Procès Luc Jorda, du pompier de papier au seigneur du feu

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le 10 Avr 2013
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Procès Luc Jorda, du pompier de papier au seigneur du feu
Procès Luc Jorda, du pompier de papier au seigneur du feu

Procès Luc Jorda, du pompier de papier au seigneur du feu

Les avocats de la défense, Me Sartre et Me Tixier ont eu beau poser une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) pour tenter de renvoyer l'affaire devant la cour de cassation, dénonçant un procès inéquitable en défaveur de Luc Jorda, le tribunal correctionnel n'a pas flanché. Après 10 ans de procédure, l'audience a bien eu lieu ce mercredi où le colonel Luc Jorda, directeur du Sdis 13 (service départemental d'incendie et de secours) répondait de faits supposés de harcèlement moral sur un ancien officier du Sdis, Isabelle Bérard.

"Congé maladie"

La présidente Estelle de Revel est revenue sur trois éléments invoqués par la plaignante, refusant de s'attarder sur ces 10 ans d'une procédure interminable. Le premier porte sur le fait d'appréhender un véhicule de service, au domicile même du capitaine Bérard, alors en "congé maladie", selon les termes – révélateurs ? – du colonel Luc Jorda. Isabelle Bérard a affirmé que des officiers du Sdis sont venus sans même la prévenir, profitant d'un moment d'absence de celle-ci et du fait qu'elle laissait habituellement les clés sur le contact.

Si Luc Jorda n'a pas nié pas avoir donné l'ordre de procéder à la récupération du véhicule, il a lancé, mi-figue mi-raisin que "c'est le Sdis qui devrait peut-être porter plainte pour vol. Une circulaire a été diffusée dans tous les services, stipulant que les officiers doivent rendre les véhicules quand ils ne sont plus en service. Madame Bérard était de manière répétée en congé maladie (sic), cela faisait cinq semaines qu'elle était arrêtée, nous n'avons pas de véhicules à donner à tous les officiers."

Petit problème, Isabelle Bérard a précisé qu'elle n'avait jamais eu connaissance de cette note, rédigée pendant son arrêt de travail. Un témoin présenté au dernier moment par la défense, non autorisé à prêter serment pour avoir assisté à l'intégralité de l'audience, a annoncé au tribunal que c'est lui-même qui avait été dépêché par Luc Jorda pour aller récupérer le véhicule, après avoir pris soin de prévenir Isabelle Bérard. Me Euvard, l'un des avocats de la partie civile s'est agacé de "ce joker apparu soudainement, sur un élément capital".

"Casser les copinages"

Autre élément clé pointé par le tribunal, le refus systématique supposé d'autoriser Isabelle Bérad à participer à l'encadrement de stages, catalyseur potentiel pour sa carrière, sous le prétexte invoqué par Luc Jorda d'un trop plein de travail. L'officier Bérard, à l'époque chef des ressources humaines affirme pourtant ne travailler à l'époque qu'à 20 %, affectée à des tâches ingrates et subalternes de "collages d'étiquettes". "Je ne lui ai nullement porté préjudice, je voulais faire tourner les gens, casser les copinages. Je n'ai pas confiance en Isabelle Bérard parce qu'elle est toujours en opposition avec la hiérarchie, avec moi", se défend le colonel, réfutant toute démarche de harcèlement.

Outre des accusations de la part de la plaignante dénonçant des brimades, insultes et éviction de la vie du Sdis, celle-ci a évoqué surtout une opposition systématique à son avancement au grade de commandant : "Pour que je ne sois pas promouvable, il m'a mise chef de bureau. D'autres sont passés devant moi à cause de ces critères". "Nos relations se sont dégradées lorsque je lui ai annoncé qu'elle ne pourrait pas être commandant", a rétorqué Luc Jorda, avant de nier avoir émis un quelconque avis défavorable à l'inscription du capitaine Bérard au tableau d'avancement (condition pour être éventuellement promu) revenant sur des déclarations antérieures. "A part en 2002, elle y a toujours figuré. Je n'ai pas eu à émettre d'avis défavorable en 2002, les postes sortants étaient déjà attribués pour d'autres officiers. On a des quotas, on ne peut pas inscrire tout le monde au tableau".

"Harcèlement judiciaire"

Après l'audition des témoins, louant tour à tour "une femme courageuse s'intégrant dans un milieu machiste" ou au contraire, pour d'autres, "un harcèlement judiciaire à l'encontre d'un homme certes pas toujours facile mais rigoureux, dans un monde où un directeur ne doit pas toujours faire de sentiments en cas de conflit", les plaidoiries se sont enchaînées.

