Musée d’histoire de Marseille, opéra, Frac : “les habitants passent mais n’entrent pas”
La sociologue Sylvia Girel présentait cette semaine les recherches de son équipe autour des publics et des pratiques de la culture. Avec notamment des études portant sur trois structures locales. Ces analyses montrent que de nombreuses personnes qui fréquentent les abords de ces lieux culturels marseillais en restent éloignées.
L'opéra de Marseille, dans le 1er arrondissement. et une passante. Photo : Violette Artaud
Qui sont les visiteurs du fond régional d’art contemporain à la Joliette, du musée d’histoire de Marseille au Centre Bourse ou encore de l’opéra dans l’hyper-centre de Marseille ? Mais aussi et surtout, quels types de public en sont absents ? D’ailleurs, qui connaît réellement ces lieux ? Sylvia Girel est sociologue et professeure des universités. Elle coordonne l’observatoire des publics et des pratiques de la culture au sein d’Aix-Marseille université. “Un dispositif à l’interface de la recherche et des mondes de la culture”, peut-on lire sur le site dédié de l’observatoire, dans lequel chercheurs et étudiants récoltent des données sur la culture, qu’elle soit scientifique ou artistique, et s’attachent à les transmettre.
Ce mardi, c’est avec cette volonté que la sociologue présentait, entourée d’une partie de son équipe, certaines de ces recherches rassemblées sous le titre “Parlons publics !”. Parmi les lieux explorés par l’observatoire en 2023, les trois institutions marseillaises citées plus haut. Quels sont les résultats de ces recherches qui mêlent terrain et entretiens ? Sylvia Girel a pris le temps, entre deux slides et un café, de répondre à Marsactu pour en livrer les grandes lignes.
Le fond régional d’art contemporain (Frac), le musée d’histoire de Marseille et l’opéra : pourquoi avoir choisi ces lieux en particulier ?
Le Frac est un lieu avec lequel on travaille depuis plusieurs années, qui a fait une demande de connaissance de son “non-public de proximité”. Ils se rendaient bien compte que plein de gens ne venaient pas. Les habitants passent devant, mais ne s’arrêtent pas. La demande était donc : qui sont ces personnes et comment les faire venir ?
Pour l’opéra, nous avons eu une commande de la Ville qui voulait savoir quels sont les publics qui le fréquentent et comment ils s’y intéressent. Enfin, pour le musée d’histoire de Marseille, c’est également une collaboration de longue date. Cette fois-ci, c’est l’originalité de ce terrain qui nous intéresse. C’est le seul musée en Europe qui est situé dans un centre commercial, le Centre Bourse. Nous avons là, en tant que sociologues, un terrain inédit.
Vous parliez pendant votre présentation “d’invisibilisation” de certains de ces lieux, pouvez-vous revenir là-dessus ?
Les lieux artistiques et culturels sont visibles pour les gens qui les fréquentent, mais invisibles pour celles et ceux qui n’ont pas cette pratique et ne savent pas ce qui s’y fait. Il existe d’autres formes d’invisibilisation, comme c’est le cas pour le Frac avec sa situation dans l’espace urbain. Vers la Joliette, l’espace est surchargé, avec beaucoup d’immeubles. La dimension remarquable de l’architecture disparaît, noyée parmi les autres bâtiments. Idem pour le Centre Bourse, où l’on ne voit pas le musée qui est caché entre des commerces, dans une galerie marchande. Il y a bien une vitrine, mais sans habits, sans chaussures, alors on se dit “ce n’est pas pour moi”.
En revanche, cela n’est pas le cas pour l’opéra, car le bâtiment se voit très bien. Mais on se dit que c’est cher, que ce n’est pas accessible, que ça ne va pas nous plaire. Ici, le problème n’est pas le lieu. On parle plutôt d’invisibilisation de soi, de la part de ceux qui pourraient être un public pour ce lieu-là. Il s’agit là de freins symboliques. Comment on rentre ? Est-ce que j’ai le droit de rentrer ? Va-t-on me surveiller ?
Vous parlez de public et de “non-public”, de qui s’agit-il ?
