3000 livres brûlés hier soir sur la Canebière : honte d'être Marseillais ?

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le 17 Mai 2010
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3000 livres brûlés hier soir sur la Canebière : honte d'être Marseillais ?
3000 livres brûlés hier soir sur la Canebière : honte d'être Marseillais ?

3000 livres brûlés hier soir sur la Canebière : honte d'être Marseillais ?

« Il y avait plus de monde hier pour fêter l’OM que pour la libération de Marseille en 1944″ , c’est un Jean-Claude Gaudin sur un petit nuage bleu et blanc qui, sans doute entraîné dans le délire général et poussé par un fort mistral, s’est lancé hier après-midi, dans cette comparaison historique pour le moins hasardeuse. On se calme Jean-Claude, on se calme.

Il faudrait d’abord éviter de confondre Didier Deschamps et le Général de Monsabert, qui libéra Marseille le 28 août 1944. On veut bien que « DD » ait libéré les marseillais de 18 ans de disette en championnat de France, mais quand même… et puis les joueurs de l’OM, ils ont sûrement « mouillé le maillot » pour gagner ce titre, mais pas autant que les centaines de FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), les résistants marseillais, dont la plupart avaient l’age de nos milliardaires en short, et dont 120 sont tombés sous les balles allemandes, dans les rues de Marseille en cet fin de l’été 44. Sans compter les tirailleurs marocains et les soldats algériens, que commandaient Monsabert, et dont on a souvent oublié qu’ils ont versé leur sang pour libérer Marseille. On peut aujourd’hui penser à ce que l’on doit à « ces hordes de musulmans » , comme l’avait dit si maladroitement Jean-Claude Gaudin, le soir de la victoire de l’équipe de foot-ball d’Algérie à la Coupe d’Afrique des Nations, quand des milliers de supporters des « Fenechs Algériens » étaient descendus sur le Vieux-Port fêter la victoire de leur équipe. Il serait bon qu’on n’oublie pas cet épisode de l’histoire marseillaise, cela en calmerait peut-être plus d’un, notamment du côté de certains commentaires du site internet de La Provence.

Après donc plusieurs jours de combats acharnés, qui feront plusieurs milliers de morts, civils et militaires, le Général Shaefer, qui commande les troupes allemandes à Marseille, offre sa capitulation au Général de Monsabert, le 27 août 1944 vers 19 Heures. Les cloches vont alors sonner dans toute la ville. Marseille est libre ! Le 29 août à 11 heures un défilé est organisé sur la Canebière, des « milliers de marseillais s’y rendent » selon les archives de l’époque, difficile d’avoir un chiffre précis, mais à regarder les quelques rares images de l’époque, pas certain que Gaudin ait raison sur ce coup là. Mais bon, il est ancien Professeur d’Histoire, pas nous, et puis c’est le Maire, il doit savoir ce qu’il dit.

On ne sait pas si  il y avait plus de monde hier sur le Vieux-Port qu’à la libération, mais en tout cas ça s’est plus mal terminé. Bagarres de rue, voitures incendiées, vitrines brisées… après 3 heures d’affrontements, les CRS ont réussi à ramener le calme dans la ville.
Et c’est justement sur la Canebière que les vandales ont été les plus violents. Allant même jusqu’à bruler la Girafe faite de 3000 livres, installée par Patrick Mennucci, le Maire du Premier et Septième arrondissement, qui a immédiatement réagi sur laprovence.com, à sa façon, sans vraiment faire dans la dentelle : « Jean-Claude Gaudin a préféré le centre-ville pour le plaisir d’une photo avec les joueurs sur le balcon de la Mairie, cette photo, les marseillais la payent cher ! » .

