Le débat sur la politique économique à engager à Marseille

MARSEILLE, LA RENCONTRE DE L’ÉCONOMIE ET DU POLITIQUE

Billet de blog
le 23 Sep 2017
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Rappelons-nous toujours que l’économie ne peut se dissocier de la politique. La fiction selon laquelle il faudrait que l’une et l’autre soient séparées est plus dangereuse qu’une simple illusion ou qu’un simple récit imaginaire : elle est peut-être à l’origine du déclin de Marseille, de cette situation que l’on pourrait appeler de crise longue que connaît la ville.

Identifier le temps du déclin pour mieux le comprendre afin de tenter d’y mettre un terme

C’est que Marseille st en état de crise, peut-être depuis le déclin de l’activité du port, peut-être depuis la fin de la guerre, peut-être aussi depuis la décolonisation. On finit par avoir du mal à dater le début de la crise qui dure peut-être depuis si longtemps qu’il ne s’agit, en réalité, que d’une forme de déclin de la ville. Ne nous leurrons pas : que le tourisme ait fini, en quelque sorte, par s’approprier la ville, par y occuper tous les lieux de l’économie, de l’activité et du développement,  est un symptôme de déclin. Et, comme le faisaient remarquer, en 2015, C. Duport, M. Peraldi et M. Samson, dans leur Sociologie de Marseille, que Marseille ait été mise à trois heures seulement de Paris grâce au T.G.V. est un cadeau empoisonné, car cela a peut-être fini par lui faire perdre son statut de ville pour lui donner le statut d’une banlieue de Paris, lointaine certes, mais présentant la caractéristique majeure d’une banlieue : la dépendance. Le déclin de Marseille est, en quelque sorte, acté par ce rapprochement de Paris, mais parce que ce rapprochement s’inscrit dans la même logique, dans le même mouvement économique par lequel, en se tournant vers Paris, vers la France et vers les touristes venus du Nord, Marseille a peut-être cessé d’être la grande ville de l’espace méditerranéen, tournée vers le Sud et vers les flux et les activités d’échanges et de commerces qui, jadis, ont fait sa fortune et lui ont donné son identité de métropole en faisant d’elle une sorte de capitale de l’espace méditerranéen. C’est en ce sens qu’il importe, aujourd’hui, d’identifier le temps où s’inscrit Marseille comme un temps de déclin, comme un moment où Marseille se trouve sur une pente qui peut la conduire vers un affaiblissement. Il est nécessaire de reconnaître ce temps de déclin de la ville pour tenter d’imaginer des politiques de nature à y mettre fin, pour tenter de concevoir, pour la ville, un futur qui lui permette de repartir, de trouver un nouvel élan.

 

De quoi peut être fait l’élan de Marseille, aujourd’hui ?

On a abordé cette question, dans Marsactu, et même à plusieurs reprises, parce qu’elle nous semble urgente et parce que nous ne nous résolvons pas à nous résigner au déclin, mais nous souhaitons imaginer ici trois voies plus précises pour que Marseille retrouve son élan.

D’abord, la culture pourrait fonder une nouvelle économie urbaine. La ville n’a pas assez exploité l’atout, ou la richesse, qu’avait constitué le fait d’être reconnu comme capitale européenne de la culture, il y a quelques années. Ou plutôt, elle l’a utilisé, cet atout, mais, encore une fois, à la manière d’une ville en voie de développement, d’une ville réduite à n’être qu’une destination de touristes : par la construction d’un musée et par l’exploitation de la culture d’une façon touristique : par des bateaux de voyage et par un T.G.V. la rapprochant de Paris et du Nord. En réalité, pour faire naître, à Marseille, une économie politique de la culture propre à lui donner son élan, il importe que la culture n’y soit pas un artifice pour les touristes, mais qu’elle y soit un domaine d’activités : par les musées et par le sites, certes, mais aussi par le développement de l’édition, par le développement d’entreprises liées à la culture et à la création, dans le domaine de la photographie, du cinéma et de l’image, dans le domaine de la mode et de la création vestimentaire, dans le domaine, enfin, de l’architecture et de l’entretien réel du patrimoine.

