Le jardin du Talus veut survivre à la nouvelle ligne ferroviaire
Ferme urbaine et village de conteneurs multi-activités à Saint-Jean-du-Désert (12e), le Talus sera impacté par les premières phases de travaux de la nouvelle ligne de train vers Nice. Le jardin attend sa pérennisation et les ateliers, leur relocalisation.
Le jardin du Talus veut survivre à la nouvelle ligne ferroviaire
Le TER aux couleurs de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur coule sur les rails dans un ronflement qui ne dure qu’un instant. Juste à l’aplomb des voies de chemin de fer, une petite troupe s’affaire sans prêter attention au passage du train. La poignée de bénévoles nettoie une mare artificielle créée là par les équipes du Talus et la question qui les taraude c’est surtout de savoir s’il faut tailler, ou non, les feuilles sèches du papyrus qui y pousse. La réponse est oui.
Ce mercredi, c’est “chantier participatif” dans la ferme urbaine du Talus, enclave de terre de Saint-Jean-du-Désert coincée entre la L2, le cimetière Saint-Pierre et la cité Air-Bel. Sur les 2200 adhérents que compte le lieu, quelques uns sont venus ce matin-là pour mettre la main à la pâte. Il s’agit autant de redessiner les rangs de laitues que de tresser une clôture en osier autour de la mare ou tailler les arbres qui le demandent au sortir de l’hiver.
Sécateur en main, Carl Pfanner finit d’offrir sa coupe de printemps à un plaqueminier, l’arbre à kakis. Comme les autres permanents du site – neuf salariés et 12 services civiques – le co-fondateur d’Heko Farm voit arriver les travaux de la Ligne nouvelle Provence Côte d’Azur avec une certaine appréhension. Le chantier qui ambitionne d’améliorer les liaisons ferroviaires entre Marseille, Toulon et Nice, pourrait venir rogner les parcelles du Talus. Car ces espaces, originellement dévolus à la création d’une quatrième ligne de train express régional (TER) aujourd’hui en suspens, pourraient servir de base pour le chantier des travaux sur les voies de la SNCF. L’enquête publique sur les deux premières phases du projet est en cours, elle s’achèvera le 28 février.
Ça pose la question de l’attribution des espaces urbains à des expérimentations qui préfigurent une autre manière de penser la ville.
Carl Pfanner, Heko Farm
“Nous sommes là parce que cela arrange l’État. Cela ne lui coûte rien. Et en échange, nous occupons et entretenons ces terrains. À notre arrivée, c’était une friche totalement dégradée avec des dépôts sauvages”, pose Carl Pfanner. Une convention d’occupation à titre gracieux lie Heko Farm à la DREAL (la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) et à la Société de la rocade L2, filiale de Bouygues. Forcément, reconnaît Carl, il y a là comme un paradoxe. L’association s’installe sur des terrains dont elle sait qu’à plus ou moins long terme, ils pourraient être voués à un autre usage. “Mais des initiatives comme les nôtres se calent toujours dans des interstices, dit-il joliment. Nous installer là et chercher à y rester c’est la seule manière de faire que ces interstices deviennent ensuite légaux. Ça pose la question de l’attribution des espaces urbains à des expérimentations qui préfigurent une autre manière de penser la ville.”
Il pleuviote ce mercredi sur les alignements de salades et les bacs potagers que les particuliers peuvent louer, mais le printemps dit qu’il n’est pas bien loin. Les fèves en fleurs annoncent leurs cosses et les blettes commencent à être gaillardes. Pantalon rouge maculé de terre, Rémi pousse une brouette. Il est adhérent depuis neuf mois. “Ces lieux-là ont la vocation à vivre avec l’incertitude de savoir ce qui va se passer, convient ce consultant en économie sociale et solidaire. Après, quand je regarde autour de moi, je vois de la terre valorisée. La question c’est qu’est-ce qu’on en fait ? Qu’est-ce qu’on met à la place ?” Sous son bonnet de laine Carl rappelle que durant la concertation publique, 900 personnes ont manifesté par écrit leur attachement au projet : “On est pour le ferroviaire mais il faut éviter les conflits d’usage.”