Le quotidien La Marseillaise, dont les photographes ont été interdits d’accès à la fiesta par les services de communication de la Mairie, bonjour la mesquinerie au passage, enfonce le clou ce matin : « On va être débordés si ça bouge » répétaient plusieurs chefs policiers et gendarmes qui ne se sentaient pas aidés par une organisation municipale des plus légères. « On a découvert qu’il y avait un plateau télé, 10 minutes avant que les festivités ne commencent… » .
Toujours dans La Marseillaise, on apprend que les effectifs de la Police Nationale et de la Gendarmerie étaient réduits, 450 agents contre 800 pour le dernier OM-PSG, car les forces de l’ordre étaient mobilisées sur d’autres manifestations ce même week-end dans la région, et que du coup la Préfecture de Police aurait préféré faire cette manifestation au Vélodrome, mais que la Mairie serait passée outre. Tout ça promet une belle polémique en perspective.

Quoiqu’il en soit, à la Préfecture de Police, on commence à être très inquiets sur les futures manifestations marseillaises. Le Futur Forum Mondial de l’Eau, par exemple, qui doit être organisé en 2012 à Marseille. Son patron Loic Fauchon, et également Président de La Société des Eaux de Marseille, pourtant très proche de Gaudin, ne cache même pas ses inquiétudes et a même commencé à tirer le signal d’alarme, lors d’une conférence la semaine dernière au CJD (Centre des Jeunes Dirigeants), comme le rapportait La Provence du 11 mai : « Les cortèges, les voitures brûlées et les canons à eau font désormais partie du décor de toute réunion internationale, assure, déjà résigné, Loic Fauchon » . Oups ben, ça promet, pour 2012. Sans parler de 2013, mais au rythme où vont les choses de ce côté là, on a le temps de voir venir, pour l’instant les seuls manifestants, ce sont les artistes, et ils n’en sont pas encore à brûler les voitures.

En revanche, pour cet été, ces problèmes de sécurité, de bandes et de vandalismes risquent de ne pas s’arranger. On a effectivement compris en plein Conseil Municipal, la semaine dernière, que la Mairie était incapable de faire fermer, par exemple, la plage du Prophète à 1 heure du matin.
C’est le Maire de secteur, Patrick Mennucci, sous la pression des riverains, qui réclame à la Mairie centrale cette fermeture depuis deux ans. Comme à son habitude, Mennucci en a  rajouté un peu sur la dangerosité de cette plage, qui serait « tapissée de pièges vietnamiens« . On se calme aussi, Patrick, on se calme. Sa demande ne semble pas, néanmoins, incongrue ou impossible à satisfaire. Et bien pas du tout, c’est en réalité, très, très, très compliqué : « Arriver à faire cela serait comme trouver le Saint-Graal » lui a répondu sans honte, mais avec humour, l’adjoint de Gaudin en charge des plages. Le problème serait lié aux sous-effectifs notoires de la Police Municipale, bien inférieurs qu’à Paris ou à Lyon par exemple, et qui ne peuvent du coup pas travailler la nuit. Bon, il suffit sans doute d’augmenter les effectifs ? On a bien trouvé 50 millions d’euros pour faire une patinoire, on doit bien trouver quelques millions pour recruter et former des policiers municipaux. Et bien, toujours lors du même Conseil Municipal, l’ancien bâtonnier et le   »monsieur sécurité » de Gaudin, l’avocat José Allegrini, nous a expliqué sans rire que cela n’était pas possible, car les policiers municipaux qui étaient formés par la Ville, préféraient aller faire les garde-champêtres dans des villages du coin, que de travailler à Marseille, et que l’on n’avait trouvé aucun moyen pour les retenir. Eh eh, on comprend mieux pourquoi Allegrini a la réputation d’être un bon avocat. Il ose tout, rien ne l’arrête. Plus c’est gros, plus ça marche. Si si, c’est vrai, on vous jure, c’est ce qu’il a répondu à Mennucci,
pour une fois, on n’en rajoute pas. Pour les éviter les pièges vietnamiens, vous pouvez encore garder vos tongs un bon moment.

