Mairie des 9/10 : Lionel Royer-Perreaut orchestre sa succession sur fond de dissidence

Lionel Royer-Perreaut et Anne-Marie d'Estienne d'Orves (à droite) en conseil municipal en 2021. Photo Emilio Guzman.

Vendredi à 18 h 30, le conseil d’arrondissement extraordinaire des 9/10 aura une saveur particulière. Élu député de la majorité présidentielle en juin dernier, Lionel Royer-Perreaut, frappé par la loi sur le non-cumul des mandats, assistera à la séance qui verra son successeur s’asseoir dans le fauteuil de maire des 9/10.

Ce siège, l’ancien suppléant de Guy Teissier l’occupe depuis 2014. Vendredi, un nouveau ou une nouvelle maire prendra les rênes de la mairie de secteur. Depuis plusieurs semaines, le nom d’Anne-Marie d’Estienne d’Orves revenait avec insistance. Lundi matin, les élus du groupe majoritaire emmenés par Lionel Royer-Perreaut l’ont officiellement validé lors d’une réunion. “J’ai proposé la candidature d’Anne-Marie d’Estienne d’Orves au groupe de la majorité qui l’a acceptée, confirme le maire démissionnaire à Marsactu. Je souhaitais présenter une candidature féminine, d’une élue implantée dans nos quartiers et reconnue pour ses qualités d’écoute et de travail managériales.”

“Je pense que ce serait une belle fin de carrière politique.”

Anne-Marie d’Estienne d’Orves

La principale intéressée laisse planer le doute. Pour la forme. “Pour le moment, on attend. L’élection c’est vendredi. Et l’on verra à ce moment-là le choix de Lionel”, glisse-t-elle. Ancienne adjointe à la culture de Jean-Claude Gaudin, de 2014 à 2020, Anne-Marie d’Estienne d’Orves est reconnue pour son implication dans le milieu culturel marseillais, notamment en tant qu’ex-présidente de l’école des Beaux-arts ou au sein du festival Marseille Jazz des Cinq continents créé par feu son époux, Roger Luccioni. Depuis la nouvelle mandature, toutefois, elle se faisait plus discrète dans les débats municipaux, se cantonnant à son rôle de conseillère d’arrondissements déléguée à la culture.

Élue en 2014, Anne-Marie d’Estienne d’Orves a officié comme adjointe à la culture pendant six ans. Photo Emilio Guzman.

Future maire de secteur, Anne-Marie d’Estienne d’Orves ? “Si cela était le cas vendredi, je pense que ce serait une belle fin de carrière politique”, synthétise celle qui dit s’entendre “bien avec tout le monde.” Cette “femme de consensus par essence”, comme la décrit également Lionel Royer-Perreaut, ne séduit pourtant pas tout le monde. Dans les rangs de la gauche, sans surprise, on voit dans cette succession-là, “un mauvais choix.” Un élu d’opposition pique : “C’est quelqu’un qui n’a pas de tonus politique, qui va prêter le flanc à toutes les attaques.” Adjoint de Benoît Payan à la mairie centrale, chargé entre autres de la biodiversité marine, Hervé Menchon (EELV) regrette que le maire en partance “se soit servi de ce secteur comme d’un tremplin politique”. Il poursuit : “En nommant Anne-Marie d’Estienne d’Orves, soit un non-choix, il y a une forme d’abandon du 9/10. Donc nous voterons blanc.”

“Femme de paille”

À droite aussi, plus étonnamment, on ne retient pas forcément les coups. “Ce sera une maire-intérimaire comme Lionel Royer-Perreaut la qualifie lui-même. On aura donc la maire-intérimaire du lundi au jeudi et le maire-honoraire du jeudi au dimanche [après la semaine parlementaire, ndlr]. Et qui va mener la politique ? Elle ou lui ? Qui parlera à la métropole, qui parlera à la mairie centrale, elle ou lui ?”, interpelle un conseiller d’arrondissement. En creux, les critiques font de la prochaine cheffe de file, une “femme de paille” pilotée par “LRP”. L’ancien maire évoque sans ambages “une élue qui saura travailler en binôme avec moi-même sur les grands dossiers structurants”.

D’ailleurs sur sa page Facebook, dans un long post à destination de ses administrés consacré à sa démission de maire de secteur, l’édile insiste : “Je demeurerai à vos côtés car si je démissionne de mon mandat de maire, je ne vous abandonne pas. (…) Je continuerai à faire le lien avec les élus d’arrondissements. Je resterai très associé à la gestion de la mairie de secteur car je sais ce que je vous dois.” Reste, pointe un élu de droite du 9/10 que cette succession prend des airs de “place gardée au chaud” : “Elle va lui conserver son fauteuil. Comme ça, s’il y a une dissolution dans quelques mois, et qu’il est battu, il pense qu’il pourra redevenir maire.”

Candidature dissidente

Pour un conseiller d’arrondissement, cette passation de pouvoir cumule un double handicap. “On est face à un problème de gouvernance, mais aussi à un problème politique”, dit-il. Comprendre que Lionel Royer-Perreaut, élu sous une étiquette Les Républicains en 2020, a rallié Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, comme la tête de liste sur la ville Martine Vassal. “Royer-Perreaut veut nous faire croire qu’il est divers droite après être passé par Ensemble (son étiquette aux législatives, ndlr) et Renaissance (son groupe à l’Assemblée, ndlr). La réalité, c’est qu’il est En Marche !”, lance un représentant de l’axe Teissier-Réault.

Les vieilles aigreurs de la droite locale – ravivées pendant la séquence législative le temps du duel fratricide entre Didier Réault, parti sous la bannière LR, et son ancien camarade de parti Lionel Royer-Perreaut – ne semblent pas vouloir s’apaiser. Pis, ce vendredi, une candidature dissidente pourrait tout-à-fait émerger des rangs de la droite. Frédéric Guelle, proche de Didier Réault, figure parmi ceux qui pourraient se présenter face à Anne-Marie d’Estienne d’Orves. Sous couvert d’anonymat, un élu lâche : “Une candidature alternative, ce serait bien. Cela permettrait à chaque membre de la majorité d’avoir vraiment le choix et de se prononcer en conséquence.”

L’alternative Caradec

Droite et gauche s’accordent sur un point : elles auraient plutôt vu Laure-Agnès Caradec (*) dans le costume de la successeure. “Elle, c’est un vrai pit-bull. Mais au moins elle est combative, elle avance !”, pose un représentant du Printemps marseillais dans ce secteur. Au sein des teissiéristes, on regrette que Lionel Royer-Perreaut ait boudé “cette candidature de compromis”. Le maire démissionnaire élude : “Laure-Agnès Caradec m’a fait part récemment de sa disponibilité éventuelle mais n’a pas formellement candidaté”, explique-t-il non sans malice. Ce qui fait sourire jaune un conseiller d’arrondissement : “C’est surtout que ce serait plus compliqué de dire un jour à Caradec : casse-toi, je reviens !”

Lionel Royer-Perreaut n’est pas encore parti que tous pronostiquent son retour. Avec les municipales de 2026 en ligne de mire. Mais d’ici-là, il devra conserver sa majorité dans son secteur. La cimenter sera l’une des missions d’Anne-Marie d’Estienne d’Orves. Et manifestement, ce ne sera pas de tout repos.

(*) Contactée par Marsactu, elle n’a pas donné suite.