Sur Marseille en grand, le rapport de la cour des comptes est définitivement sévère
Marsactu a pu consulter le rapport définitif que les magistrats financiers consacrent au Plan Marseille en grand. Sans surprise, il est tout aussi sévère que sa version provisoire, tant sur le pilotage de l'État que sur l'absence de contrat clair avec les collectivités locales.
Emmanuel Macron lors de son meeting au Pharo le 16 avril 2022. (Photo : Emilio Guzman)
“Indigents“, “lacunaires“, parfois “tardifs“, côtoient les adjectifs “exceptionnels“, “volontariste” ou “partenarial“. Mais, dans sa mouture définitive, le rapport de la Cour des comptes sur le plan Marseille en grand garde la même sévérité que sa version provisoire laissait présager. Il y a quelques mois, Marsactu révélait les grandes lignes de ce document confidentiel, résultat d’une évaluation au “fil de l’eau” engagée par la Cour des comptes et la chambre régionale, à l’initiative de son président, Pierre Moscovici, en octobre 2021.
La version définitive, sur laquelle Marsactu a pu jeter un œil indiscret, conserve la même structure générale et les mêmes conclusions sans concession. Si le plan s’avère nécessaire en ce qu’il répond à des manquements évidents – comme l’état des écoles marseillaises et la faiblesse des transports publics dans la métropole – il souffre “d’insuffisances intrinsèques et organisationnelles de nature à compromettre la pleine satisfaction des besoins identifiés“. Les magistrats pointent même un “défaut de cohérence d’ensemble de son plan d’action” et des modalités de mise en œuvre “lacunaires et inadaptées“. À titre d’exemple, la Cour pointe qu’en début d’année 2023, les sommes réellement versées par l’État “se limitent à 1,31 % du montant total annoncé“.
Éducation, transports, santé… des objectifs “parcellaires”
Dans la synthèse qui ouvre le document, les magistrats citent plusieurs exemples du caractère parcellaire du plan. Sur le volet “éducation”, ils soulignent ainsi l’incohérence des deux principales mesures : la rénovation des bâtiments scolaires d’une part et la mise en place des classes innovantes de l’autre. Or, les futures écoles rénovées ne prennent pas en compte dans leur conception même “les nécessités pédagogiques” nées de ces mêmes classes innovantes. Et, pour cause : si la Ville est alignée avec l’intervention de l’État sur la rénovation du bâti, elle est plutôt réticente à accompagner le dispositif d’innovation, critiqué par les syndicats.
Plus généralement, la Cour souligne la distorsion entre les volets développés par Marseille en grand et l’ampleur des inégalités dans l’accès à l’éducation. Le rapport souligne donc que les mesures prises sont “insuffisantes” si l’objectif est d’améliorer la réussite scolaire des élèves. Le plan n’intègre rien qui puisse améliorer le climat scolaire, renforcer la santé des élèves ou “accroître la mixité sociale des établissements“.
Sur le volet habitat, le rapport pose le même diagnostic. Le plan se concentre sur l’urgence, en l’occurrence la résorption de poches d’habitat indigne et ne prévoit rien pour agir sur des éléments tout aussi structurels de la politique de l’habitat : la lutte contre la ségrégation résidentielle, particulièrement sensible à Marseille, ou l’enjeu de production de logements, notamment sociaux. Pourtant, la Ville a failli être déclarée en carence par le préfet au titre des objectifs triennaux de la loi SRU. L’extension du périmètre d’Euroméditerranée ou des compétences de l’établissement public actuellement à l’étude n’auront qu’un effet limité sur la hausse de la production.
Sur le volet transports, le rapport souligne le caractère incongru de la prolongation du tramway entre Aubagne et La Bouilladisse, inscrite au plan, alors qu’elle n’a aucune dimension métropolitaine et ne permet en rien de désenclaver le Nord de Marseille, une des priorités annoncées du plan. Plus largement, les magistrats soulignent l’absence de prise en compte des problèmes de “congestion routière” ou de développement des modes doux.