Pour ces trois lieux, on retrouve un non-public de proximité, autrement dit, les habitants, les gens de passages, les personnes qui viennent parce qu’elles ont un rendez-vous de travail, un rendez-vous médical, mais qui n’identifient pas du tout la présence d’un lieu culturel, car ce n’est pas leur motif de visite. Il y a aussi un non-public de proximité constitué des professionnels et des travailleurs. Ils arrivent le matin, repartent le soir, mais n’ont pas leurs activités de loisir ici. Enfin, on retrouve un non-public de proximité qui va plutôt vers la culture pendant les vacances et à l’extérieur de la ville. Ce non-public, qui habite ici, ira par exemple au musée à Arles, mais pas à Marseille. Tout ceci n’est pas le cas pour le Mucem, qui polarise, lui, de nombreux publics.
En revanche, comme le Mucem, ces trois lieux peuvent représenter pour les habitants des lieux de balades, de déambulation, mais pas nécessairement d’accès à la culture.
Oui, et nous pensons que c’est une première étape de construction de la représentation de ce qu’est le lieu. Une fois que l’on sait ce qu’il représente, on peut en parler. Si vous allez au Mucem pour la première fois, et que vous trouvez ça chouette, vous pouvez en parler à vos amis, qui en parleront à leur famille, etc. La construction des publics est avant tout une question de construction d’une représentation.
Vos recherches présentent également un volet préconisation. Comment peut-on amener ces “non-publics” à fréquenter ces lieux culturels ?
On peut par exemple aménager des choses sur les pauses déjeuner, dans les temps où les gens sont là, pour les travailleurs. Mais aussi mettre en place une stratégie, basée sur la visite unique. C’est-à-dire, je viens au musée avec mes enfants, ma famille, une fois. Sans forcément chercher à construire des visiteurs réguliers, on focalise sur une visite, avec un événementiel, quelque chose de spectaculaire.
Et puis, autre préconisation : trouver des temps de rencontre qui sont plus liés à la sociabilisation et la vie quotidienne. C’est ce qu’a fait le Frac avec les “rendez-vous des voisins”*. On vient pour ça, pas pour le Frac, et puis on se dit “tiens, il y a un musée derrière. Et là, c’est l’occasion d’en discuter, d’expliquer ce que c’est. Bref, nous avons des préconisations de sociologues, très axées sur la vie sociale, et moins sur la politique culturelle.
*L’opération s’intitule “rendez-vous des voisins” et non “apéro” comme nous l’avions écrit.
Commentaires
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Quand le Sieur Payan fait écrire dans un autre média que les Musées Marseillais sont très fréquentés !!! Ah ah ah…
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C’est sûr , il ne compte que les gens qui passent devant .
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L’article ne dit pas qu ils ne sont pas fréquentés lol
Vous tirez des conclusions de causalité qu il faut prouver.
Je ne dis pas que Payan a raison mais cet article ne dit pas l inverse.
Marsactu en choisissant de faire un focus sur ce sujet laisse penser, en effet,que c’est le cas..
C’est exactement de cette maniere que nait la désinformation..
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Quand les chercheurs en arrivent à la conclusion que pour attirer le visiteur dans les musées tels que le FRAC,il faut offrir le 51 ou la Mauresque, c’est grave.
Je visite régulièrement le musée d’Histoire de Marseille, c’est une manie comme une autre , la foule est rarement au rendez vous ( je me suis retrouvé quelques fois seul ) sauf les jours de “vernissage” , et oui mais là ,il ya l’Apéro, c’est ce qui fait la différence , j’allais dire l’affluence .
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c’est compliqué. quand mes enfants étaient jeunes je les ai tirés avec moi “au musée” en m’abonnant annuellement. c’était une promenade des mercredis ou samedis obligatoire, parfois mal comprise, mais je ne leur ai pas donné le choix à l’époque (le mac do pour le gouter, c’était après le musée). ils sont devenus des visiteurs réguliers.
mon expérience me laisse croire que c’est une question d’éducation, une sorte d’apprentissage de la culture. j’ai eu la chance pendant ma scolarité parisienne d’être trimbalé dans certains musées, j’ai donc pris une forme d’habitude, et par la suite d’intérêt.
