Comment dit-on Ada Colau en marseillais ?

Billet de blog
le 29 Juin 2016
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Une femme, novice en politique, engagée dans des mouvements sociaux et issue de la « société civile » est élue maire d’une importante métropole européenne. Il ne s’agit pas de Marseille (pas même en 3013), mais de Madrid, Barcelone et, plus récemment Rome.

Comment dit-on Ada Colau en marseillais ?
Comment dit-on Ada Colau en marseillais ?

Comment dit-on Ada Colau en marseillais ?

La première, Ada Colau, 42 ans, est une militante du droit au logement. Au plus fort de la crise immobilière espagnole, elle fonde la Plate-forme des victimes du crédit hypothécaire (Plataforma de Afectados por la Hipoteca). Son expérience militante est riche et variée : pacifiste au début des années 1990 (contre la Guerre du Golfe), investie dans le mouvement okupa une décennie plus tard, altermondialiste… Elle réunit la panoplie de l’indignée catalane avant d’être investie par le mouvement « Barcelone en commun » (Barcelona en comú) et bénéficie du soutien de Podemos.

600 kilomètres à l’ouest, une autre femme, Manuela Carmena, conquiert la mairie de Madrid au cours de ce même scrutin de mai 2015. Sa carrière et son profil témoignent des mêmes ressources militantes et d’une trajectoire pour l’essentiel bâtie en marge des organisations partisanes. Née au milieu des années 1940 à Madrid, elle devient avocate spécialisée en droit du travail. Elle échappe à un attentat organisé par des franquistes en 1977 à Atocha. Cette même année, elle se présente aux premières élections législatives organisées depuis la mort de Franco sous les couleurs du Parti communiste. Elle quitte ce parti presqu’aussitôt et débute une carrière de magistrate en charge des dossiers anti-corruption. Elle achève sa carrière à la fin des années 2000 après avoir occupé divers postes prestigieux dans la justice pénale internationale. Aux municipales de 2015, elle se présente sous l’étiquette de « Maintenant, Madrid » (Ahora Madrid) avec le soutien de Podemos et parvient à l’emporter en dépit de sa deuxième place derrière la liste du Parti populaire (droite). Appuyée par le Parti socialiste, elle succède à une autre femme, la conservatrice Ana Bottela, à la tête de la capitale espagnole.

Plus récemment, Virgina Raggi a remporté la mairie de Rome. Non seulement, elle est devenue la première femme à occuper cette fonction, mais elle est aussi la plus jeune (38 ans). Comme ses homologues espagnoles, elle n’appartient pas aux formations politiques traditionnelles, mais adhère au « Mouvement 5 étoiles » (Cinque Stelle) fondé par le controversé Beppe Grillo. Comme ses homologues, elle est juriste de formation, mais contrairement à elles, ne semble pas se passionner pour les questions politiques. Sa trajectoire dépolitisée ne signifie pas seulement qu’elle se situe à l’écart des partis politiques, mais aussi en marge de ses enjeux. Elle raconte souvent que son engagement date de son congé parental au cours duquel elle s’est rendue compte de l’état de décrépitude de son quartier et plus largement de la gestion de la ville. Elle s’engage dans des mouvements écologistes avant de rejoindre Cinque Stelle, de devenir conseillère municipale en 2003 puis, maire en 2016, suite au scandale Mafia Capitale.

Mesures fortes

L’arrivée au pouvoir municipal de ces femmes n’est pas qu’affaire de symboles. Elles ont chacune prise des mesures fortes dès leur entrée en fonction : baisse drastique de leurs émoluments ; remise en cause du tropisme touristique (et des grands événements) comme priorité du développement local ; politiques volontaristes en matière de logement social ; souci environnemental comme guide l’action publique ; sans oublier les écoles

Vous voyez où on veut en venir. Les similitudes entre les situations. Des villes frappées par la crise ou le scandale. Un discrédit total ou relatif des personnels et des partis politiques locaux. Un renouvellement spectaculaire des édiles qui passent par des personnalités jeunes et / ou nouvelles  dans le champ politique, issues des mobilisations sociales, voire des luttes. Des femmes, aussi, on l’a dit.

