Tourisme à Marseille et si ce n'était pas le bon business model ?

 » le bilan de l’été s’avère globalement positif, et même supérieur à celui de 2010 qui était déjà bon compte tenu de la crise économique et financière » et des variations saisonnières aurait rajouté Coluche. Cette belle déclaration inspirée de la célèbre langue de bois brejneviene de feu Georges Marchais , et reprise en boucle par de nombreux médias, c’est à l’adjointe au maire chargée du tourisme et députée européenne UMP Dominique Vlasto qu’ on la doit. C’est bien connu, pour la municipalité Gaudin, l’Emile Coué marseillais, tout va toujours mieux que bien. Ce sont surtout les médias qui ont tendance à « noircir la ville« .

 » Marseille a aussi été décriée dans la presse à plusieurs reprises au cours de l’été, mais cela n’a pas empêché les touristes de séjourner dans la future capitale européenne de la culture 2013 » continue dans la même veine Madame l’adjointe-au Maire dans le  » Bilan de la saison estivale 2011″, un document rendu public il y a quelques jours, et dans lequel nous avons lancé nos turluttes. Mais on ne doit pas avoir exactement les mêmes lunettes que Madame Vlasto, ni surtout la même calculette. Décryptage.

Moins 16% depuis 2009

D’abord la fréquentation. Elle est en baisse. Très nettement par rapport à 2009, puisqu’il y avait, toujours selon les propres chiffres de l’office du tourisme, 138 521 visiteurs en juillet et août 2009 contre 116 213 pour la même période cette année. Moins 16%. Pas de quoi faire cocorico. La baisse est certes beaucoup moins marquée par rapport à 2010 ( 118 876, – 2%) mais elle est bien réelle.

D’autres chiffres sont également plutôt très inquiétants. Par exemple le nombre de nuitées réservées sur le site de l’Office du Tourisme est carrément en chute libre. 1402 en 2009, 822 en 2010 et 515 en 2011. Une chute de plus de 60% en 2 ans ! il y a sans doute là un gros bug. Même tarif pour les « visites patrimoines » toujours organisées par l’Office. Là c’est encore plus fort, le nombre de visites proposées a augmenté : 67 en 2009, 70 en 2010 et 74 en 2011, et dans le même temps le nombre de visiteurs a baissé. 1175 en 2009, 1086 en 2010 et 1073 en 2011. Plutôt que de se livrer aux picrocholines guerres contre les organisateurs de visites privées, les responsables du tourisme à Marseille feraient sans doute mieux de revoir leur marketing mix.

Le Frioul en baisse

Autre mauvais chiffre, les navettes du Frioul. 70144 en juillet 2009, 71190 en juillet 2010 et 62500 en juillet 2011. On nous explique que ce sont les mauvaises conditions météos de juillet qui peuvent expliquer ce chiffre. Sans doute. Mais le chiffre d’août a lui aussi baissé et en revanche les balades dans les calanques ont augmenté. Peut-être que les touristes ont aussi vite compris qu’ il n’y avait franchement pas grand chose à faire sur le caillou marseillais, toujours dans l’attente, depuis au moins 30 ans, d’un vrai projet d’aménagement. En parlant d’attente, on est toujours sans nouvelle non plus de la fameuse gare maritime sur le Vieux-Port. Là-aussi les touristes commencent peut-être aussi à en avoir assez de faire le pied de grue coincés entre un arrêt de bus et les stands des marchands de poisson. Quand la file n’est carrément pas sur la route.

Pour les fréquentations d’hotels, impossible de savoir vraiment si les chiffres sont bons ou mauvais. Car l’Office du Tourisme  a adressé aux hoteliers un questionnaire, mais compte-tenu du faible taux de retour, compliqué d’en tirer grand chose. Sur les 2 « 5 étoiles » de Marseille, un seul à répondu. Ceci dit c’est normal, il n’y en a qu’un ( le Sofitel Vieux Port). Et sur les 1 étoile et sans étoile, l’OTC n’ont récolté que 4 réponses. Mais ça ne doit pas être la joie non plus.

Heureusement pour Dominique Vlasto, il y a quand même quelques bonnes nouvelles. Notamment les bons chiffres de l’exposition  » l’Orientalisme en Europe », où ceux du Festival de Marseille et du Festival de Jazz des 5 continents. On connait les conclusions, tant que la ville ne développe pas une vraie offre culturelle, de loisirs pour attirer les touristes les chiffres ne bougeront pas. Et les fermetures en cascades des soirées tout au long de l’été ne risquent pas d’arranger les choses. C’est bien de faire venir les gens à Marseille l’été , mais pour y faire quoi ? Et là-aussi on peut se demander si la ville n’est pas en train de se tromper de business-modèle.

Le rêve houllebecquien de Gaudin

Tout à son rêve de faire de Marseille « un pays à vocation essentiellement touristique, avec une valorisation de ses terroirs, de sa gastronomie, de son patrimoine pour une clientèle devenue principalement chinoise, indienne, ou russe » comme l’écrivait Michel Houellebecq dans La Carte et le Territoire, Gaudin mise sur un business- model tout tourisme, une ville sans industrie, sans ouvrier, sans docker, sans CGT.

Un super-Cannes, alors pourtant que  Marseille est une ville populaire, comme se plait à le déclamer régulièrement sur les plateaux de télévision notre bon maire. Mais en matière de tourisme, rien n’est vraiment fait pour le tourisme populaire. Au contraire,  on voit fleurir un peu partout des hotels de luxe, dont d’ailleurs les taux de fréquentation sont notoirement mauvais l’été.

En revanche, Marseille est une des rares villes de France où il n’ y a pas de camping. Et une offre très pauvre en auberge de jeunesse. Pourtant ce sont ces touristes qui veulent venir à Marseille. Les bons chiffres de l’aérogare low-cost le prouvent. Une population, plutôt jeune, étrangère, qui débarque des avions Ryanair où des ID TGV, souvent pour s’amuser, pour faire la fête. Pas pour aller manger une bouillabaisse à 63 euros chez Michel, ou dormir dans la suite présidentielle du futur Intercontinental de l’Hôtel Dieu. Ni pour aller danser avec Danielle Gilbert à la soirée La Marseillaise à Pétanque, ou à celle des  » 50 ans de chansons française, de Sylvie Vartan à Florent Pagny » organisée par la fête bleue. Deux hauts-lieux de la saison marseillaise. No comment. Preuve supplémentaire, il commence à y avoir de vraies réussites dans ce tourisme low-cost comme celle du Vertigo dont nous avons rencontré cet été le patron :

Un constat également partagé par Isabelle Brémont, la Directrice du Comité Départemental du Tourisme, que nous avons croisé également cet été :

On laisse donc la conclusion à Dominique Vlasto dans son traditionnel et annuel exercice d’auto-satisfaction «  la promotion touristique tout au long de l’année de notre destination à travers le label Marseille Provence On the move a ainsi été payante ». Si elle le dit.

Le bilan Saison Estivale à Marseille , à vous de juger :