Par ailleurs, l’élan de Marseille pourrait réellement se situer dans l’économie des transports, à la fois par le développement du port et par le développement d’entreprises liées aux transports et aux déplacements, c’est-à-dire par la relance de la construction navale et par des activités de recherche se situant dans le domaine de l’invention de nouveaux modes de transports encore à inventer et dans celui de nouveaux usages de la mer, eux aussi à imaginer. Au lieu de limiter l’économie des transports à celle du transport des touristes et à ce que le port est en train de devenir : une simple station de métro pour la Corse, la ville doit, aujourd’hui, relancer l’activité du trafic des conteneurs et ne pas la perdre au bénéfice d’autres ports méditerranéens.

Enfin, au lieu de finir par se réduire à c que l’on désigne par le doux nom, très distingué, de « commerce informel », le commerce peut devenir une activité permettant à Marseille de trouver un élan. Mais, pour cela, il importe qu’il ne s’agisse pas d’un petit commerce fondé sur des trafics plus ou moins illicites et plus ou moins mafieux, mais qu’il s’agisse d’un commerce ambitieux, donnant à la ville un regain d’activité. Pour cela, la ville pourrait devenir le siège d’institutions commerciales méditerranéennes et celui d’activités de formation et de recherche portant sur l’élaboration de nouvelles formes de commerce, mieux adaptées aux pratiques contemporaines et futures de l’information et de la communication, mais aussi sur la recherche et la formation dans le domaine de la négociation, fondées sur la culture méditerranéenne.

C’est de cette manière que l’économie peut redevenir ce qu’elle ne devrait pas cesser d’être : une économie réellement politique, c’est-à-dire une économie fondée sur l’expériences d’échanges entre des espaces qui ne se réduisent pas à de simples marchés mais soient des espaces de vie et de rencontre.

Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Votre article s’inscrit dans la longue suite de communications qui énumèrent toujours les mêmes potentialités ( les atouts ?) , les mêmes raisons ( la décolonisation, le port) et enfin les mêmes mythes ( capitale de la méditerranée , rien de moins).Il reste intellectuellement pertinent mais repose comme toujours sur des raisons exogènes sans entrer dans le vif du sujet.
    Marseille est déjà affaiblie . Financièrement à la dérive , paupérisation galopante , criminalité croissante, économiquement très faible, trop forte présence d’emplois administratifs, politiquement inexistante au plan national, chômage, dichotomie de l’espace urbain.
    Raisons exogènes disais je : vous avancez que la faute est au TGV , Ah bon! Vous dites que Marseille était la capitale de l’espace méditerranéen , oui de façon artificielle grâce à la colonisation ( donc un marché protégé).Le déclin est là et bien là.
    Abordez donc un peu les raisons endogènes : Marseille capitale de la culture , qu’on fait nos élites locales de cet atout ?, rien. Merci quand même à l’Etat pour le MUCEM . Vous parlez du port et des conteneurs , reportez vous aux statistiques portuaires mondiales , nous sommes “largués vis à vis de nos concurrents (Barcelone, Gênes, Tanger bien qu’en Atlantique) , faiblesse économique patente.
    La panacée à Marseille est , dit-on dans les croisières : miroir aux alouettes !. Le centre ville est en crise, oui mais les croisières vont le sauver , le musée de la Marseillaise est en crise , oui mais les croisières vont le sauver , etc. Les chiffres avancées par les responsables économiques et politiques de dépenses par passagers étaient totalement fantaisistes pour justifier tout un tas de choses. La réalité des chiffres les a mis face à leurs incohérences.
    La réalité profonde et endogène réside dans le système méditerranéen (marseillais, plutôt)du clientélisme politique qui arrange tout le monde. Le politique reste en place et le citoyen y trouve son intérêt. Sclérose assurée. Et puis ne tournons pas autour du pot, nos “élites” sont d’une faiblesse frisant la nullité .Aucune ambition sinon de garder son poste , aucune vision d’avenir , aucun projet sinon d’être “Capitale” de quoi ? ,ils ne le savent même pas eux mêmes . Sclérose doublement assurée.
    Tout n’est pas noir non plus , l’Université est bonne, les écoles d’ingénieurs tiennent mieux que la route ,de jeunes créateurs existent, culturellement des innovations sont présentes, la position géographique est un atout et présence de quelques grands groupes ( ONET, RICARD, CMA-CGM, SODEXO, etc).
    Vous parliez de Méditerranée et de progrès et en avançant peut être sur une économie réellement politique, basée sur l’échange, la formation et en créant peut être une institution chargée de tout cela. Vous avez sans doute raison.
    Cette institution , vous l’avez et même deux : KEDGE (ex Sup de Co Marseille) , aucune implantation en Méditerranée (si Bastia en Corse , pays ami de la France ), et l’Université de la Méditerranée (très peu d’accords). Commençons par cela plutôt que d’aller à SHANGAI ou dans le WINSCONSIN ( c’est sûr , c’est mieux pour le fun ). Etablissons des rapports sérieux grâce à l’intelligence des deux côtés de la Méditerranée et le reste devrait suivre .

