A l’ombre de la rentrée, des enfants sans écoles

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le 2 Sep 2014
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A l’ombre de la rentrée, des enfants sans écoles
A l’ombre de la rentrée, des enfants sans écoles

A l’ombre de la rentrée, des enfants sans écoles

C’est un dessin à la Dubout, façon partie de pétanque sur le Vieux-Port. La foule y est, comme le verbe haut et les boules. Le terrain est plus exigu puisque le dessin tout entier tient dans le minuscule hall d’accueil du service de la vie scolaire, 38 rue Fauchier. En ce jour de rentrée, ils sont une bonne cinquantaine à attendre pour inscrire leurs enfants à l’école. C’est un peu le contrechamp du ramdam médiatique provoqué par la traditionnelle visite du maire dans deux écoles de la ville. Ici, c’est la rentrée masquée, celle du maquis administratif dans lequel se perdent de nombreux parents. La plupart racontent la même histoire : une inscription qu’ils pensaient validée par les services de la Ville et la découverte devant l’école de leur enfant que celui-ci n’apparaît pas sur les listes affichées.

Du coup, direction rue Fauchier pour tenter de tirer ça au clair. Ils y patientent assis sur des chaises, sur des marches ou par terre. Le compteur indique 155 et varie très, très lentement. Avec son ticket qui affiche 212, Rachida a décidé de patienter dehors. Elle vient d’arriver du Var et espérait pouvoir inscrire son fils de huit ans à l’école la plus proche. “Ce qui est pénible c’est que j’ai l’impression de me faire promener. En juillet, je suis allée à l’inspection d’académie où on m’a dit d’aller ici fin août. Ce que j’ai fait. Résultat, mon fils n’est toujours pas inscrit et je suis encore là. On nous dit que l’école est obligatoire à partir de six ans mais comment faire si on peut pas s’y inscrire ?”

“Cette ville m’écoeure”

A quelques pas, Angélique se ronge les sangs. “Je déteste cette ville. Elle m’écoeure. Je suis en panique totale.” Elle a déménagé à Marseille avec ses quatre enfants en début d’année. Déjà, les trois premiers ont mis deux mois et demi pour avoir une école. “Je suis en instance de divorce et ils voulaient à tout prix un papier prouvant que j’en ai la garde. J’ai mis tout ce temps à les convaincre que je n’avais plus de contact avec le père.” Maintenant elle galère pour inscrire le plus jeune en maternelle. Heureusement, la directrice de l’école de son quartier dans le 11e a accepté de prendre son fils le temps que soit réglé le problème administratif. Mais l’heure tourne et il va falloir rentrer pour récupérer les autres enfants à la sortie de l’école. “J’ai le numéro 236. Aucune chance que je passe avant midi.”

A l’intérieur, l’accueil est pris d’assaut. Elles sont cinq à se relayer pour répondre aux demandes insistantes des parents. Une maman étale l’ensemble de ses papiers sur le comptoir pour vérifier qu’elle repartira avec le précieux sésame : un certificat d’affectation qui lui permettra de faire inscrire son enfant dans une école, pas forcément celle de son choix. Parmi les parents interrogés, beaucoup ont attendu en vain que ce précieux sésame tombe dans leur boîte aux lettres, une fois leurs enfants dûment recensés. Pour d’autres, c’est la demande de dérogation ou l’officialisation d’un déménagement qui n’ont pas été pris en compte. Parfois, les parents semblent peu au fait des arcanes complexes de l’école républicaine avec ce pas-de-deux tendu entre la Ville et l’éducation nationale. “C’est ici pour l’inscription au collège ?”, questionne une maman désorientée. “Non, non… Ce n’est pas ici”, lui répond-on avec aménité. Un diplôme de patience est affiché sur le mur de l’accueil.