Cet écart entre les objectifs fixés et la réalité des défis est encore plus prégnant sur le volet santé du plan Marseille en grand. Grâce au plan, l’assistance publique trouve un financement exceptionnel de ses besoins en investissements, notamment le pavillon mère-enfant de la Timone. Mais, comme Marsactu l’a raconté par ailleurs, les hôpitaux de Marseille sont dans une situation budgétaire plus qu’inquiétante et le plan ne prévoit rien pour la résoudre. Pire, il va obliger l’hôpital public à faire face à “d’importants décalages de trésorerie”. “Le rétablissement de sa capacité d’intervention autonome ne pourra pas être atteint“, cingle même le document.
Pas de vrai pilotage ni de contrat global
Côté organisation, l’analyse des magistrats de la Cour et de la chambre est sans appel. Même si les services de la préfecture se sont un peu étoffés en désignant Virginie Averous comme chargée de mission “Marseille en grand” en son sein, les moyens que l’institution consacre au suivi sont toujours qualifiés “d’indigents”. Ils ne permettent pas d’instituer un véritable dialogue entre les partenaires, qui plus est en “associant les publics bénéficiaires”. L’attribution du dossier à la secrétaire d’État, Sabrina Agresti-Roubache, en juillet 2023 puis en février 2024, n’a rien changé à cette situation.
La mise en œuvre du plan butte sur un péché originel : l’absence d’un contrat clair, signé par tous les partenaires et qui permettrait un suivi fin de la réalisation des objectifs fixés. La mesure figure parmi les quatre recommandations formulées par les magistrats qui déclinent les mêmes principes : contractualiser, évaluer, rationaliser la gouvernance et rendre compte régulièrement de l’avancée. Seul projet de recommandation qui disparaît de la version définitive : la nomination d’un délégué interministériel.
Emmanuel Macron avait prévu de contractualiser avec l’ensemble des partenaires locaux, dès décembre 2021 soit quelques mois après le lancement du plan, mais l’opposition de plusieurs parties a eu raison de cette intention. Dans un autre registre, l’absence de contrat clair rend délicate l’intégration de nouvelles lignes d’action. Ainsi, l’agence régionale de santé souhaiterait obtenir des financements des collectivités locales pour les actions de médiation en santé, un volet complémentaire de l’offre de soins de “premier recours”. Comme aucune clef de répartition des financements n’a été négociée en amont, ces financements n’arrivent pas et la pérennité des actions s’en trouve menacée.
La Cour recommande donc qu’un tel plan soit mis en place dès 2024. Elle propose également de suivre la mise en œuvre de ses recommandations en 2025 et passera au crible un premier bilan, thème par thème, en 2026. Les premières conclusions que tirent les magistrats financiers ne laissent pas de place au doute quant à leur impartialité. Mais la sévérité dans l’expression va souvent de pair avec l’évidence du constat. Ainsi, les dispositifs concernant l’insertion professionnelle ne sont pas mis en lien avec “la politique d’insertion menée par le département des Bouches-du-Rhône pourtant compétent en la matière“. C’est l’avantage d’un plan exceptionnel à cinq milliards d’euros, question évaluation, il y a de quoi faire pour plusieurs années…
Commentaires
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Et pendant ce temps, les AMO et autres cabinets de conseil (juristes, urbanistes, sociologues à la petite semaine, psycho-électro-pédago-concepteurs, etc.) se gavent sur la bête, à coups de dizaines et parfois centaines de milliers d’euros pour des prestations intellectuelles sans intérêt ni objectif autre que de profiter de la manne, qui en l’état leur suffit bien.
Ils se gavent, car on leur sert à manger : bêtement, abondamment, sans compter, sans réfléchir, sans stratégie. Bref, comme des fonctionnaires locaux.
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L’incompétence des élus locaux éclate au grand jour.
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C’est encore plus vicieux : les zélus n’ont aucune stratégie donc théoriquement tout le monde devrait être à l’arrêt et il ne devrait y avoir aucune dépenses.
Mais pour justifier leur existence (et leurs salaires), les fonctionnaires et autres salariés des satellites de la sphère institutionnelle créés dans le cadre de Marseille en Grand (coucou la SPEM, la SPLA-IN, la SPL énergie, la MMM du MIN des Arnavaux) font littéralement semblant en contractant des fumistes pour… faire de la fumée.
Preuve qu’il peut y avoir fumée sans feu.
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oui, l’incompétence….j’imagine, vu le score des fn, agresti roubache a de grandes chances d’être virée dans la 1ere circo…vous voyez qui au fn pour récupérer le dossier ?
bientôt la cdc n’aura plus ce problème !
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