UN RÉVEIL ÉCOLOGIQUE POUR MARSEILLE (3)

Billet de blog
le 23 Sep 2023
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LA POLITIQUE DES ORDURES ET DES DÉCHETS

La qualité de la vie dans une ville s’apprécie, bien sûr, à ses aménagements, à ses modes de déplacements, aux relations sociales entre ses habitants, mais elle peut se comprendre aussi à un élément essentiel de la politique environnementale : les ordures et les déchets. Essayons donc, dans les deux articles qui vont suivre, d’y voir un peu plus clair dans ce domaine.

Les ordures et les déchets dans l’espace urbain

Comme tous les corps, la ville produit des déchets. Ils sont, pour la ville, ce que les excréments sont pour nous. De la même manière qu’ils sont essentiels à notre santé, ils sont essentiels à la vie de la ville. Sans doute de la même manière que les corps nus ne se regardent pas dans l’espace public, de la même manière que l’on ne promène pas tout nu dans la rue, les ordures et les déchets ne se regardent pas. À la fois pour des raisons d’hygiène et pour des raisons esthétiques, mais aussi parce qu’ils génèrent des odeurs désagréables, les déchets et les ordures de la ville sont enfermés dans des récipients, déposés dans des lieux prévus à cet effet, et ils sont emportés, en principe tous les jours, par des équipes de travailleurs dont c’est le métier, afin que la rue soit propre. C’est pourquoi le traitement des ordures ménagères et des déchets est un élément essentiel de la politique de la ville : la politique des déchets et des ordures donne son visage à la ville en faisant de son corps un corps propre, à la fois plaisant à regarder et agréable à percevoir et à habiter, notamment par l’air que l’on y respire.

  

Que faire des ordures ?

La question du traitement des ordures et des déchets a longtemps été résolue à Marseille par le recours à une décharge municipale. Cette décharge de 80 hectares se situait à Saint-Martin de Crau, à côté d’Entressen. À la fois parce que c’était une solution qui n’aurait pas eu de fin alors que la décharge, elle, aurait été saturée un beau jour et parce que la ville de Marseille ne pouvait pas imposer ses ordures et ses déchets à des lieux environnants, la décharge a été fermée en 2010, également sous la pression des autorités de l’Union européenne, et elle a été remplacée par un incinérateur, construit par la métropole à Fos-sur-Mer. Les ordures et les déchets sont donc désormais brûlés. Cette disposition s’inscrit dans une longue histoire de la purification par le feu. Des ordures ont toujours été brûlées, ce qui a, d’ailleurs, souvent occasionné des feux de forêts, les villes ont toujours eu recours à l’incinération. Mais il faut aller plus loin. La signification même de l’incinération a une dimension symbolique. Le feu est une figure traditionnelle de la purification. Il faut, enfin, ajouter à cette dimension politique et culturelle la relation entre l’incinération et la mort, à la fois parce les corps des défunts ont toujours été incinérés – c’est, d’ailleurs, la signification des cendres – et des bûchers ont toujours été dressés à l’intention des condamnés à mort. L’incinération des déchets s’inscrit dans cette longue histoire.

Le tri

L’obsession des modèles de gestion, mais aussi une autre figure essentielle du politique que représente la sélection, a introduit dans la gestion des ordures et des déchets le modèle du tri. C’est ainsi que, dans les lieux de la ville, se sont multipliés partout ces assortiments de réceptacles à ordures, parfois, d’ailleurs, répondant aussi à des critères esthétiques : les récipients pour les papiers et les cartons, ceux qui sont destinés aux verres, ceux qui recueillent les ordures ménagères, et, parfois, il y a d’autres « spécialités ». Marseille ne fait pas exception à cette sorte de mode nouvelle des politiques de l’espace urbain. Ces récipients présentent, d’ailleurs, un inconvénient : ils se voient autant que certains monuments et ils défigurent parfois l’espace public. Les bacs à tri constituent un réseau parallèle aux autres réseaux de la ville, faisant, ainsi, partie de la gestion environnementale de l’espace urbain.

La collecte

Deux façons d’assurer la collecte des ordures cohabitent, en quelque sorte, dans l’espace de la ville. La première, ce sont les camions, que l’on appelle traditionnellement les « camions-poubelles » qui circulent pour collecter les ordures à des heures où ils ne gênent pas la circulation : tôt le matin ou tard le soir. La collecte a généré un métier traditionnel de la société urbaine, à Marseille comme dans toutes les villes. Mais il existe aussi des façons de responsabiliser les habitants d’une ville en leur demandant d’assurer eux-mêmes la gestion de leurs ordures. C’est le rôle des bacs à tri, mais c’est aussi le rôle des exigences des municipalités sur les récipients comme les sacs destinés à recueillir les ordures avant de les disposer sur la voie publique. La collecte fait partie de la politique de la ville, car il s’agit d’une activité de médiation entre l’habitat singulier et l’urbanité collective et parce qu’il s’agit des responsabilités des collectivités locales, en l’occurrence de la métropole. Cette dimension politique est à l’origine de divergences entre les pouvoirs et entre les orientations politiques – à Marseille, en particulier, entre la municipalité et la métropole. 

La collecte des ordures et des déchets comme moyen de pression politique

La collecte tient aussi sa dimension politique du fait qu’elle constitue un moyen de pression des salariés sur les pouvoirs. Une grève un peu longue de la collecte des ordures, notamment l’été et dans les périodes de chaleur, rend la vie en ville très vite insupportable. Les choix politiques des pouvoirs dans le domaine du traitement des déchets sont un élément essentiel des pouvoirs urbains, mais aussi, par conséquent, des éventuels conflits entre les différents pouvoirs qui s’exercent sur l’espace de la ville. C’est ainsi qu’à Marseille, la métropole exerce un pouvoir sur la municipalité en imposant ses logiques et ses modes de gouvernance, mais c’est ainsi, également, que les salariés peuvent faire pression sur les pouvoirs qui sont leurs employeurs en les menaçant de grèves, difficilement supportables par celles et ceux qui vivent dans la ville. Les ordures et les déchets acquièrent, de cette façon, leur dimension politique, en constituant le mode d’exercice d’un contre-pouvoir pour les salariés et d’un pouvoir pour les choix de mode de gestion des déchets. Ainsi, les choix dans le domaine des ordures et des déchets font partie des éléments qui donnent du sens à la politique de la ville en permettant de comprendre les orientations des institutions de la ville et des politiques urbaines.

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