Premier jour de déconfinement à Marseille, transports vides et boutiques qui font le plein
Contraste à Marseille ce 11 mai, premier jour du déconfinement. Le métro habituellement bondé de travailleurs est resté vide. La gare Saint-Charles et le quartier de bureaux d'Euromed sont restés aussi très calmes. En revanche dans les rues commerçantes qui rouvraient, l'affluence a été importante, obligeant à l'improvisation pour accueillir les clients.
Une file d'attente devant un magasin de rue Saint-Ferréol au premier jour de déconfinement, le 11 mai 2020. Photo : Marie Allenou
L’empressement de quelques passants sur La Canebière ne donne pas le change. Au matin du premier jour de déconfinement, Marseille parait en partie endormie. À l’heure habituelle de pointe du matin, la circulation du boulevard d’Athènes au cours Lieutaud (1er) est active mais reste fluide, sur ce trajet habituellement congestionné. Dans le métro aussi ce n’est pas la foule des grands jours. Les passagers qui attendent sur le quai de la station Noailles se comptent sur les doigts d’une main. Tous ont un masque : chirurgical, en tissu ou FFP2 en forme de bec de canard. “À partir du 11 mai sur le réseau RTM, le port du masque est obligatoire”, ne manquent d’ailleurs pas de rappeler de fréquentes annonces audio.
Le vide de la station de métro laisse une impression que chômage partiel, garde d’enfants et télétravail sont encore au goût du jour. “Dans mon entreprise on a eu le choix de rester en télétravail ou d’aller au bureau. La moitié de mes collègues sont encore à la maison”, nous explique Sabri, rencontré sur le quai. Ce comptable se rend à son travail situé à côté de l’hôpital européen (3e). Mais peut-être choisira-t-il de rester chez lui pour le reste de la semaine. “J’y vais pour observer, discuter de comment ça se met en place”, dit celui qui a apprécié “le confort de travailler à la maison” et qui ne veut pas “prendre de risque important” d’exposition au coronavirus.
“On reprend vie”
À la gare Saint-Charles la matinée est aussi calme. Comme dans le métro, des repères ont été collés au sol pour marquer la distance d’un mètre à respecter entre les usagers. Ici aussi, à quelques exceptions près, tout le monde porte un masque. À l’entrée, dans leurs gilets rouges, le personnel d’accueil en gare est très actif. “On est là pour informer et pour rappeler les mesures sanitaires aux voyageurs. En particulier la règle décidée par le gouvernement de ne pas se rendre à plus de 100 km de son domicile”, détaille Sarah, l’une de ces “gilets rouges”.
En face de l’escalator qui arrive du métro, une petite équipe de la région offre des masques chirurgicaux. “Je peux en prendre deux ?”, demande une passante. “Pour le même prix”, plaisante Robert Gachon en tendant les masques. L’assistant-directeur au service des maisons de la région participe comme “volontaire”, hors de son temps de travail. En tout la région prévoit la distribution de 40 000 masques aux voyageurs.
Dans le hall, il y a ceux qui transitent pour aller travailler, et il y a aussi ceux qui rentrent chez eux après avoir été confinés ailleurs. C’est le cas de Karim, qui porte un petit sac de sport en bandoulière et tient un casque de scooter à la main. Il rentre chez lui à Antibes. “J’étais confiné chez une copine à Cavaillon. Deux mois d’enfermement c’est dur. On reprend vie”, souffle-t-il. Même si, “la vie normale comme avant ne va pas reprendre”, ajoute-t-il pour marquer son inquiétude. Au premier rang de ses préoccupations, pouvoir travailler, pour lui qui alterne les boulots dans la restauration et dans le bâtiment.
À Euromed, “le calme plat”
À la pause méridienne du côté du quartier de bureaux d’Euromed (2e), l’impression de vide saisit aussi. “C’est tristoune quand même” dit une agente de la métropole en observant l’esplanade déserte à l’occasion d’une pause clope avec deux collègues. Faute de clients pendant le confinement la plupart des lieux de restauration, même à emporter, sont restés fermés depuis le 16 mars. Ce lundi de reprise est poussif. “C’est le calme plat par rapport à d’habitude”, constate Ziad, le gérant d’un estaminet qui a quelques tables et vend à emporter.
