Journal de confinement. Semaine#3

Ce luxe qui s’effondre

Billet de blog
par Lorelei
le 3 Avr 2020
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Dandy un peu maudit un peu vieilli, Dans ce luxe qui s'effondre

Ce luxe qui s’effondre
Ce luxe qui s’effondre

Ce luxe qui s’effondre

Dimanche 29 mars. 15 heures. A défaut de prier, je chante. Les paradis perdus. Christophe est en réanimation. Je pleure. «Pas le Christophe qu’on connait», expliqué-je à l’homme qui imagine le pire autour de nous. «L’autre, le chanteur, le poète, le dandy».

Dandy un peu maudit
un peu vieilli,
Dans ce luxe qui s’effondre

Ma jeunesse. Christophe au Salon des vieux papiers devant sa collection de juke-box. Mon père. Et voilà, je pleure de nouveau. Les souvenirs disparaissent. Je suis triste, ce passé me rend vieille. «Mais pas obsolète», comme dirait l’ado. L’humour comme un rempart, toujours. L’homme est le seul animal qui rit, paraît-il. Oui, m’enfin des fois, j’aimerais bien être un chat…
Tout semble tellement normal. Le confinement, la “distanciation sociale”, se laver les mains dix fois par jour, utiliser sa carte bleue et non plus la monnaie, que je n’ai d’ailleurs jamais. Se coudre des masques en tissu puis mettre ce masque sur le nez, ou un slip, ou un bandana –ça existe encore les bandanas ?– qui nous protègera(it) des poussières toxiques comme dans un mauvais film de série B.
Je mets au four la deuxième fougasse de la soirée. Non. Bien. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ne pas faire les choses qu’on n’avait pas envie de faire avant le confinement. La compta, le linge à repasser… Le fait que j’ai plus de temps ne change absolument rien au problème. Je ne vais quand même pas mourir en repassant ?

Lundi 30 mars. 1 heure. Je me plonge dans Le Bureau des légendes que je n’avais jamais vu. J’enchaîne les 5 premiers épisodes de la saison 1. Je suis un tantinet décalée ensuite dans le programme de la journée. En même temps, je n’ai pas grand chose à faire. Pas de monde à sauver. Ou si, exactement, un monde à sauver. En restant chez moi, ça tombe bien.

Mardi 31 mars. 11 heures. Qui a mis deux semaines à arriver à dos d’escargot, par snail mail ? Je hurle derrière le rideau de la banque fermée au public. Donnez-moi ma carte. Bleue. Je la veux. J’en ai besoin pour les prélèvements automatiques qui vont s’arrêter à la fin du moi, ce soir, si vous ne me la donnez pas. Un chargé de clientèle apparaît, me fait glisser le précieux carré plastique, «non, il n’y a rien à signer, allez, bonjour, au revoir, bonne journée». Et me rappelle sur le pas du sas : «vous avez une pièce d’identité quand même ?».

Mercredi 1 avril. 17 heures. Une grosse blague ce confinement. Je poste un petit jeu simplet sur Facebook qui nous fait rire bêtement. Pas tout le monde. Je sens que ça devient difficile. Des amis disent, «c’est pas drôle», ils dépriment. Note à moi-même : «être plus gentille, arrêtez l’humour noir».
Je viens de relever l’appli santé de mon vieux portable à la pomme. Bilan : 37 pas, 0,02 km. Je ne sais pas quoi dire. Dans 3 semaines, on me retrouve desséchée. Je ne vois que ça. Les copines m’indiquent qu’elles font plusieurs centaines de pas en téléphonant. Oui, mais moi, si je marche en téléphonant, je capte pas…

Jeudi 2 avril. 14 heures, je ne sais plus bien. Rien. Non, il faut se résigner. Je ne fais pas grand chose. Presque rien. Je chante, j’écoute des playlists que l’homme qualifie de pourries, oui, mais non, ça réveille –j’ai fini la saison 1 du Bureau des légendes, j’ai trouvé la saison 2 en streaming mais j’oublie toujours le nom du site interdit– et puis Chet Baker en boucle, excusez-moi, je n’en peux plus.

Vendredi 3 avril. 18 heures. 2020 (des fois qu’on aurait oublié, hein). Soyons réaliste, le journal que je m’imaginais quotidien devient hebdomadaire : plus le confinement dure, plus les journées se ressemblent. On ne va pas se mentir, ça ne ressemble pas du tout à du Paul Féval. La vie à trois dans un appartement du 2e étage du centre ville de Marseille n’a rien de palpitant, même en usant des adjectifs. Mais à défaut d’être une grande feuilletoniste, je m’attelle à la tâche. Déconfite. Un peu vieillie…

Commentaires

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    • Lorelei Lorelei

      Excellent ! Merci. Je continue. 🙂 Bonne fin de semaine à vous

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