Après avoir dit non à Louis-Dreyfus et aux Qataris, Saadé va t-il dire oui à un Baron Belge ?

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le 27 Juil 2010
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Les requins Pointes Noires

Au siège de la Cma Cgm à Marseille, quelques requins « pointes noires » tournent en rond, dans l’immense aquarium qui se trouve dans le hall d’entrée. Il parait qu’il s’agit d’un des plus grands aquariums privés au monde. Forcément. Les  plus grands navires, la plus haute tour, donc le  plus grand aquarium.
Les requins pointes noires seraient, selon les spécialistes, une espèce assez inoffensive pour l’homme, et ne feraient pas partie de la catégorie des « mangeurs d’hommes ». En tout cas, ils seraient bien moins dangereux que les requins en Church et costumes rayés qui n’ont cesser de défiler ces dernières semaines, quai d’Arenc, au siège du 3 ème armateur mondial. Le gratin de la finance mondiale est en effet venu proposer ses services, comme on « aide un ami dans le besoin » ( eh, eh), car la ( Bruni, bon, ok, mais c’est les vacances) Cma Cgm, doit absolument ouvrir son capital à de nouveaux investisseurs, apporteurs de quelques milliards d’Euros, afin de pouvoir aider l’armateur à faire face aux échéances de remboursement d’une dette évaluée à plus de 4 milliards et de pouvoir payer les futurs porte-containeurs géants, commandés mais pas encore livrés par les chantiers coréens, et  qui font dans les 150 millions de dollars la bête.

La ferme célébrité du Cac 40


C’est plus la Cma Cgm, c’est la « Ferme Célébrités » spéciale Cac 40. Un casting de rêve, que du lourd.
Dans la famille industriels, on pioche l’incontournable Vincent Bolloré, partenaire historique de l’armateur marseillais, qui lui avait vendu Delmas Vieljeux il y a quelques années et reste un de ses gros partenaires aujourd’hui dans les ports en Afrique, et qui a dans les premeirs regardé le dossier. Surtout par politesse, et l’a vite refermé. « Vincent » aime plus que tout être maître à bord. Impossible avec les Saadé. Kenavo Bollo.
Philippe Louis- Dreyfus, patron et propriétaire de Louis-Dreyfus Armateurs, qui avait racheté à son cousin germain RLD, la branche armement du groupe familial, a également longuement tourné autour du dossier. Il faut dire que c’était le candidat favori des banques et du Gouvernement. Un industriel, un vrai. Un fils de bonne famille, et qui connait le business. Un des rares armateurs à avoir su rester accroché aux mats de ses bateaux en passant le détroit de Méssine. Comme Ulysse , Louis-Dreyfus, a su ne pas écouter le chant des sirènes et éviter  la course au gigantisme, et refuser de commander de trop gros et trop nombreux bateaux quand le marché était au plus haut. Ce qui a plombé, quand la crise est venue, les comptes d’exploitations de ses confrères comme la Cma mais aussi les 2 premiers mondiaux, Maersk et MSC, eux aussi  en très grandes difficultés financières.
Chez les Louis-Dreyfus, on a toujours appris que les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel. Mais ce sont les Saadé qui ne voulaient absolument pas entendre parler de Philippe Louis-Dreyfus. Entre l’armateur self-made man libanais et l’héritier d’une grande famille d’armateur français, la cohabitation n’était même pas envisageable. Malgré les pressions des banquiers et de l’Etat, Philippe Louis-Dreyfus a du tourner les talons de ses docksides et rapidemment quitter les quais marseillais. Avec en travers de la gorge , l’hostilité à peine cachée de la famille Saadé à son endroit, qui avait fait chauffer les plumes et le goudron. Il se dit d’ailleurs dans le petit monde des armateurs, en surface si policé mais en réalité très cruel, que le « Président Louis- dreyfus » n’est pas prêt d’oublier ce sévère camouflet.
Pour finir dans la catégorie professionnels de la profession, on a imaginé un temps une fusion entre le deuxième armateur mondial, MSC et le 3 ème mondial. C’est l’Elysée qui avait imaginé ce beau mécano industriel. L’Elysée qui continue de déployer le tapis rouge et faire la danse du ventre à Gianluigi Aponte, le patron de l’armateur italo-suisse, qui est un des derniers clients des chantiers navals de Saint Nazaire. On a encore vu la semaine dernière Nicolas Sarkozy himself, assister à la signature du « Fantastica », le futur géant navire de crosière, qui sera construit à Saint-Nazaire, commandé par la filiale croisière de la MSC, dont on voit souvent les bateaux dans la rade marseillaise. On ne peut rien refuser à un armateur qui fait un chèque de 575 millions d’euros pour faire construire son navire en France plutôt qu’en Asie.  » Quelqu’un m’a dit que tu m’aimes … » . En tout cas, lui aussi, malgré les douces sérénades élyséennes, il n’en a pas voulut Gianluigi, de la CMA.
Après les industriels, place aux financiers.