La situation marseillaise pourrait-elle y ressembler, mutatis mutandis ? La première partie du diagnostic assurément. Pour le reste, c’est à voir. Paradoxalement, l’état de discrédit de la classe politique marseillaise (et notamment des droites) n’est pas encore totale.

Issues du sérail

Certes, la féminisation du personnel politique n’est pas inexistante. À droite, le maire a organisé la promotion d’une génération de quadras qui nourrissent toutes de légitimes ambitions dans la perspective des prochaines batailles. Les 30 adjoints au maire respectent ainsi une stricte parité. Certaines sont particulièrement en vue et occupent des postes importants : Valérie Boyer est députée et maire du 6e secteur ; Martine Vassal est présidente du Conseil départemental, Laure-Agnès Caradec préside l’Établissement public Euroméditerranée et l’Agence d’urbanisme… À gauche, deux femmes aux profils pour le moins opposés occupent le devant de la scène : Samia Ghali et Marie-Arlette Carlotti. Ceci posé, ne rêvons pas, la hiérarchie des sexes est sauve, aucune ne semble aujourd’hui véritablement en mesure de concurrencer leur homologues masculins dans la prise de la ville.

Surtout, là où le bât blesse, c’est que ces personnalités sont toutes issues du « sérail » politique. Issues le plus souvent de la filière militante, rompues aux joutes partisanes, elles représentent guère un renouvellement et une dynamique comparable aux promotions fulgurantes espagnoles et italiennes. Certes, il a été très souvent question des raisons de l’absence d’un « Podemos à la française », d’une critique (de la) politique abandonnée et quasi-monopolisée par l’extrême-droite. Or, le souvenir laissé lors des cantonales de 2011 par Mireille Barde résume à lui seul la conception du renouvellement féminin du personnel politique par le FN marseillais et son instrumentalisation .

Demeure toutefois, une possibilité puisée dans la densité des mouvements sociaux locaux au sein desquelles les femmes ne sont pas laissées pour compte. Pour n’en citer que deux : Fatima Mostefaoui au sein de l’association Pas sans Nous ou Yamina Benchenni pour le Collectif du 1er juin. Leur trajectoire et leurs répertoires de mobilisation contrastent toutefois avec les idéaux-types espagnols et italiens. Ancrées dans des territoires relégués de la ville et contraintes par leurs ressources militantes, elles sont davantage investies dans la dénonciation de cette relégation et d’une stigmatisation que dans une proposition d’une alternative pour la ville. Pour le dire autrement, ni Colau, ni Carmena, ni Raggi ne sont issues des quartiers nord (ou ce qu’ils s’en rapprochent) de Barcelone, Madrid ou Rome.

On n’en est donc pas là. Le plus probable est que l’Ada Colau marseillaise soit une militante de l’Assemblée de la Plaine enrôlée (et aussitôt assagie) par le courant « tout neuf mon PS » ; que Manuela Carmena soit la réincarnation d’une Edmonde Charles-Roux ; ou que la déclinaison de Virgina Raggi soit une mère au foyer du 12e qui s’ennuie et se dit que au fond, pourquoi pas, parce qu’il y en a marre tout de même, enfin.

Commentaires

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  1. LaPlaine _ LaPlaine _

    Il est vrai que les femmes issues du vivier politique local LR n’apportent en rien un renouveau, ce sont des clones formatés pour tenir leurs places et rien d’autre mais aussi rabâcher une dialectique municipale usée jusqu’à la corde et permettant en toutes circonstances de masquer l’incurie de l’ensemble de ces élus à gérer correctement cette ville. Il faut dire également que l’électorat marseillais peu concerné ou peu exigeant suivant les territoires, permet une telle situation. Il manque à la ville une classe moyenne ouverte et exigeante suffisamment conséquente pour influer sur le cours des choses.

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    Et de grâce, non, pas l’Assemblée de la Plaine…

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