Deux parcelles, deux activités
Ce jardin associatif a vu le jour en avril 2018. Sur des terrains appartenant à l’Etat – à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) – qui avaient servi de base de chantier à la construction de la L2, l’association Heko Farm a développé deux initiatives sur deux parcelles distinctes : une ferme urbaine sur 3500 m² et un “village” de containers sur 4500. Dans la première, les adhérents sèment, plantent, récoltent et vendent leur production. Dans la seconde, treize espaces en lien plus direct avec la cité d’Air-Bel, juste de l’autre côté des voies, accueillent des ateliers pédagogiques, culturels et socio-environnementaux.
FIP et cookie au thé matcha
À la mi-journée, le jardin voit affluer de nouveaux visiteurs. Des personnes qui travaillent dans les ateliers du Talus-village, juste à côté. Des grands-parents et deux petits garçons de passage. Sous le chapiteau qui protège des giboulées et abrite une petite guinguette, on déguste un chili relevé ou un cookie au thé matcha. Mireille, la grand-mère d’Oscar et Léon, trouve l’initiative emballante. Elle arrive de Bretagne : “La démarche est bien aboutie. En fait, ça dépasse le concept du jardin, c’est vraiment un lieu de vie. Ce serait dommage que ça disparaisse.” Dans un coin, une petite sono diffuse la playlist soyeuse de FIP. Pas de quoi impressionner la vingtaine de poules qui caquètent à côté du poulailler.
Depuis plusieurs mois désormais, l’association qui pilote le village et la ferme a entamé des négociations avec les différentes parties prenantes : État, SNCF, services municipaux et métropolitains. “L’ampleur du projet permet d’argumenter en faveur de sa pérennisation”, affirme Carl Pfanner. Jusqu’à présent, les autorités du territoire ont toujours posé un œil bienveillant sur la démarche du Talus. Son budget de 470 000 euros (en 2021) vient d’ailleurs pour un tiers de subventions publiques. “Les politiques nous soutiennent, ils sont bien conscients que la ville a besoin d’un poumon vert de cet ordre. Ce qu’on propose ici correspond à un besoin sociétal de mettre les mains dans la terre, d’avoir accès à des espaces naturels, d’échanger, de transmettre”, argue-t-il.
Déménagement des conteneurs à Air-Bel
Les discussions prennent la forme de réunions régulières, comme il s’en est encore tenu vendredi dernier. Objectif des négociations : consolider la convention d’occupation du jardin qui prend fin normalement en 2024 et sceller son maintien in situ, d’une part; et acter de l’autre la relocalisation des activités “village” du Talus vers une parcelle qui conviendrait à l’équipe associative.
Le terrain du potager ne devrait pas être concerné par le chantier. Le village de conteneurs, lui, le sera. Nous travaillons à trouver une localisation pérennes pour que ses activités puissent s’y développer.
Les services de l’Etat
Les services de l’État à la manœuvre confirment à Marsactu l’avancement du dossier : “Tant que l’enquête publique n’est pas terminée, le projet n’est pas définitif. Mais a priori le terrain du potager ne devrait pas être concerné par le chantier. Le village de conteneurs, lui, le sera. Nous travaillons à trouver une localisation pérenne pour que ses activités puissent s’y développer.”
“Quatre terrains ont été travaillés en réunion, dont deux semblent pouvoir être intéressants pour l’association”, indique en outre pour l’Etat, Jean-Philippe d’Issernio, directeur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Air-Bel pourrait accueillir ce village du Talus, deuxième mouture. Une installation logique puisque les équipes ont développé des relations avec différents acteurs du quartier, notamment l’école primaire. Encore faut-il que les espaces idoines soient rapidement mis à disposition par la Ville alors que doivent démarrer là les chantiers de rénovation urbaine.
