Pour les riverains de l'usine Arkema à Marseille, l'Etat alourdit la triple peine

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le 15 Déc 2010
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Pour les riverains de l'usine Arkema à Marseille, l'Etat alourdit la triple peine
Pour les riverains de l'usine Arkema à Marseille, l'Etat alourdit la triple peine

Pour les riverains de l'usine Arkema à Marseille, l'Etat alourdit la triple peine

Pas question d’être le pollué-payeur. De Marseille à Fos-sur-Mer, en passant par Châteauneuf-les-Martigues, les riverains de sites Seveso sont sur la même ligne : « nous refusons de payer les travaux à la place de l’industriel », résume Sylvestre Puech, coordinateur du collectif PPRT 13. PPRT pour plan de prévention des risques technologiques, un outil né de la loi Bachelot de 2003 suite à l’explosion de l’usine AZF. A Marseille, l’usine Arkema de Saint-Menet (11e) fait partie des 17 plans prévus dans les Bouches-du-Rhône, sur un total de 422 au niveau national. Problème : la concertation passe mal, surtout lorsque l’Etat joue au yoyo avec les crédits.

Nuage toxique

Car, si l’industriel doit investir pour réduire le risque en amont, impossible de rendre totalement inoffensive une usine chimique. Boulevard de la Millière, trois scénarii catastrophes ont été indentifiés : combustion d’une substance inflammable, explosion et surtout « un nuage provoqué par une fuite ou un dégagement de substance toxique » (chlore, ammoniac ou brome), détaille le document de concertation. Suivant la localisation de leur terrain, les habitant devront donc au choix déménager ou faire des travaux. « A Saint-Menet, ce seraient surtout des salles de confinement dans les maisons, ce qui peut coûter 15 000 euros. Quant aux vitres de protection, il faut compter 1 500 euros le m2″, indique Sylvestre Puech. On imagine la réaction des riverains. « De plus en plus de gens ont du mal à boucler leurs fins de mois, je crains que la population demande le départ de l’usine », regrette Myriam Janin, présidente du CIQ La Millière. Même si Arkema emploie localement environ 300 personnes.

Pour France Nature Environnement, les riverains subissent la triple peine : « ils supportent au quotidien toutes les nuisances d’un site industriel dangereux. Ils vivent avec la menace d’une catastrophe industrielle. Ils doivent désormais payer pour se protéger du risque. » Dans l’enthousiasme du Grenelle, le Parlement avait voté comme un seul homme le passage de 15% à 40% du crédit d’impôt pour les travaux.

Mais la mesure n’a pas échappé au coup de rabot de 10% sur les niches fiscales du gouvernement, soit 36%. Pire, les députés ont voté dans le budget 2011 le retour à 15%. « N’oublions pas que les exonérations et dérogations fiscales représentent 75 milliards d’euros. Accepter – fût-ce pour les meilleures raisons du monde – une nouvelle niche fiscale, et de surcroît la fixer à 40 %, cela jetterait le doute sur l’ensemble de la politique du Gouvernement que met en œuvre le projet de budget pour 2011″, avait argumenté à l’Assemblée Gilles Carez, rapporteur général du budget. Les intéressés apprécieront.

PME et HLM oubliés

Un peu plus cléments, les sénateurs ont ensuite remonté la barre à 25%. En commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs sont même revenus à 30%. « C’est un édulcorant », réagit René Raimondi, maire socialiste de Fos, qui compte 14 sites Seveso, et vice-président de l’Association nationale pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris). « Le risque n’est pas généré par les habitants et s’ils sont là, c’est qu’on les y a autorisés. » Même son de cloche chez Roland Blum, qui souhaitait pendant le Grenelle aller au-delà de 40% et a déposé une proposition de loi (qui de son propre aveu n’a pas fait fureur) pour que les travaux puissent être financés en partie par le fonds Barnier, alimenté par les primes d’assurances. « Même si je soutiens le gouvernement, ce n’est pas la peine d’avoir la langue de bois : je suis tout à fait furieux de cette affaire. Passer de 40% à 15%, c’était inadmissible et nous avons été un certain nombre de parlementaires à faire pression », dénonce le  député du secteur et premier adjoint au maire de Marseille, qui n’est toujours pas satisfait. La CMP aura tout de même permis de mettre fin à une « inégalité de traitement » dénoncée par Valérie Boyer, députée UMP des Bouches-du-Rhône et adjointe au maire de Marseille, dans une question écrite au ministre du Développement durable : seuls les propriétaires occupants bénéficiaient de l’aide, au détriment des locataires.

Mais d’autres limites demeurent : « aucun accompagnement financier n’est prévu pour les entreprises, lesquelles au regard des coûts financiers des travaux risquent de quitter les territoires classés en Seveso haut », s’inquiétait-elle. De son côté, France Nature Environnement demandait à l’Etat « de se prononcer clairement sur la portée et le mécanisme du financement des travaux pour l’habitat social, très présent autour des sites Seveso ». Myriam Janin confirme : « sur le boulevard de la Solitude, le HLM des Escourtines compte pas loin de 300 logements ». Auquel il faut ajouter le HLM des Restanques.

Arrêt technique

Surtout, les PPRT patinent. Près de dix ans après la catastrophe d’AZF et alors que la loi Bachelot fixait une date butoir à fin 2010, seuls 15% des plans sont appliqués. En Paca, pourtant bien garnie en sites à risques, il faut aller à Bollène pour trouver le seul plan bouclé. « Quand ces PPRT vont-ils se mettre en route ? », s’interroge René Raimondi. A Fos, le plus problématique – celui d’Esso, DPF, COGEX etc. – devait être prescrit en juin et à partir de là il devait y avoir une négociation de 2 ans. » Pas de nouvelles, et l’exemple d’Arkema et de la Mède, où la concertation a été prolongée de 18 mois ne l’incite pas à l’optimisme. « Soit il y a un vrai danger et on agit, soit on arrête d’ennuyer le monde pour rien. » Roland Blum se félicite au contraire « d’avoir obtenu du préfet de repousser le PPRT. Il faut se donner le temps de bien examiner les périmètres, les risques, le coût… »

Une chose est sûre : avec le recul de l’Etat, les choses ne risquent pas d’être facilitées. « Il va y avoir des tiraillements » pendant les réunions, prédit Sylvestre Puech. Quant aux collectivités et aux industriels, qui s’étaient engagées à financer chacune 20% du prix des travaux pour compléter les 40%, elles pourraient être tentées de revenir sur leur parole. « Aucun club sportif de ma ville ne touche un centime de sponsoring alors que ce sont des grandes entreprises. Alors vous imaginez quand on va leur demander d’investir pour les particuliers… », glisse René Raimondi. « La ville de Marseille a je pens
e la même position que les autres collectivités (communauté urbaine, conseil général et conseil régional, ndlr). A partir du moment où l’une paye, les autres suivront. Mais le recul de l’Etat est une très mauvaise nouvelle : c’est de sa compétence, il doit être moteur », complète Roland Blum.

Un lien La plaquette du ministère sur les PPRT

Un lien La carte des PPRT en Paca

Un lien Le site des comités locaux d’information et de concertation (Clic) de la région, où vous retrouvez tous les documents et compte-rendu de réunions

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