Le pouvoir de police est pourtant un des derniers vrais pouvoirs qu’il reste au Maire de Marseille. Le développement économique, les transports, la propreté… tous ces grands sujets d’aménagements de la Ville sont désormais partis à la Communauté Urbaine, Marseille Provence Métropole (MPM), aujourd’hui aux mains du PS. On sent que Gaudin est très mal à l’aise avec ces sujets de sécurité et de Police Municipale. Il ne veut pas en augmenter les effectifs, il ne veut pas non plus l’armer ni la faire travailler la nuit. On en arrive donc à une situation paradoxale à Marseille, une fois de plus, où il existe une gauche très sécuritaire, emmenée par un « Brice Mennucci », très en pointe sur ces sujets, et un Gaudin beaucoup plus laxiste.

En 1944, sur la Canebière on a rendu hommage à des hommes qui, souvent au prix de leur vie, ont chassé de notre pays une dictature où on aimait les autodafés. En 2010, au même endroit, on a brûlé hier une girafe faite de 3000 livres. Malgré les beaux slogans de l’après-midi, et même si « il y avait plus de monde qu’à la libération », en regardant ces images sur les chaînes d’infos, beaucoup hier soir avaient honte d’être marseillais. J’en faisais partie.

Un lien l’histoire de Zarafa la girafe sur le blog c’estpourdire.com

Un lien « Libération de Marseille, défilé des troupes coloniales sur la Canebière », le 29 août 1944, archive vidéo de l’Ina ( il y avait aussi du monde…)

Un lien « Marseille paye cher la photo de Gaudin avec les joueurs » Patrick Mennucci sur Laprovence.com

Un lien Les combats pour la libération de Marseille sur vétérans.fr

Un lien « Les autorités voulaient le Vélodrome » sur Lamarseillaise.fr

Un lien « Plage du Prophète : fin des bains de Minuit » sur 20 minutes Marseille

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Commentaires

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  1. Hallain Hallain

    Gaudin, qui a gouverné la région

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  2. Hallain Hallain

    Gaudin, qui a gouverné la région avec le FN dans les années 80, est aujourd’hui un peu comme le leader frontiste : vieux et sans doute un peu déboussolé par l’époque! Il n’en est pas, à l’instar de son ancien ami, à une incongruité près, à une vulgarité près, à une approximation près dans ses délires droitistes!
    Quand au “monde” présent sur la ville à la libération de Marseille difficile de savoir vraiment . Mais, on peut aussi poser une autre question, tout aussi importante (!!) que celle avancée par le vieux Gaudin : y avait-il plus de marseillais venus acclamer l’OM hier que de Marseillais venus, bras tendus, faire une ovation à Pétain lors de sa visite à Marseille, pendant la dictature du vieux maréchal?
    Les mêmes, rassurez-vous, sont venus quelques mois plus tard crier leur gaullisme lors de la visite du général!

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  3. gérard 13 gérard 13

    Moi aussi dans des moments pareils j’ai honte d’être marseillais !
    Vous pouvez tous aider à refaire la girafe en apportant des livres à l’annexe de la Mairie du 1er secteur 6/8 rue Sennac

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  4. Julien1305 Julien1305

    C’est pénible de lire des articles qui sont partis pris à 200%, celà mange le sujet intéréssant au départ et me laisse perpléxe, sur ma faim.. Messieurs les journalistes laissez nous réfléchir de par nous meme sans nous macher le travail et chercher à nous influencer!
    Bref cet article, pour un lecteur qui n’aime pas qu’on pense à sa place est indigèste j’en suis navré, vous vous perdez dans vos critiques et enfoncez des portes ouvertes..dès les premières lignes on a compris où vous souhaitez mener le lecteur.

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  5. jexprime jexprime

    Ce Monsieur MENNUCCI, quel culot !!!!
    Il critique GAUDIN qui a organisé le défilé de l’OM dans le centre ville “pour le plaisir d’une photo avec les joueurs sur le balcon de la Mairie” mais il oublie au passage de dire que lui aussi se pavanait sur ce même balcon avec les joueurs devant les caméras de télé et les photographes………..
    C’est pas une poutre qu’il a dans l’oeil, c’est un tronc

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  6. Movy Movy

    Le PSG a été puni après les agissements de certains supporters récemment, il devrait en être de même pour l’OM !! Les prochains matchs à huis clos !

