du parc solaire, qui nécessite un onduleur et un transformateur. Ces mêmes équipements seraient aussi à l’origine “d’importantes émissions de rayonnements électromagnétiques dangereuses à moins de 50 m”, indique aussi Jean-Charles Lamaque, représentant de France Nature Environnement interrogé par Marsactu.

Depuis l’arrière de la piscine du Jas de Rhodes, où pourrait être implantés les panneaux solaires, le vis-à-vis demeure.

La situation est paradoxale : effacer des espaces naturels pour y développer des initiatives de développement durable. La loi le permet pourtant, s’il s’agit d’énergies renouvelables. Une contradiction aux yeux de certains riverains, pour qui écologie rime avant tout avec nature. “Je suis venue ici en 1997 pour la nature, on a tout retapé. Je ne suis pas contre l’énergie solaire, il faut y venir, mais je veux encore voir les lapins courir devant chez moi”, déplore Blanco Bragado, rejointe par sa voisine Annie Chiez : “C’est très bien qu’on aille vers les énergies vertes, mais on a choisi d’habiter dans un environnement naturel, de collines, et on se retrouve avec des panneaux photovoltaïques.” Une partie des riverains annonce d’ores et déjà réfléchir à déposer un recours. Une autre habitante se dit déjà résignée et pense à déménager.

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Commentaires

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  1. BRASILIA8 BRASILIA8

    vue la dimension du projet ce n’est plus un colibri mais une autruche
    petit rappel plutôt que du symbole de l’oiseau Mr le Maire aurait du se souvenir que Pierre Rhabi préconisait sobriété et la décroissance et certainement pas de stériliser 12ha pour réduire la facture énergétique
    mais que peut on attendre de quelqu’un qui fut socialiste puis macroniste maintenant divers centre c’est à dire “amieliste”

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  2. Patafanari Patafanari

    Bizarre; Ils n’ont pas mis de “vue d’artiste” du projet réalisé.

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  3. TINO TINO

    on a là un résumé du pire en urbanisme. Habitat dispersé donc éloigné des services ( distribution de l’eau, de l’énergie, ramassage des ordures ménagères…), en zône hautement inflammable et à proximité d’une ligne à haute tension, d’un dépôt d’ordures, d’un pipeline ( gaz ou pétrole ?)…Des panneaux photovoltaïques maintenant ? Le mal a déjà été fait !!!!….

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  4. inaudirosy inaudirosy

    Si on veut sortir des énergies fossiles et lutter contre le réchauffement climatique, les énergies renouvelables sont la seule solution. La plupart de gens sont pour, à condition que cela se fasse dans le jardin du voisin ….
    Il faudrait savoir ce que l’on veut et arrêter d’être égocentré ! c’est l’avenir de la planète qui est en jeu !!!

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      donc au nom des énergies dites renouvelables, comme le silicium des panneaux solaires, on peut faire n’importe quoi et en plus en faisant référence à Pierre Rhabi qui prônait la sobriété !!

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  5. polipola polipola

    Exactement !
    Mais il faut croire que l’avenir de la planète ne fait pas le poids face au vis-à-vis Mr et Mme Toulemonde. Terrifiant.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      la planète a quelque milliard d’année et elle se moque de notre agitation c’est le vivant qui est menacé

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  6. polipola polipola

    Vous rigolez ?
    Le vivant ne serait pas menacé si la planète ne l’était pas par l’activité humaine. C’est le b.a-ba du réchauffement climatique.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      je me répète mais la planète n’est pas menacée ce sont tous les organismes vivants qui le sont par l’activité humaine

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  7. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Pour le projet; n’oubliez pas la provision afin de récupérer les panneaux solaires : ne sont pas éternels, réhabiliter le terrain pour d’autres énergies dans le futur. N’oubliez pas le nucléaire. Quand les centrales ont été crées, on ignorait les déchets ou l’indépendance ou la guerre.
    Dans l’urgence, n’oublions pas le long terme et alertez les bébés…!

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      le problème des déchets était parfaitement connu et je me souviens de la réponse du “grand” physicien Leprince Ringuet je cite “d’ici à ce que le problème se pose la science aura trouvé la solution” encore un scientifique et grand visionnaire

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  8. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Certes, il existera tjrs de ”grands” scientifiques qui seront pollués par le lobby nucléaire, mais qu’en ait-il des déchets des panneaux solaires?

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  9. Pascal L Pascal L

    Soyons clair, les panneaux solaire sont essentiellement composés de silicium et, comme le verre, c’est très facilement recyclable.
    L’article mentionne le bruit et les rayonnement des onduleurs. C’est un gag : une plaque à induction fait autant de bruit et plus de rayonnement et les gens l’installent dans leur cuisine.
    Ce qui pourrait coûter cher et qui serait difficile à recycler ce serait les éventuellles batteries mais là, il n’y en a pas car on est directement relié au réseau.
    Enfin, il vaut mieux mettre des panneaux où on ne peut pas faire d’élevage ni de culture (le substitut intelligent serait peut-être d’élever des lapins sur ces terres ???).

    C’est pas faux que l’habitat dispersé a un coût énorme dont une partie est souvent cachée (engins motorisés indispensables, souvent plusieurs par foyers quand les enfants grandissent, note de chauffage plus élevée sauf à construire en bioclimatique +cher et donc souvent ce n’est pas le cas, nécessité pour la commune d’entretenir un réseau routier plus important, ramassage des déchets plus couteux, ….) donc à moins de mettre le paquet sur la fusion thermonucléaire – ce que l’on ne fait pas – on est condamné à augmenter drastiquement la surface de panneaux solaires et comme c’est de l’intermittent, cela ne suffira même pas à nous passer du gaz russe.

    Enfin, ilm vaut mieux mettre des panneau

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    • Pascal L Pascal L

      Et j’ai bien dit la FUSION, pas la fission ! Les spécialistes disent pas avant 50 ans mais avant le COVID on nous disait qu’il fallait des années pour développer un vaccin. Donc si on multiplie par 10 ou 20 les crédits de recherche dans ce domaine on a peut-être une chance de nous sauver les fesses.

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  10. Cyril JARNY Cyril JARNY

    A lire cet article et tous les commentaires, je trouve vraiment inquiétant que les français soient si mal informés sur les questions énergétiques.
    Je ne prétend pas que le site soit idéal pour y installer du photovoltaïque MAIS :
    – Non l’installation de panneaux photovoltaïques ne “stérilise” en rien le sol, et est totalement réversible
    – Dans la plupart des cas, on constate même une amélioration de la biodiversité puisqu’on sanctuarise la zone concernée
    – Il n’y a évidemment aucun impact sanitaire pour le voisinage, et si c’est bien fait (en installant des haies par exemple), un impact paysager très limité
    – Il y a donc très peu de chances que les maisons du voisinage soient devaluées
    (- A titre personnel, j’avoue que j’ai du mal à plaindre ces “pauvres” propriétaires de villas avec piscines…)
    – Les panneaux sont totalement recyclables et la filière est organisée pour depuis longtemps déjà. On a même une usine à Rousset !
    – Aujourd’hui on a pas d’autres choix que de réduire nos consommations d’énergie par de la sobriété et de l’efficacité, et de produire de façon renouvelable. C’est la seule manière pour être plus indépendant et ne plus avoir recours aux fossiles (Russes ou pas !). Et dans ces conditions, c’est tout à fait possible que de n’utiliser que des énergies renouvelables. De nombreuses études le démontrent.

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  11. polipola polipola

    Merci beaucoup Cyril Jarny !

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