Marseille : le projet Vieux-Port en quête de public

Marseille : le projet Vieux-Port en quête de public

« Et revenez nous voir hein ! » Les commissaires qui supervisent l’enquête publique sur le projet de réaménagement du Vieux-Port (semi-piétonnisation en novlangue des collectivités marseillaises) sont certes forts sympathiques, mais on sent aussi comme une pointe de solitude dans l’invitation. Pendant que l’enquête sur le parc national des Calanques pourrait atteindre le millier de contributeurs et donne lieu à des batailles de clics sur les sondages Internet de la mairie, alors que la communauté urbaine de Marseille (MPM, en charge du projet) multiplie les affiches dans la rue pour la réunion publique lundi prochain sur le Schéma de cohérence territorial, c’est silence radio côté Vieux-Port.

Page blanche

Après six jours effectifs d’ouverture (et à une quinzaine de la clôture), les registres de la rue Fauchier – nouveau siège de la direction de l’Urbanisme de la ville de Marseille et l’un des deux lieux de l’enquête avec le siège de MPM au Pharo – sont désespérément vides. Forcément, le lancement le 8 novembre réduit au strict minimum (annonces légales et page sur le site de MPM) et l’absence de portage de la part des élus (hormis Didier Reault qui nous a signalé sur Twitter sa contribution orientée vers l’aspect « port » suite à la publication) n’aide pas.

La forme non plus : outre les traditionnels horaires spécialement adaptés (9h-12h / 13h30-16h30…), aucune possibilité de consulter le dossier en ligne, contrairement à l’enquête sur le parc des Calanques. Dossier qui est lui-même, pour ceux qui voudraient le consulter, loin d’être un modèle de clarté et de concision puisque trois enquêtes (en fonction des différentes réglementations concernées) s’y côtoient dans le même épais volume de plus de 200 pages. De quoi regretter là aussi le dossier du parc, qui a fait l’objet d’un résumé non technique séparé.

Pourtant, et ce n’est pas les élus qui ont participé à sa naissance et son élaboration qui le contrediront, le sujet mérite mieux : le lieu le plus emblématique de Marseille, qui sera le cœur de la capitale européenne de la culture, une orientation vers un urbanisme soucieux d’autre chose que la voiture, dans un quartier qui compte près de 30 000 habitants…

Le Vieux-Port dans deux ans

Un Vieux-Port comme il devrait être dans deux ans que la lecture du pavé brosse, on ne peut pas le reprocher, méthodiquement : une circulation à sens unique sur les quais du Port et de Rive-Neuve (du Pharo vers le J4), en grande partie rendus aux piétons et aux transports en commun, les cyclistes bénéficiant même d’une piste cyclable (à l’exception du quai de Rive-Neuve), des stationnements pour les deux-roues, des aires de livraison… Côté mer, des estacades pour les clubs nautiques qui, en plus de décloisonner l’espace permettront de diminuer grandement la pollution marine en traitant les rejets de métaux lourds qui empoisonnent aujourd’hui les sédiments, un raccordement des eaux pluviales au réseau d’assainissement qui évitera là aussi des rejets dans la mer.

Au fil des pages, on relève même quelques surprises comme la création d’une nouvelle ligne de bus reliant les Catalans à Arenc en 12 minutes et le déplacement des terminus du 83 et du 60. Ou l’on s’imprègne d’une perspective « qui n’a pas encore été intégrée par les Marseillais », estime l’un des commissaires : la Canebière sera libérée de toute voiture (seuls les bus y circuleront) jusqu’à la rue Paradis.

Surtout, le projet n’est pas dénué d’enjeux pour les clubs nautiques, les restaurateurs en passant par les automobilistes, livreurs, cyclistes. Ou plus simplement les amoureux de la ville, que l’on avait vu en nombre lors des réunions publiques de concertation. Une concertation plutôt d’information pour les habitants et de prise de température pour les élus, avec une pointe de débat. Et qui ne doit pas faire oublier que c’est lors de l’enquête publique que les avis sont officiellement recueillis, de manière indépendante et avec une prise en compte obligatoire, ne serait-ce que dans le rapport des commissaires enquêteurs.

Report sur le périph

Un exemple : quel traitement et quel impact du projet sur le « boulevard urbain » (Pasteur-Corse-Corderie-Puget-Peytral-Lieutaud-Garibaldi-Athènes-Nédélec-Dames), voué à être une 2×2 voie sur laquelle se reportera la circulation de « transit », qui représente aujourd’hui 61% du trafic ? Quid des nuisances associées ? Dans son avis datant du 19 septembre, l’Autorité environnementale (dépendant du ministère du Développement durable) insiste plusieurs fois sur ce point, notant que la réduction de la circulation de 50% sur le Vieux-Port entraînera une augmentation de 25% sur les axes de ceinture, pas connus pour être les moins chargés.

Le dossier, rédigé à la suite, ne le cache d’ailleurs pas : « si l’exposition de la population (à la pollution, ndlr) s’améliore de manière significative dans l’environnement du Vieux-Port, on note en revanche une dégradation » sur les « boulevards de ceinture ». Idem pour le bruit. Et encore, les chiffres présentés dans ce dernier domaine sont les plus favorables puisqu’à horizon… 2030, avec L2 et boulevard urbain Sud achevés.

Réserves et discrétion sur les remèdes

Prière de prendre son mal en patience, tous les projets ne pouvant pas être bouclés en même temps et Marseille Provence 2013 n’attendant pas, comme on l’a entendu plusieurs fois lors des réunions publiques ? Cela n’empêche pas de se pencher sur des solutions pour atténuer ce jeu de vases communicants. Le projet prévoit bien des mesures comme la fameuse vidéo-verbalisation pour lutter contre le stationnement anarchique et ainsi fluidifier ces axes, ou un système de « jalonnement dynamique » des 24 parkings pour donner « une information en temps réel » sur là où trouver une place. Mais l’autorité environnement se dit « réservée quand à leur efficacité et à leur proportionnalité au regard des impacts attendus et recommande la mise en place d’un suivi sur les axes impactés ».

Signe révélateur : les aménagements prévus le long de l’axe (place du 4 septembre, place de la Corderie, à la préfecture et sur le boulevard d’Athènes) sont seulement mentionnés au détour d’une phrase, alors que le dossier de concertation de mai présentait au moins des visuels. Et ce alors que la mairie du 1/7 organise ce mercredi, dans le cadre du projet Vieux-Port précise-t-elle, une réunion de concertation sur le « projet de réhabilitation de la place des Capucines et le réaménagement du boulevard d’Athènes« .

Actualisation le 5 décembre : le dossier d’enquête publique est enfin en ligne. Par ailleurs un espace info sur le projet ouvre ce lundi rue Henri Barbusse.

Même si Marsactu reviendra sur le sujet, on ne peut pas se dévouer pour être présent à toutes les permanences et remplir les registres. Lieux et horaires pour exaucer les commissaires enquêteurs détaillés dans l’avis d’enquête publique

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