“On dirait le tiers-monde”

Les deux Ahmed sont contre un mur, fâchés bras croisés. “Vous avez qu’à dire Ahmed 1 et 2”, rigolent-ils. Le premier habite le 9e et tient en main le numéro 206. Son aîné de sept ans est bien à l’école mais ceux de cinq ans et trois ans et demi patientent avec leur mère. “Elle devait commencer à travailler aujourd’hui mais elle a dû repousser d’un jour. Pareil pour moi, j’ai appelé le patron pour dire que j’avais un problème avec mes gosses.” Ahmed 2 a également posé une demi-journée pour régler ce problème scolaire. Lui a déménagé du 15e au 2e et voudrait enfin obtenir la dérogation qu’il attend depuis le mois de juin pour que ses deux enfants soient dans la même école, à la Joliette. “J’ai vu la directrice ce matin et il y a de la place mais il faut le certificat d’affectation”, récite-t-il avant de lâcher devant la foule amassée : “Franchement ici, on dirait le tiers-monde.”

Il assure qu’il y avait déjà du monde à son arrivée à huit heures et “il y avait encore plus de monde hier”. Une femme de ménage venue contempler le spectacle accrédite ses dires : “Hier, ils ont traité 400 dossiers dans la journée.” A voir les chiffres qui défilent lentement, on peine à croire qu’il y en aura autant ce jour-là. D’ailleurs, un incident éclate au guichet d’entrée. Une dame assure qu’on lui a volé son ticket, “le 199”. Une autre opine et désigne le coupable dehors. Il sirote un café et refuse en des termes peu courtois que la dame spoliée puisse voir le ticket qu’il tient contre sa tasse. Une fois celle-ci éloignée, il finira par reconnaître ensuite qu’il a ramassé le ticket alors qu’il croyait sa propriétaire partie. Bon prince, le responsable de l’accueil décide de créer un 199 bis pour mettre fin à l’incident.

Le compteur annonce le numéro 180. Alexandre et Anne sont venus en couple pour tâcher d’obtenir enfin la dérogation qui permettrait à leur enfant d’aller à l’école à proximité de leur lieu de travail, dans le centre-ville. “On a fait une demande en mars mais on nous a dit que cela devait passer à la commission de juin”, précise le père. Maintenant ils attendent le document  jamais arrivé que leur réclame la directrice. Ils patientent donc, dos au mur. Comme tous les autres, ils subissent les ratés de la rentrée. La prochaine péripétie est attendue vendredi pour la première demi-journée d’activités ni péri, ni scolaires.

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Commentaires

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  1. Tresorier Tresorier

    Ca a l’ait totalement bordelique. Un travail “a la marseillaise”….
    Et si on envoyait nos elus et techniciens trop nombreux et trop payes apprendre enfin leur boulot a Lyon, Lille ou Paris ???

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  2. Lartialmic Lartialmic

    Bonjour
    Parfois le précieux cesame ne suffit pas. Puisque celui ci ne garantit même pas une place. L’école saint-savournin par exemple compte 31 enfants a qui l on demande le jour de la rentrée de retourner chez eux et d’attendre vendredi… ou lundi avant de peut être intégrer une classe de petite section. Les attestations d inscription en maternelle sont donc distribuée sans réelle place. Merci Marseille, merci l’administration… Les parents n’ont donc qu’à s’occuper de leur enfant et tant pis si ils travaillent !

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  3. Vieux-Port Vieux-Port

    Des décennies de clientélisme et de cogestion, ça mène à ça M. Gaudin, une municipalité qui coule.

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  4. Toine Toine

    C’est … PITOYABLE! Marseille est la honte de la France!
    Merci à papy Gaudin et à sa bande d’incapables à commencer par mamie Casanova!
    Gaudin fait du Marseille Bashing lui-même! Gaudin doit être placé sous tutelle et vite! Cette ville fonce droit dans le mur.

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  5. bob bob

    un seul mot pour qualifier Gaudin et son équipe après 19mois pour préparer cette rentrée ” IRRESPONSABLE” comme le disait un syndicaliste UNSA hier matin!

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