mes petits enfants, avec leur école marseillaise n’ont jamais été promenés dans les musées marseillais…plusieurs fois dans une ferme pédagogique, mais pas un seul musée. pourtant avec moi, ils sont vite devenus accros au dinosaure du musée longchamp, et du superbe plancher de cantini !
une fois adulte, pourquoi y aller ? la notion de plaisir et de découverte n’existe pas.
et puis il faut bien le dire, les musées marseillais -hormis le mucem- ne sont absolument pas mis en valeur. un peu de pub leur ferait bien, il y a vraiment des choses très intéressantes à voir.
mais le “non public” n’est pas averti, -tout reste très confidentiel, ou réservé aux habitués-, mais surtout il ne semble pas recherché par les musées.
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Je comptais me rendre souvent au musée d’histoire, seul détenteur dans la région de la traduction de “DE RE METALLICA de G. Agricola (1494-1555)” Le musée est peut être ouvert mais malheureusement le fond documentaire est fermé …
L’Alcazar n’est plus ouverte le matin, l’offre culturelle dans cette ville est au même niveau que celle des piscines : équivalente à celle d’une sous préfecture d’un petit département français. Et comme pour les transports en commun, peu d’offres implique peu de demande.
Il est certain que la politique municipale est défaillante depuis un demi siècle. Je me souviens, avant l’élection de la majorité PM, que plusieurs bibliothécaires consciencieux (donc désespérés) m’avaient dit que la moitié des employés ne faisait pas leur boulot et qu’on avait pas le droit de s’en plaindre.
Les conséquences de ces nombreuses années de clientélisme effréné ne s’effaceront pas rapidement mais la mairie devrait davantage communiquer sur ces difficultés.
Certes elle risque de se mettre à dos des personnes qui, quand même, ont un assez grand pouvoir de nuisance mais je ne suis pas certain que la politique des 3 singes lui sera davantage profitable.
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Vous pensez que l’adjoint en place va faire quelque chose à part dire que c’est la faute des autres ,des prédécesseurs ,et du saint frusquin.
Aucune politique, aucune ambition, aucun plan.Il n’est pas au niveau.
Mais pas de soucis,on continue à fricotter avec FO.Donc tout va bien.
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Certes, mais comme je ne souhaite pas non plus me présenter aux élections, je ne leur jette pas trop la pierre.
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Qu’ont-ils fait de leurs talents ,si ils en avaient un tant soit peu ? Rien.
Sinon peut-être faire un stage à la direction des musées d’.Aix en Provence.
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Autant je trouve l’entretien passionnant, documenté et fin, autant je suis atterré par la bêtise d’une grande majorité des commentaires… Comment en est on arrivé à un tel ressentiment envers les politiques publiques où l’on se vautre dans le “tous pourris”, “tous incapables” ?
J’y vois pour ma part l’arrivée prochaine aux responsabilités des contempteurs de la démocratie et du progrès social…
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je ne me sens pas concerné par votre commentaire.
et je suis également complètement d’accord avec vous.
on peut toujours hurler avec les loups, ca ne fait pas avancer la machine !
j’ai aussi le même genre d’inquiétude.
je note également que cette équipe autour de sylvia girel tente de comprendre pour diminuer cette non fréquentation par ce “non-public” et c’est réconfortant.
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Stephane Rio, nommer les choses est une bonne chose, et vous ne vous gênez pas en traitant certains commentateurs d’êtres la source de commentaires bêtes en critiquant les politiques publiques et leurs auteurs.
Donc nous allons nommer,aussi les choses.
La CRC à démonté la politique culturelle de la mairie par sa non existence, cela fait trois années que l’adjoint n’a rien produit.
Une gestion calamiteuse de l’Opéra avec des coûts pharaoniques par rapport à la production.
Des bibliothèques à la dérive, regardez et comparez la structure lyonnaise, nous sommes à 1000 lieux.
Des musées, qui en sus des problèmes de personnels non réglés, ont une production ridicule , des expositions insignifiantes et dont certains sont soit à la dérive ( Docks), soit fermés ( Grobet).
Un conservatoire musical qui n’est même pas national contrairement à la capitale des Gaules.
Une fréquentation muséale ridicule, avec une solution pour palier cet état de fait,des apèros.On croit rêver, il ne reste plus qu’à faire un BBQ dans le jardin des vestiges.
