Pôle emploi dans les quartiers, c'est pas gagné

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le 20 Juin 2014
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Pôle emploi dans les quartiers, c'est pas gagné
Pôle emploi dans les quartiers, c'est pas gagné

Pôle emploi dans les quartiers, c'est pas gagné

"C'est bien mal parti, cette histoire…" La sentence tombe de la bouche d'un délégué du personnel de Pôle emploi. Elle vient qualifier le dispositif expérimental mis en place par Pôle emploi dans 26 centres sociaux des zones urbaines sensibles de Marseille. Depuis janvier, des agents viennent y tenir des permanences, histoire de se rapprocher des "personnes les plus éloignées de l'emploi". Et, dans certains quartiers, la distance ne s'est pas vraiment réduite, bien au contraire. D'après nos informations, dans un des centres sociaux concernés, l'agent de Pôle emploi a carrément déserté les lieux, faute de rendez-vous avec personnes en recherche d'emploi.

"Elle a eu quelques rendez-vous au début mais les jeunes ne sont pas venus, nous glisse-t-on. Ensuite, elle n'en a plus eu du tout et comme elle n'a pas que cela à faire, elle n'est plus venue." Cet exemple anonyme illustre les quelques ratés du dispositif. Délégué Sud Solidaires implanté au Carré Gabriel dans le 14e arrondissement, Jean-François Robert acquiesce : "Je confirme l'absence ou le peu de rendez-vous. J'ai amené un journaliste de Zone interdite découvrir la permanence de la Maison pour tous de Félix-Pyat : il n'y avait personne. Le cahier des charges est trop restrictif. Aujourd'hui, l'immense majorité des personnes qui recherchent un emploi sont inscrits chez nous. Cela ne veut pas dire qu'ils n'en restent pas éloignés. Mais il ne suffit pas d'offrir une permanence pour les inciter à entamer des démarches d'insertion."

Informés mais pas connectés

Ces permanences sont censées permettre un premier contact aux personnes non inscrites. D'ailleurs, les agents n'ont pas accès au système intranet de l'agence qui pourrait leur permettre de délivrer des informations personnelles aux demandeurs d'emploi. "Moi, je trouve ça plutôt bien, modère Marion Dousse, directrice du centre social du grand Saint-Antoine qui accueille une permanence. Cela permet d'être sur le fond de la recherche d'emploi et non pas sur la forme et les questions d'indemnisation." 

En interne, le dispositif a du mal à passer. Surtout que les collègues exilés ne sont pas là pour gérer le flux de chômeurs en souffrance. "Nous avons alerté la direction régionale dès avant le dispositif, raconte un salarié d'une agence des quartiers Nord. A quoi ça sert ? Si le gars ne vient pas au rendez-vous à Pôle Emploi, il fera pareil à une permanence dans un centre social. Et s'il s'agit d'un premier niveau d'information sur le dispositif de recherche d'emploi alors les animateurs Move sont tout à fait compétents pour le faire."

Move – pour mobilisation orientation vers l'emploi – est un surgeon des anciens Papej – pour point d'accueil de mobilisation et d'orientation des jeunes. Ce dernier dispositif a failli disparaître par pertes et profits avant de renaître sous cet acronyme. Ce sont ces animateurs, eux aussi présents dans les centres sociaux, qui sont censés orienter les personnes en recherche d'emploi vers les permanences. Or, leur mission d'information, d'orientation et de suivi individuels chevauche en grande partie celles de l'agent Pôle Emploi détaché un jour par semaine. "Ce n'est pas qu'une question de partenariat entre structures. C'est aussi une question de relations personnelles. Chez nous, cela se passe plutôt bien entre l'animateur Move et l'agent Pôle emploi. Ils fonctionnent comme un binôme, explique Marion Dousse. Maintenant je ne vais pas vous dire qu'ils croulent sous les rendez-vous." ​

Bilan d'étape à l'automne

Du côté de la direction régionale de Pôle Emploi, on ne sort pas le clairon de la victoire. On se précipite surtout pour dire que tout bilan est précipité. "C'est d'autant plus précoce que certaines permanences viennent tout juste d'être mises en place", précise Jérôme Marchand-Arvier, directeur régional adjoint. Nous avons convenu de faire un premier bilan à l'automne. Comme pour tout dispositif expérimental, il faut attendre qu'il monte en puissance. En tout cas, aujourd'hui, nous sommes au rendez-vous du déploiement avec 26 permanences installées." Le directeur a tout de même des chiffres à fournir à titre indicatif : "20 rendez-vous en deux mois au centre social du Grand Saint-Antoine. 20 en trois mois au Hauts de Mazargues et même 40 en deux mois à Kallisté." Ce dernier bon chiffre est à rapprocher du fait que cette permanence, située à Notre-Dame Limite, est très éloignée de l'agence de Bougainville dont elle dépend.