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Comme le commentateur précédent, je pense qu’un certain nombre de biais ou d’omissions existent dans cette analyse de la crise de Marseille.

    Si le TGV a été un “cadeau empoisonné” qui a transformé Marseille en “banlieue de Paris”, que devrait-on dire de Lyon ? A deux heures de Paris, la capitale des Gaules devrait être encore plus dépendante, affaiblie, voire phagocytée. Or il n’en est rien.

    Marseille a certainement été laissée trop seule pour résoudre un certain nombre de chocs qui concernaient pourtant toute la collectivité nationale : décolonisation, rapatriements d’Algérie…

    Mais elle a fait le nécessaire elle-même – ou, pour le moins, ses “élites” politiques s’en sont chargées – pour rester seule. Son refus de créer, jusqu’à l’aube des années 2000, la moindre communauté urbaine – celle de Lyon a été créée en 1969 -, nous en payons et en paierons longtemps encore les conséquences. Celles-ci ne sont pas seulement financières : elles se traduisent aussi par de multiples retards d’équipements à l’échelle du bassin d’emploi, qui ont été soigneusement entretenus par la fragmentation de celui-ci en de multiples acteurs institutionnels.

    Un rapport récent de l’OCDE fait un point assez complet sur ces retards, mais aussi sur les atouts de l’aire marseillaise : http://www.oecd.org/fr/france/aix-marseille.htm. Une partie des inégalités sociales exacerbées qui caractérisent Marseille est due à des difficultés d’accès à l’emploi que nourrissent notamment les carences du système de transport public.

    J’ajoute que si Lyon s’est affirmée sans mal comme le centre et le moteur naturels de sa communauté urbaine et, désormais, de sa métropole, ce n’est pas le cas de Marseille. Bien sûr, l’antagonisme séculaire entre Aix et Marseille y est pour quelque chose. Bien sûr, la concentration de pauvreté qu’on a installée dans certains quartiers marseillais et la propension à l’apartheid social ouvertement affichée par certains maires de la périphérie sont des explications. Mais cela ne suffit pas : les particularismes de la “gestion” à la marseillaise (cogestion syndicalo-politique, gabegie financière, absence de vision stratégique à long terme, personnel politique coopté et consanguin, etc. – le clientélisme n’étant sans doute pas pire ici que chez les voisins) ont sans doute largement fait repoussoir.

    La question de la relance économique de Marseille ne peut en effet être dissociée de sa dimension politique. Et le préalable à cette relance, c’est, dans le domaine politique, un grand coup d’air frais. Il est indispensable à cette ville en pleine déliquescence, dirigée par une équipe épuisée qui confond tous les jours “faire” avec “paraître”.

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