Un an après les états généraux du logement, un rendez-vous pour le symbole
La Ville de Marseille a inauguré mardi un rendez-vous annuel avec l'ensemble des acteurs du secteur du logement. Même si elle n'a pas toutes les cartes en main, la collectivité veut toujours faire de cette thématique une priorité de son action.
Benoît Payan en ouverture du rendez-vous annuel sur le logement. Photo : B.G.
La fenêtre temporelle est fortement symbolique, entre le “triste anniversaire” du drame de la rue d’Aubagne, ce dimanche 5 novembre, et l’ouverture dans quelques jours du procès d’un marchand de sommeil de niveau industriel, où la Ville de Marseille est une nouvelle fois partie civile. Entre les deux, la municipalité de gauche a opportunément posé ce mardi 7 novembre ses “rendez-vous annuels du logement”, organisés dans l’hémicycle du conseil municipal. Une promesse tirée des états généraux du même nom, lancées en grande pompe l’an dernier à la friche la Belle de Mai, en présence du ministre du Logement d’alors, Olivier Klein et de David Ytier, vice-président de la métropole.
En un an, la relation avec les partenaires institutionnels s’est singulièrement tendue. La préfecture laisse toujours planer le risque d’une mise à l’amende de la Ville, faute d’avoir tenu les objectifs triennaux de production de logements sociaux, fixés par la loi. Avec la métropole, étiquetée à droite, l’entente cordiale n’a été que passagère, avant de verser dans ce que le maire qualifie de “guerres politiques picrocholines” qui s’illustrent en batailles de mots dans les différents hémicycles. Pour Benoît Payan, à l’offensive, il s’agit donc de sortir par le haut des chicayas moquées jusqu’au sommet de l’État, en affichant son volontarisme sur un sujet présenté comme un pilier de l’action municipale.
Durcir la loi contre les marchands de sommeil
La mesure phare de ce nouveau temps fort communicationnel : une proposition de loi, présentée il y a quelques jours via une tribune dans Le Monde. La loi en question permettrait de créer le délit de “marchand de sommeil” et de durcir les peines déjà encourues pour la soumission de personnes vulnérables à des conditions d’habitat indigne. “L’idée que nous défendons, indique-t-on dans l’entourage du maire, est de faire de la vulnérabilité une circonstance aggravante et non pas un critère déterminant comme c’est le cas aujourd’hui“. Actuellement, les délits réunis sous l’appellation de l’habitat indigne relèvent à la fois du Code pénal, de celui de la santé et de la construction, imposant aux magistrats de jongler d’un texte à l’autre.
“Pour nous, c’est une vraie difficulté, explique Guillaume Bricier, vice-procureur, chargé de l’habitat indigne et présent à une table-ronde mardi après-midi. Il nous faut à la fois démontrer le caractère indigne de chaque appartement et la situation de soumission et la vulnérabilité des victimes. Regrouper tout cela sous une même appellation serait une amélioration souhaitable“.
L’hypothèse est sur le bureau de la Première ministre, dans l’espoir qu’elle prenne la forme d’une proposition de loi portée par le gouvernement, alors que le nouveau ministre du Logement, Patrick Vergriete, planche sur un chantier législatif permettant d’accélérer la lutte contre l’habitat indigne. Si le gouvernement ne reprend pas le texte soumis par Benoît Payan, ce dernier devra trouver des relais au sein des parlementaires de gauche pour le mettre à l’agenda des débats.
Le symbole comme moteur
L’initiative est avant tout symbolique. Mais elle dépasse largement les compétences de la municipalité. Et, en cela, elle décrit la difficulté de la Ville en se poser en locomotive sur la thématique du logement, alors qu’elle n’en a pas la compétence, largement partagée par la métropole à l’échelle locale et l’État, au niveau national. “Mais que dirait-on d’un maire et d’une équipe qui se réfugient au lieu d’agir ?, s’interroge le maire, dans son discours inaugural. Que dirait-on d’un maire qui ne prend pas ses responsabilités ?”
À la tribune, Benoît Payan égraine les mesures annoncées lors des états généraux et dont il attend la concrétisation : l’encadrement des loyers “que cela plaise ou non” attend toujours un arrêté ministériel pour entrer en phase d’expérimentation. Aussitôt mise en place, la mesure sera attaquée devant les tribunaux comme cela a été le cas dans les autres villes. Il faudra donc certainement attendre la fin du mandat pour qu’elle s’applique aux loyers existants.
Quatre grandes copropriétés dans le viseur
Même chose sur les copropriétés dégradées, présentées comme une priorité de la lutte contre l’habitat indigne, depuis le rapport de Christian Nicol en 2015. L’ancien haut fonctionnaire recommandait la création d’une opération de rénovation des copropriétés dégradées dite “d’intérêt national”. Huit ans plus tard, elle est toujours à l’étude. Le rapport promis par le ministre Klein doit se concrétiser par une lettre de mission conjointe signée par Sabrina Agresti-Roubache, la ministre déléguée à la Ville et son homologue du logement, Patrick Vergriete.