Ce que le directeur régional adjoint ne dira pas, c'est que la mesure est venue d'en haut sans être forcément souhaitée par les équipes de Pôle emploi. Ce qui, selon l'expression plus policée de Jérôme Marchand-Arvier peut se traduire par : "Nous nous inscrivons dans un dispositif préfectoral issu du plan Ayrault. Nous avons toujours dit qu'il faudrait lui laisser du temps."  En coulisses, on murmure que l'idée d'un changement de méthode chemine jusque dans les hautes sphères avec l'idée que les rendez-vous individuels ne sont pas forcément la panacéen surtout quand il s'agit de présenter le site pole-emploi.fr à des personnes qui ne sont pas censées le connaître. Les permanences pourraient alors devenir des séances d'information collectives. Pour l'anniversaire du plan Ayrault à l'automne ?

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Commentaires

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  1. leravidemilo leravidemilo

    C’est certes “mal parti”,mais ça l’était déjà lors de “l’installation” du dispositif au centre social de frais vallon,lorsque le ballet des voitures officielles était venu perturber le quotidien des guetteurs (Cf l’article de Marsactu à l’époque.) Ces dispositifs sont pondus dans la haute sphère administrative et/ou dans les cabinets ministériels (c’est tout un) par des technocrates qui connaissent si bien les jeunesses de notre pays qu’ils ont une conception trés cage d’escalier de la proximité… et absolument aucune pertinence concernant les conditions et les modalités de la “mobilisation et du “move” des djeuns.Ce sont les mêmes qui,sur commande urgente d’un ministre en mal de pseudo-économies,peuvent vous pondre,sur un coin de table ,une “région” allant de Dreux à la Rochelle ou à Tulle,dans l’ignorance totale des réalités du pays,et accessoirement,de la démocratie! Bien entendu,personne n’a été entendu,ni même écouté,des représentants du personnel aux directions locales de pôle emploi,ne parlons même pas des centres sociaux. Et il s’agit maintenant d’attendre la “montée en puissance” du dispositif; Ce que les citoyens constatent,c’est surtout la montée en puissance de l’impuissance des “gouvernants” et de la dite “haute” administration,de l’incompétence et de l’incurie (ainsi que l’agitation prolifique qui va de pair.) La cinquième république a plus que fait son temps et ,avec elle,la classe politique et l’administration qu’elle génère. Comme à l’époque de votre article initial,je préconise (d’urgence) un stage d’immersion,à frais vallon de préférence pour les dits technocrates et leur ministre,le flamboyant Sapin.

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  2. Mistral Boy Mistral Boy

    Quel est le pourcentage d’embauches réalisées par l’entremise de Pôle Emploi ?

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  3. José 2014 José 2014

    Comme souvent, les effets d’annonce (cf journalistes convoqué(e)s ici et là…) se révèlent une fois de plus fort limités dans leur application concrète sur le terrain. Laissons plutôt les centres sociaux qualitatifs (comme par exemple celui de Frais-Vallon qui entre autres semble faire du bon travail) mener à bien leurs missions ! Renforçons-les dans leurs prérogatives quotidiennes et dans les moyens bugdgétaires CONCRETS débloqués à leur intention pour qu’il puissent fonctionner encore mieux auprès des publics prioritaires. Faisons cela plutôt que prétendre révolutionner les choses d’en haut en installant des permanences Pôle emploi qui se révèlent fantômes et/ou inefficientes… Cela pourrait s’appeller le pragmatisme de gestion au plus près du terrain en lieu et place des oukazes institutionnels montés en haut pour ensuite retomber comme des soufflés furtifs une fois arrivés en bas ?

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  4. Marseillais indigné Marseillais indigné

    Il faudrait d’abord qu’on offre des emplois:il y en a ! Curieusement lorsque je passe prés des chantiers d’entreprises du BTP j’entends parler des langues slaves ! D’une main je finance les RSA de l’autre les “travailleurs” détachés Merci Patrons

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