En attendant sa commande, une responsable de l’Agence régionale de santé (ARS) s’enthousiasme. “J’ai été ravie de télétravailler. Ce matin j’ai hésité à prendre la voiture ou à venir en train. Je me suis décidée pour le train. Je me régale dans les transports en commun, il n’y a personne”, raconte Muriel Andrieu-Semmel en nous montrant sur son téléphone des photos prises en gare et dans le train. Elle habite dans les environs d’Aubagne.
Peu de salariés du quartier ont vraisemblablement repris la route du bureau. Comme par exemple à peine 350 des 2300 salariés qui travaillent à la tour CMA-CGM, ainsi que le raconte Le Monde. Ou encore moins de 10% des 280 salariés du siège de l’Institut de recherche et développement (IRD), selon nos informations.
Forte affluence et improvisation dans les rues commerçantes
Les rues commerçantes de l’hyper-centre montrent un tout autre visage, comme la rue de Rome ou la rue Saint Ferréol (1er) qui sont très fréquentées dans la matinée. Les opticiens et les opérateurs mobiles comptent parmi les enseignes les plus convoitées : on vient notamment chercher les commandes de longue date ou pour des réparations. Mais toutes ne sont pas encore rouvertes. Vers midi sur la Canebière, une vingtaine de personnes attendent devant une boutique de téléphonie. Un des clients, impatient, tambourine sur la porte. Elle restera fermée aujourd’hui. Plus tard dans la journée ce sont davantage les petits groupes de jeunes gens en virée shopping qu’on croise : on se retrouve pour rafraîchir les garde-robe et revoir les copains avant la reprise des cours.
L’affluence des clients n’est pas la seule cause des longues files d’attente qui s’étirent devant les magasins. Les mesures sanitaires prises par les commerçants en sont aussi responsables : masques obligatoires, distance d’un mètre ou nombre limité de clients à l’intérieur du magasin… Les règles sont affichées partout à l’extérieur des établissements. “Nous ne faisons pas entrer plus de dix personnes dans la boutique et nous distribuons des masques aux clients qui n’en n’ont pas” explique Ahmed Mahjoub, responsable de la boutique de prêt-à-porter Fame de la rue Saint Ferréol. Certaines enseignes font même du zèle. À Optical Center, rue de Rome, un vigile asperge les clients de désinfectant en spray devant l’entrée.
“On essaye de faire ce qu’on peut”
Quelques mètres plus loin, la méthode est complètement différente. À Stuff Discount, boutique de réparation mobile et vente de cigarettes électroniques, pas de masques ou de gel, mais l’accès à la boutique est strictement réduit. “J’ai 60 mètres carrés de magasin et seulement deux ouverts au public” s’amuse Florian, le gérant. Pas question que les clients touchent les produits disposés dans le magasin. Chaque article est désinfecté directement devant le client sur le comptoir qui empêche l’accès à l’intérieur. “On essaye de faire ce qu’on peut” admet Florian.
Si les conditions de réouverture sont contraignantes, elles sont aussi vécues comme un soulagement. “La désinfection du magasin représente une heure de travail en plus chaque soir. Mais pour la liberté, ça vaut le coup” confie Ahmed Mahjoub. Il est inquiet des conséquences économiques de la crise sanitaire. “On est contents de reprendre parce que les loyers, les frais, les taxes seulement reportées, continuaient à tomber pendant le confinement”.
Ziad, le restaurateur d’Euromed fait part aussi de ses inquiétudes : “On a demandé toutes les aides que l’on pouvait. Mais ce n’est pas grand chose. Aujourd’hui on a repris mais il faut que ça dure sinon la conséquence ne sera pas le chômage partiel, [pour ses employés] mais le chômage tout court.” Autant dire que des semaines de tâtonnements et d’incertitudes s’annoncent.