La question est à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration de l’établissement public foncier, fin novembre. “Elle doit porter sur les études préalables du redressement de quatre grandes copropriétés : la Maurelette, Les Rosiers, Le Grand Saint-Barthélémy et Consolat, détaille Claude Bertolino, la directrice générale de l’établissement public foncier. Agir en même temps sur quatre copropriétés de cette taille, cela ne s’est jamais vu en France“.
Celle-ci souligne à dessein que son organisme est déjà à pied d’œuvre dans le rachat des appartements du Gyptis, la grande copropriété de la Belle-de-Mai, évacuée en début d’année, et de Maison-Blanche, une barre décatie du Canet, dont le redressement est toujours en cours.
En plus de cette liste déjà arrêtée avant l’été lors de la visite d’Emmanuel Macron, la Ville et la métropole souhaitaient voir s’ajouter d’autres sites, plutôt à l’est, en situation de grande tension. Ils doivent être intégrés à un second dispositif, lui aussi d’intérêt national mais aux contours encore flous.
Hausse de production versus stop au béton
Mais si la Ville a des attentes vis-à-vis de l’État comme de la métropole, ses partenaires en ont également envers elle. Ils tiennent en un seul mot : la production de logements. Le nouveau préfet délégué pour l’égalité des chances, Mickaël Sibilleau dresse le bilan de “cette pénurie croissante de l’offre“, en quelques chiffres, en élargissant la focale à l’échelle départementale : “En quelques années, nous sommes passés de 14 000 logements produits à 10 000 aujourd’hui. Les demandes de logements sociaux sont passées de 80 000 à 100 000 avec un taux de réponse insatisfaite de 8 sur 10“.
Il salue donc les objectifs affichés, notamment dans le plan local de l’habitat, de 4500 logements neufs par an “qui doivent désormais se concrétiser“, souligne-t-il à dessein. Sur le même ton, il invite à la construction d’un contrat de mixité sociale, “ambitieux, crédible et opérationnel“, entre l’État, la métropole et la Ville pour fixer, dans le temps et sur des sites identifiés, l’effort de construction future.
Mardi matin, pour l’ouverture de ce rendez-vous annuel, la Provence faisait le récit de l’opposition des habitants du Petit bosquet à un projet de 62 logements porté par le bailleur social Erilia. Pour les riverains, il s’agit là de la trahison de la promesse électorale portée par la gauche en 2020, de mettre fin à la bétonisation de la ville. “Il faut produire mieux, différemment, durablement mais, surtout, il faut produire plus, insiste David Ytier, le vice-président (LR) de la métropole, chargé de ces questions. Stopper la spirale du Airbnb, lutter contre les marchands de sommeil, ne suffira pas. Seule la relance de la production sur tout le territoire de la métropole permettra d’apporter une réponse à la crise“.
La Ville et la métropole doivent éplucher conjointement le plan local d’urbanisme intercommunal pour voir où la construction peut venir se nicher. Déjà, le nouveau conseiller municipal délégué à l’urbanisme, Éric Méry a passé au peigne fin les permis de construire recalés par sa prédécesseuse Mathilde Chaboche,au nom de l’intensification de la ville.
En complément, le maire insiste sur la nécessité de rééquilibrer l’effort à l’échelle de la ville, voire de la métropole. Ses services pointent les zones de bonne desserte du futur tramway, au Nord, mais aussi au Sud, avec l’urbanisation en cours du Vallon de Régny et de la Capelette qui pourraient accueillir plus de logements sociaux. Deux zones situées dans le fief électoral de Lionel Royer-Perreaut, député Renaissance et l’un des adversaires affichés du Printemps marseillais pour les prochaines municipales.
Commentaires
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Bien beau tous ces rendez vous, observatoires, sommets, forums, rencontres…mais ça ne semble pas avancer bien vite sur ce sujet notamment !
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qui sont-ils les “acteurs du secteur du logement” présents à ce rdv ?
pas de compte rendu dans l’article d’un représentant de la metropole ? ou j’ai mal lu.
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Cet article ne me fais pas penser au compte rendu d’un séminaire ou d’un colloque sur l’immobilier ,mais plutôt à un vernissage d’une exposition symboliste, comme l’action de Payan qui est symbolique tout au plus,d’ailleurs.
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tant que la macronie n’acceptera pas de réguler vraiment le airbnb et les résidences secondaires et les prix du foncier la situation sera très tendue… bravo pour l’initiative de la ville concernant les marchands de sommeil
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Pour les grandes cités à l’abandon, tout ce qui était diagnostiqué en 2015 est toujours d’actualité. Mais, pour le centre ville, tout a changé. Lesnouveaux marchands de sommeil sont les loueurs saisonnier airbnb et conciergerie. Et là ? On fait quoi? Même si j
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