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  7. @toudebaou @toudebaou

    Etant donné que la dite Girafe est faite de livre, et étant donné la probabilité de trouver un abruti munis d’un briquet parmi la foule de Marseillais, je m’étonne vraiment que cette pauvre Girafe est brulée

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  8. Christian Pellicani Christian Pellicani

    Le laxisme de la mairie et de Jean Claude Gaudin, nourri le vote FN et alimente une politique du tout sécuritaire.
    Concernant la remarque de Julien sur l’article, je préfère un journaliste qui prend parti qu’une plume complaisante qui écrit sur commande.
    Boucaud n’est pas encor Dubout* mais apporte un regard pimenté sur l’actu.

    * Durant sa vie, Albert Dubout (Marseille 1905-Mézy-sur-Seine, 1976) a illustré plus de 80 ouvrages dont le dernier a paru après sa mort. Il a publié 27 albums et crée 80 affiches de cinéma et de publicité. Par ailleurs, il a réalisé 70 peintures à huile dont les fameuses Corridas avec leurs ombres et lumières ainsi que les Toreros. Avec Magritte et Steinberg, il est certainement l’un des artistes les plus influents de toute une génération de dessinateurs et illustrateurs. Passionné de mise en scène et d’ « auto gags » photographiques, il semble vaciller entre les photos de plateaux de scènes de films de Chaplin et les féeries de Jérôme Bosch. Dubout, un vrai bourreau de travail, qui avec Daumier, est un des plus beaux fleurons de la satire française

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  9. ponpon ponpon

    Je ne voudrais pas en rajouter mais quand même…
    De quoi parle-t-on?
    Tout commence à la mairie. Il y a des milliers de marseillais qui sont depuis 5h sous le cagnard. Les festivités, très minutées, sont finies. Stéphane M’bia balance au micro “Moi je reste, moi je reste, moi je reste”. 2 minutes plus tard, on lui intime l’ordre de se taire et de quitter le balcon de la mairie. Dans cette fin en eau de boudin, certains marseillais demandent aux gendarmes mobiles d’ouvrir les barrières pour éviter d’être un peu plus comprimés contre celles-ci. Refus des robocops. La discussion s’envenime. Devant ce manque de considération, les insultes fusent ainsi que quelques bouteilles. C’est qu’il y a des mamies, des papys et des enfants dans la foule. Les pandores ont une seule réponse à cette impatience: les gaz lacrymo. Colère des marseillais: comment peut-on gazer des minots? Les jets de bouteilles redoublent.
    Comme l’article de marsactu le dit, les forces de l’ordre sont au taquet. Et, quand on n’est pas serein, on fait n’importe quoi. On tape dans le tas. Ce manque de distinction finit par des violences sur le vieux-port d’abord, sur la canebière ensuite pour finir aux Réformés. Les CRS sont encore plus énervés par les 5 blessés dans leur rang. Entendu lors de ces violences de la bouche des CRS à l’adresse de jeunes filles et garçons paisiblement accoudés à l’entrée de la station de métro Réformés-Canebière “si vous bougez, je vous gaze”. Le retour de l’ordre par la violence, la provocation inutile…
    Après, on peut tout dire. Que c’est la faute des arabes, des blancs, des jaunes, des bleus, de Gaudin, de Mennucci, de l’OM, du foot, etc etc. Moi je dis simplement que cette fête populaire ne suffit pas à masquer le fait que la cocotte minute bout. Et que pour un rien, la pression s’évacue. ça, les politiques et les pouvoirs publics ne l’ont toujours pas compris. Les CRS non plus.

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  10. Mémoire Mémoire

    A propos de la visite de Pétain à Marseille, extrait du livre “Un flic chez les voyous” de Jean-Pax Méfret, ed. Pygmalion.

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