Un musée de la Marine qui aurait dût être intégrer au musée d’histoire, un musée de la Marseillaise dont je ne sais même pas si il existe encore, un musée des arts décoratifs. ( Borely) qui ne rayonne pas .
Et avec tout ceci vous pensez que les émetteurs de bêtises ne peuvent pas critiquer les décideurs politiques et leurs politiques publiques.
Ah ,mais vous avez raison ,nous avons eu droit à Enrico cet été.
Que voulez-vous, n’est pas Edmonde Charles Roux qui veut et je le confirme ,cette administration n’est pas à la hauteur.
Mais ceci pose quand même une question de fond entre les Marseillais et la culture.
L’offre actuelle est t’elle mauvaise, est-elle inadaptée à la population, doit t’elle être orientée vers de nouvelles formes pour répondre aux besoins?.
Mais franchement, cela ne peut rester en l’état.
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Merci @Violette et @Marsactu d’avoir fait autre chose que de juste “passer devant” cette restitution. Je me souviens de mes premières discussions en tant qu’habitante avec cette jeune équipe du FRAC prête à relever le défi “d’ouvrir le lieu sur le quartier” – tarte à la crème qui aurait pu leur revenir en pleine figure. 18 mois plus tard, les “rendez-vous des voisins” sont devenus des espaces de réflexion aussi conviviaux que productifs, la balade des voisins : “y’a personne qui habite ici” est née, et la première édition de la “Biennale de la Joliette” qui a été montée avec les autres partenaires et structures du quartier a été tellement prometteuse que nous sommes tous en train de réfléchir à la suivante. Tout cela “augmenté” par une équipe de chercheurs solidement ancrés dans la réalité. Tous méritent un grand bravo et nos encouragements à poursuivre collectivement l’aventure.
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Pour ce qui concerne l’Opéra, ici comme ailleurs, il va mal pour ne pas dire plus en termes de fréquentation avec des coûts qui s’envolent pour des productions totales. J’ose espérer que les recommandations de l’observatoire que je n’ai pas trouvé sur leur site seront pertinentes et pragmatiques.
Par conte je n’ai pas compris leur titre “Une enquête-diagnostique sur les relations des spectateurs à l’Opéra, et vice-versa” qui soit comporte une faute de français soit donne déjà un La qui sonne faux
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Oui. Je passe de temps en temps au FRAC, mais c’est surtout le désert et la salle de doc est fermée.
Ne vais pas à l’opéra, ce n’est pas ma culture et les places sont trop chères.
Quant au musée d’histoire de Marseille, j’y vais dés que j’ai qqu’un qui s’intéresse aux pièces archéologiques.
La Kulture à Marseille me semble un parent pauvre – je pense et j’ai failli écrire un parrain – mais je crois comme tout les grandes villes si il n’y a pas un conseiller municipale apte à y croire, cela me semble foutu.
Sinon je vais à la Vieille Charité tout les jours écrire ou lire au CIPM, lieu qui fut ”inventé” par le maire Vigouroux.
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Le musée d’Histoire est fantastique. Il aide à comprendre Marseille.
Par contre, pour le FRAC, pas besoin de chercher midi à 14h, les expos sont nulles : la dernière fois, c’était une dame qui s’est photographiée à différents âges de sa vie; passionnant …
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Il y aurait tant à dire… Alors je me contente de ne formuler qu’un vœu : donnez-nous une grande année thématique, à exploiter en tous thèmes et en tous lieux. Celle que vous voulez : l’antiquité, l’époque médiévale, baroque, lentre-deux guerres. Il y a une telle profusion de richesses historiques, humaines et artistiques à explorer dans cette ville ! De l’air, de l’art, de la fête, de la culture, de l’oxygène par pitié !
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Oreo, la dernière exposition de l’envergure attendue par vous même, date de 1982 et 1983.”L’Orient des Provencaux”, neufs expositions simultanées avec des animations sous toutes les formes artistiques possibles.
Une merveille, si vous êtes jeune , faites un saut à la bibliothèque du Musée d’histoire pour feuilleter les catalogues.
Autrement dit, un désert depuis 40 années
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