Là aussi que du beau monde. Le gratin des affaires a défilé quai d’Arenc. Les fonds d’investissements, comme Appolo  Investment Management, un des plus gros fonds américain ont longtemps regardé le dossier. Le nom du monégasque Jean -Luc Allavena, ex bras droit du Prince Albert et ancien de Péchiney et de Lagardère et aujourd’hui un des associés du fonds américain en France, a d’ailleurs, un temps circulé pour être le nouveau Directeur Général de la Cma. Mais c’est le polytechnicien Philippe Soulié, qui a été choisi par le Gouvernement et les banques, pour encadrer Jacques Saadé dans cette période compliquée.
Toujours dans la famille « fonds d’investissement anglo-saxon », l’actionnaire des hôtels Accor, du PSG ( oui, oui du PSG), et de Carrefour, le fonds Colony Capital, a aussi fait part de son très grand intérêt pour la Cma Cgm. Une des spécialités de Colony est de vendre l’immobilier des entreprises dans lesquels ils investissent. Accor s’est ainsi séparé de ses murs d’hotels, pour n’en garder que l’exploitation, l’idée, même si elle semble plus compliquée à mettre en place , est la même pour Carrefour. Nul doute que Sébastien Bazin, le patron français de Colony saura quoi faire de la future tour Cma … Un Bazin, qu’on dit d’ailleurs aussi très intéressé par la future « skyline » marseillaise. Ce passionné d’architecture, à défaut d’investir dans la Cma, mettrait bien un peu d’argent dans les futurs tours marseillaise… Au moins, ça le changera du PSG…
Walter Buttler, son ex associé dans le PSG justement, passe également en ce moment ses devoirs de vacances dans les comptes de la Cma. Il faut dire que Marseille et ses bateaux lui ont toujours porté chance. C’est en effet le seul actionnaire qui a réussit à gagner de l’argent avec la SNCM. Grâce à un concours de circonstance, politiquo-économique, Buttler avait du céder la place au capital de la SNCM, lors de sa privatisation en 2005, à Véolia, alors qu’il l’avait racheté en premier. Les syndicats de la Sncm avaient vu d’un mauvais oeil l’arrivée de ce financier pur et dur, qui plus est, doté d’un prénom et d’un nom à consonance un peu trop anglo-saxonne, à leur goût, et l’avaient fait bruyamment fait savoir.. Un Walter Butler, qui malgré un père américain, est pourtant un pur produit  de l’éstablissement français, énarque et Inspecteur des F
inances. Il avait donc du se retirer discrétement en 2008 du capital de l’autre armateur marseillais, empochant au passage une bien jolie plus-value.
Butler Capital  serait toujours dans la course pour la Cma, selon les dernières rumeurs  » si la famille Saadé a besoin de nous on est là » aurait déclaré récemment Walter à l’AFP. Ya pas à dire, un chic type que ce Walter, toujours là pour rendre service. Sa proximité avec Jean Marie Messier, ex « J 6 M » du temps de Vivendi, et aujourd’hui revenu dans la cour des grands comme banquier d’affaires et à ce titre chargé de trouver des investisseurs pour la Cma, font de Buttler un des favoris à la recapitalisation de la Cma. Plaide aussi pour le financier,  son excellente image auprès du FSI ( le fonds stratégique d’investissements), bras armé de l’Etat pour investir dans des secteurs dits stratégiques, et qui a donné son accord pour mettre quelques millions d’euros dans l’armateur du quai d’Arenc, mais pas tout seul.
Un FSI de plus en plus agcé par la tournure des événements,  notamment depuis que Saadé, à la surprise générale, alors qu’il était prêt d’un accord, à renvoyé à Doha, les investisseurs qataris, de la Qatari Holdings, le Fonds Souverain de l’Emirat, qui étaient prêts  à apporter quelques milliards à la Cma, mais contre quelques garanties, notamment en terme de management, que les Saadé auraient trouvées « inacceptables ». Cette fin de non-recevoir, et surtout sa brutalité, à l’égard d’un  des plus gros partenaires financiers des grandes entreprises françaises, le fonds souverain du Qatar est en effet, actionnaire en autre  d’EADS et de Véolia, aurait beaucoup, beaucoup fait tousser à l’Elysée. Là-aussi, les Saadé ne ce sont doute pas fait que des amis.