Des aides pour les entreprisesPour les entreprises les plus en difficulté, le gouvernement a permis le report des cotisations sociales et des impôts directs, ainsi que la mise en place d’une aide de 1500 euros. Sans coordination entre elles, les collectivités mettent en place leurs propres soutiens. Dès le 11 mars, la région avait annoncé 12 millions d’euros d’aide aux entreprises touchées par le Covid-19. De son côté, la métropole a mis en place un fonds auquel contribuent aussi d’autres institutions pour un montant total de 50 millions pour aider “toutes les entreprises de moins de 20 salariés fragilisées par la crise, quel que soit leur statut, à partir de 30% de perte de chiffre d’affaires”. Les sommes versées prendront la forme d’un prêt à taux zéro.
Marie Allenou et Pierre Isnard-Dupuy
ouf, on peut enfin acheter des nike, survet, casquettes… c’est génial.
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Ouiiiiii ! Et on peut même y aller en bagnole pour retrouver l’odeur du pot d’échappement, le doux bruit de la circulation et soyons fous, à certains endroits le bonheur d’être coincé dans les bouchons !
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Ce qui est génial , c’est que dans ces queues de consommateurs qui attendant les uns sur les autres , nous aurons en partie les mêmes qui se posent des questions pour mettre leurs enfants à l’école ou pour retourner bosser .
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Evidemment, il est tentant d’ironiser sur ceux qui se précipitent dans les magasins aussitôt ceux-ci rouverts. Mais “en même temps”, comme dirait l’autre, dans une économie où l’emploi est largement basé sur la consommation, c’est un peu compliqué de leur en faire le reproche. Je me fais plutôt du souci pour tous ces petits commerces qui, à la différence d’un Amazon ou d’un Auchan, sont aujourd’hui en mode survie et ne résisteront peut-être pas. Sans oublier les restaurants et hôtels, toujours fermés, dont il est déjà certain qu’une partie ne s’en relèvera pas.
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Cher 8e , bien sûr que dans notre système actuel la consommation doit repartir , et bien sûr les petites structures sont fragiles et ce dé-confinement est nécessaire à la survie de ces TPE ou bien de ces artisans . Néanmoins ce qui me fait franchement marrer c’est que les mêmes nous font des discours et étalent leurs angoisses concernant les conditions de reprise au boulot ou à l’école alors qu’ils vont s’entasser dans les boutiques, magasins, galeries marchandes. Et ce sont les mêmes encore ,qui nous assènent que la santé est plus importante que l’économie.
Vamos a la playa, pero sobre todo no al trabajo
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les mêmes nous font des discours… vous en êtes certain ? toujours beaucoup d’amalgame dans vos commentaires.
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Je ne fais pas d’amalgame comme vous le dites , vous aviez aussi beaucoup de monde dans les deux boutiques les plus “prestigieuses” de la rue Grignan à Marseille. Voyez , même les lecteurs du Figaro ont des comportements surprenants ( encore un amalgame)
Mais malheureusement les faits sont les faits et la réalité est-elle qu’elle est . Il fallait voir le drive du Mc Do , 3/4 d’heures d’attente pour s’acheter un Big Mac et je ne vous parle même pas de Leroy Merlin, du pur délire.
Alors , nier la réalité ne sert à rien et afin d’éviter que cette vacherie reparte il faut faire attention et sensibiliser les plus je m’en foutiste ou les plus optimistes, au choix comme vous le voulez. Quitte à ne pas être politiquement correct , une bonne partie de la population à une angoisse covidienne sélective selon que cette dernière parle du travail ou de la bronzette.
C’est comme ça , désolé.
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J’ai vu aussi la queue devant les banques. Et comme pour les boutiques de téléphone, ce n’était pas une population aisée, loin de là. Il faut dire que ceux qui ne gèrent pas leur compte sur internet et qui n’ont pas toujours de cartes bleues, ça été dur pour eux. Pareil pour ceux qui était en panne de smartphone et n’avait plus accès à grand chose. Le confinement sans moyen de communication c’est double peine.
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