D’ici à là, au Talus on trépigne un peu d’impatience. Et on espère voir une nouvelle convention d’occupation rédigée avant la fin du premier semestre de cette année. La parcelle sur laquelle les conteneurs sont installées pourrait être investie par la SNCF dès 2025. Contactée, l’entreprise met en avant son devoir de réserve, imposé par l’enquête publique en cours, pour ne pas répondre à nos questions.
Charlotte, bénévole depuis un an, espère que les pourparlers vont aboutir. Elle jette un petit caillou dans le jardin des élus locaux, notamment de la nouvelle municipalité du Printemps marseillais, qu’elle appelle à un soutien plus ferme : “C’est bien beau de dire qu’on veut végétaliser, qu’on veut des jardins partagés ou des composteurs en ville. Mais ici, en fait, il y a déjà tout ça ! Ce serait bien de le valoriser. Une mairie écolo de gauche, ben ouais les gars, si c’est pas vous qui le faites, ce sera qui ?”
Commentaires
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“C’est bien beau de dire qu’on veut végétaliser, qu’on veut des jardins partagés ou des composteurs en ville. Mais ici, en fait, il y a déjà tout ça ! Ce serait bien de le valoriser.”
Très juste ! Le problème de Marseille, que j’ai déjà rencontré dans différents pays autour du monde dans lesquels j’ai travaillé, et qui est un marqueur du fait qu’il étaient sous-développés, c’est le fait qu’on ne sait pas entretenir ce qu’on a déjà, et qu’on se focalise sur des projets nouveaux.
En effet entretenir c’est du travail au quotidien, peu valorisant. Alors qu’inaugurer quelque chose de neuf…
Il n’y a qu’à voir le triste état des maigres espaces verts existant déjà !
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Le gros problème de ces jardins situés sous le niveau des voies de chemin de fer, ce sont les eaux de pluie. Les traverses de bois sont traitées à la créosote, cancérigène dangereux, et s’il n’y a pas de travaux spécifiques pour l’écoulement des eaux, les jardins sont gravement souillés.
https://www.actu-environnement.com/ae/news/creosote-toxique-chemin-fer-traverses-anses-bois-31130.php4
https://www.actu-environnement.com/ae/news/creosote-toxique-chemin-fer-traverses-anses-bois-31130.php4
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Sur des lignes comme celles- la il y a belle lurette (30, 40 ans ?) qu’il n’y a plus de traverses bois traitées à la creosote – interdite depuis des années – mais des traverses en béton.
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l’info est assez récente ici
23 avr. 2018 — Favori L’usage de la créosote toxique sera limité au traitement des traverses de chemin de fer … L’utilisation de produits à base de créosote, …
et sauf erreur de ma part, par ex sur la ligne de la vallée de l’huveaune entre Marseille et Aubagne, où circulent des TGV, les traverses sont en bois
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Syol , 200 % avec vous. Ville sous dévellopée , excellent terme.
Entretenons voire améliorons ce qui existe . Cet été je me suis balladé dans les parcs marseillais , ils mériteraient effectivement un meilleur sort.
Puis l’expression “repenser la ville ” est l’expression des habituelles tartes à la créme.Que les gens soient moins dégueulasses, qu’ils respectent les lieux publics , que les propriétaires de chiens ramassent leurs crottes, que la métropole fassse sont boulot , que les gardiens surveillent au lieu de taper le carton cela serait déjà pas mal.
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D’après les documents de l’enquête publique, le jardin n’est pas concerné du tout. Les travaux d’agrandissement se font aux nord de la ligne alors qu’il est situé au sud. Le titre est de l’article est donc un petit peu alarmiste, non ?
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Bonjour, comme le spécifie l’article, la convention qui lie l’association Heko Farm à l’Etat (la Dreal) et à la société de la Rocade L2 prend fin en 2024. Pour l’heure, l’association est dans l’incertitude sur son occupation future, une fois cette échéance passée et attend qu’une nouvelle convention vienne sécuriser, notamment, l’implantation du jardin sur le site.
Bien cordialement
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