Me Laurent Gaudon, avocat d'Isabelle Bérard a attaqué "ce pompier de papier, vulgaire bureaucrate, au lieu d'être un seigneur du feu", suivi par Me Euvard, avocat du syndicat autonome des sapeurs pompiers, décrivant un système odieux créé par Jorda : "Si tu n'es pas avec moi je te placardise, je te brise". Me Tixier, pour la défense a vanté au contraire les mérites d'"un chef de guerre du feu, excusant "son sang chaud de Catalan".

Au terme de l'audience dont le délibéré sera rendu le 6 mai, le procureur Pierre-Yves Pezzino a estimé que "le délit de harcèlement est non constitué", avant de lancer, presque bravache : "Vous avez un boulevard pour la relaxe !" Sachant que nombre de faits décrits par la plaignante sont antérieurs à l'adoption de la loi sur le harcèlement moral le définissant comme "des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel", il est légitime de se demander si le tribunal aura toute latitude pour trancher en faveur de la plaignante. Et, après plusieurs non-lieux prononcés pour des cas similaires, faire de l'affaire Bérard un symbole du "système Jorda" mis en place au Sdis.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Tout ça, pour ça.
    Ce n’était vraiment qu’un feu de paille.

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  2. Amédé Amédé

    Je vous ai déja écrit sur le colonel Jorda quelques éléments lors de la parution de votre article précédent.
    J’ai moi-même été victime du système Jorda…si Elodie Crézé veut me contacter vous avez mon adresse mail.

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  3. anonyme anonyme

    qui sont les pyromanes?

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  4. justice justice

    c’est à mettre en parallèle avec la reprise en main du SDIS par des élus (pas irréprochables non plus certes)reprennent enfin la main … mais ce personnage a déjà fait un certain mal et a bien cadenassé son entourage : “tu es avec moi ou contre moi” …”tu parles c’est fini pour toi” ! il empêcher de nuire les pervers narcissique !

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  5. RB RB

    Il faut vraiment arrêter ce harcélement sournois et pervers dans notre corporation tant chez les spp que spv,espèrons que le jugement sera à la hauteur pour les victimes il y en a partout en France et il faut que cela s’arrête (site http://www.harcelement-18.org)

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  6. Frany Frany

    Bon courage à Isabelle ! Juste une petite remarque, n’aurait il pas été plus approprié et surtout moins périlleux de déposer une procédure pour discrimination professionnelle plutôt qu’une procédure de harcèlement plus difficile à plaider…

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  7. Anonyme Anonyme

    que d’agitation, de suspicion autour d’une affaire qui a du mal a démontrer le harcèlement; quand en finirons-nous des querelles de bas étages qui ferment l’esprit? il est l’heure de se remettre en question et d’arrêter de rendre le système responsable de tous ses maux. Si deander la récuération d’une voiture de service a un agent en aladie je lains les tribuna

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  8. Anonyme Anonyme

    pour quelqu’un qui travaille dans le secteur privé ce harcèlement n’existe pas… messieurs et mesdames vous sciez la branche sur laquelle vous êtes somnolents. vive la fonction publique privatisée

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  9. PC PC

    Pierre, il serait peut-être intéressant d’ajouter une rubrique litterature à votre site.
    Vous nous tiendrez informé, de tout ce qui s’écrit sur Marseille par des Marseillais.

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  10. Anonyme Anonyme

    La juste decision a ete rendue ce matin.
    La justice n’a donc pas été dupe et ne s’est pas laissée emporter par la tentative de connotation machiste qu’ont voulu y donner les attaquants. Il est encore possible de faire son travail et de commander dans ce bas monde! OUF!

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  11. Marseillais indigné Marseillais indigné

    Obliger les officiers à n’utiliser leur véhicule de service uniquement pour le service est un principe de base que tout officier connait dans l’ Armée IL est étonnant que des 3 ou 4 galons chez les “soldats du feu” (personnels civils) aient besoin d’une note de rappel pour le respecter Quant à laisser ses clefs sur une voiture de service c’est une faute justiciable d’une sanction disciplinaire On imagine le scandale si la voiture avait été volée et causé un accident

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  12. Casanovette Casanovette

    Une femme qui a du mal avec la pyramide … fallait pas trop s’attendre à une justice.

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