« Petit actionnaire petit con, gros actionnaire gros con »


Et puis comme dans les meilleurs romans d’Agatha Christie, au moment où on on se demande comment tout ça va finir, on voit débouler non pas le fameux détective belge Hercule Poirot, mais son compatriote, un des hommes d’affaires les plus influents en France et en Europe, le Baron Albert Frère.
C’est le très bien informé site d’infos financières Wansquare, qui le premier l’a annoncé hier après midi , reprise par le Figaro  » Albert Frère aux portes de la Cma Cgm ». Et là, les requins pointes noires de l’aquarium du quai d’Arenc peuvent aller s’enterrer dans le sable. Car le Baron Frère, dans le genre gros poisson de la  finance, c’est ce qu’on fait de mieux. A 84 ans, à travers sa holding GBL ( Groupe Bruxelles Lambert), avec son associé, lui aussi une très grosses pointures des affaires, la canadien Paul Desmarais, ils possèdent des participations dans Suez Gaz de France, Total, Pernod Ricard et les ciments Lafarge. Et  pour beaucoup d’observateurs, son arrivée semble siffler la fin de la récré. Car ce très proche de Sarkozy, n’est surement pas arrivé dans ce dossier pour y jouer simplement les bouées de sauvetage. Si cet ancien ferrailleur a toujours aimé investir dans des entreprises familiales, laissant le management tranquille, comme par exemple avec la famille Ricard où les 2 familles s’entendent à merveille, les enfants du Baron étant eux aussi impliqué dans GBL, encore faut-il que la relation soit loyale et transparente. « Petit actionnaire petit con, gros actionnaire, gros con » est une des maximes favorites qu’on prête au Baron Belge.  Voilà Jacques Saadé prévenu.

Un lien Albert Frère aux portes de la Cma Cgm sur le figaro.fr

Un lien Albert Frère serait intéressé par Cma Cgm sur challenges.fr

Un lien Mais qui est Albert Frère ? sur lejournaldunet

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Commentaires

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  1. sincefive sincefive

    Monsieur, je trouve tout simplement nauséabont le ton que vous employez en début d’article. Employé depuis 5 ans dans cette entreprise, et même si j’avais eu des choses à dire, je ne me serais permis d’utiliser ce language envers ma société qui fait vivre autant de personnes dans notre ville, notre pays et dans le monde. Il est facile dans des périodes difficiles comme nous rencontrons actuellement de se lâcher tel un hyène sur sa proie. Quand au caractère de notre Patron, c’est sûrement le même qui lui a permis de créer ce que vous venez de lire trois phrases plus haut. Précision, je ne suis mandaté par personne. C’est juste une petite réaction personnelle. Bonne journée.

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  2. Pierre Boucaud Pierre Boucaud

    Désolé de vous avoir apparemment heurté. Mais à aucun moment dans cet article je n’ai l’impression d’avoir tenu un ton “nauséabont” vis à vis de votre entreprise, et de son patron. Comme tous vos grands concurrents, votre entreprise a pris de plein fouet la crise économique et doit faire face à une dette très lourde, qui oblige la famille fondatrice à ouvrir son capital et donner des gages en terme de management. C’est un fait. On connait également le caractère très autoritaire de Jacques Saadé. C’est aussi un fait. Je ne souhaite qu’une chose, comme vous, c’est que cette affaire trouve une issue favorable. J’essaie simplement de faire partager cette incroyable saga à nos lecteurs, avec humour, un humour qui, et c’est bien normal, n’est pas forcément partagé par tous. Pas drôle peut-être, mais une “hyène” surement pas.

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  3. g-nan g-nan

    Bon, il est clair que l’état d’esprit des dirigeants et de ses employés qui ont cru pendant longtemps qu’ils étaient les maîtres du monde (maritime) le retour à la réalité économique est un peu difficile à accepter.
    Alors de grâce monsieur le journaliste faite comme vos confrères de la Provence et n’écrivez que de bonnes nouvelles
    Surtout que même si l’orage est passé l’avenir parait compromis, pas sûre que cette compagnie puisse affronter une nouvelle tempête (économique; faillite de la Grèce ou concurrentielle ; les Chinois seraient en train de constituer une flotte de nouveaux navires qui aura le monopole des exportation sortie de Chine)…

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  4. dilbert dilbert

    Albert Frère – FSI : conflit d’intérêt ?
    L’entrée prochaine d’Albert Frère et du Fonds stratégique d’investissement (FSI) au capital de l’armateur marseillais CMA-CGM serait-elle entachée de conflits d’intérêt ? L’actuel dirigeant de FSI doit en effet rejoindre à l’automne prochain la galaxie Frère en devenant le patron d’Imerys. Une confusion des rôles qui inquiète et qui jette la suspicion sur la sincérité avec laquelle les capitaux publics français seront investis ?

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