L’étrange fin de l’Espace culture

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le 21 Jan 2016
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Un reclassement contre une démission. C'est la proposition faite aux salariés de l'Espace culture par la Ville de Marseille, qui s'est elle-même chargée de justifier sa fermeture fin décembre. L'épisode dit bien son embarras vis-à-vis de cette association créée à son initiative il y a 40 ans et qui a des faux-airs de service public.

L’étrange fin de l’Espace culture
L’étrange fin de l’Espace culture

L’étrange fin de l’Espace culture

Depuis 40 ans, l’association informait sur les événements culturels marseillais, proposait une billetterie et un appui aux structures locales. Mais comme annoncé en octobre, l’Espace culture a fermé ses portes à la fin de l’année pour raisons budgétaires. Derrière la reconversion du lieu – un bâtiment du XVIe siècle idéalement situé sur la Canebière – se pose aussi la question de l’avenir des dix-sept salariés de la structure. “On a recasé tout le personnel qui était là, a répondu Jean-Claude Gaudin lors de ses voeux lundi. Il y avait pas assez de monde qui fréquentait cet endroit. Ça ne nous convenait pas. La Ville a procédé à la reprise du personnel qui en a effectué la demande dans les services municipaux sur des postes vacants selon les règles statutaires.”

En apparence, la “générosité” dont aime à se targuer le maire a donc été de mise. Dès l’été 2014, les salariés ont été invités à remplir des fiches sur les compétences et leurs aspirations. Un indice d’un grabuge à venir qui n’a pourtant pas fait couler d’encre jusqu’à l’officialisation le 9 octobre 2015 de la cessation d’activité. Le 22 décembre, l’équipe organise même une douce-amère “liquidation festive”, invitant les usagers à venir récupérer des affiches, catalogues…

La position du démissionnaire

Les conditions proposées de reprise du personnel par la Ville ne sont pourtant pas si festives, à en croire La Marseillaise : des CDI remplacés par des CDD et surtout la nécessité de démissionner de l’association. Et donc de renoncer à l’ancienneté acquise, sans parler de leurs indemnités de licenciement. “On ne rentre pas comme cela dans la fonction publique, il faut passer un concours”, rappelle Bernard Jacquier, le président de l’Espace Culture et élu métropolitain (LR) au sujet des CDD. Quant à l’obligation de démission, “c’est un choix qu’ils avaient et qui a convenu à presque tout le monde”.

Soit entre dix et quinze salariés sur dix-sept, selon les versions. Bizarrement, la perspective du chômage dans cette période difficile pour le secteur culturel n’a pas fait recette… S’il a pu rassurer certains, le parapluie du vrai-faux reclassement ouvert par la Ville évite aussi à l’Espace culture d’assumer un plan social trop important. Voire de devoir passer par la case liquidation au lieu d’une simple et tranquille cessation d’activité.

80 % du budget assuré par la Ville

Consulté par La Marseillaise, un “spécialiste du droit public” remet toutefois en cause la “légalité” de ce pas de deux. Pour lui, l’association ressemble fort à un service municipal déguisé, une “association transparente”, comme on dit dans le jargon. En suivant cette logique, le personnel de l’Espace culture était en quelque sorte employé par la commune – la proposition de la Ville en serait un indice pas vraiment assumé – et aurait donc droit à conserver son ancienneté.

“Il faut quand même un faisceau d’indices” de la transparence d’une association, tempère un autre spécialiste, contacté par nos soins. L’un de ces indices est le poids des financements de la collectivité dans le budget de l’association. L’Espace culture semble remplir cette condition : ces dernières années, les subventions de la municipalité couvraient 80 à 90 % des dépenses de l’Espace Culture. D’autres collectivités participaient certes à son budget, mais plutôt pour la partie événementielle des rencontres d’Averroès et de la biennale des jeunes créateurs.

Un autre indice du caractère “transparent” d’une structure est l’initiative de création de celle-ci. Dans le cas de l’Espace Culture, c’est bien la Ville qui a fondé l’association. Celle-ci remonte aux années Defferre : l’Office municipal de la culture et des loisirs, c’est son nom à l’époque, a été créé sur délibération du conseil municipal en avril 1976. Pendant de longues années, il assure des missions très larges et fait quasiment office de direction des affaires culturelles.

Cuisine et dépendance

Interrogé sur la question, Bernard Jacquier, avocat de son état, assure que le risque est écarté pour la bonne raison qu’il a déjà été pris en compte. En 1997, alertée sur cette situation juridique floue, l’équipe Gaudin qui s’installe alors aux manettes a recours à une délégation de service public (DSP), remportée après appel d’offres par l’Office. À cette époque, les missions de l’association sont donc encore considérée comme faisant partie du service public.

Nouvelle étape dans la prise de distance en 2001, après la résiliation de la DSP. “On a changé le nom, qui pouvait prêter à confusion, et les statuts qui assuraient des sièges au conseil d’administration aux élus”, explique Bernard Jacquier. Or, le dernier critère d’une association dite “transparente”, le plus crucial, est l’autonomie ou non de la gestion vis-à-vis des élus.

En apparence, avec un conseil d’administration majoritairement composé d’acteurs culturels, l’Espace culture échappe à cette critique. Et ce malgré la présidence assurée par Bernard Jacquier, qui n’y siège officiellement pas en tant qu’élu. Seule Marie-Hélène Féraud, désignée après les élections municipales 2014, y représente la Ville.

Dans son dossier de presse du conseil municipal, la Ville justifiait pourtant la fermeture comme s’il s’agissait d’une décision touchant l’un de ses équipements. L’analyse des budgets ne lui donne pas tort, avec une subvention réduite de 190 000 euros en 2014 et un niveau maintenu au même étiage bas en 2015. Quand bien même elle ne gérait pas la vie de l’association, c’est la Ville qui y a mis un terme.

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 Quid des missions de l’Espace culture ?

Si le lieu est emblématique, l’association avait une activité culturelle. Elle participait à l’organisation des Rencontres d’Averroès et de la Biennale des jeunes créateurs. Pour l’heure, leur continuité est encore en suspens. Idem pour la reconversion du lieu, un bâtiment du XVIe siècle idéalement situé sur la Canebière.

Elle assurait aussi des missions d’opérateur culturel (soutien aux structures et location de matériel) et de vitrine de la culture à Marseille.  “Vous connaissez l’usage lorsqu’il s’agit de faire des économies : on se tourne d’abord vers la communication, ensuite vers la culture”, commente Bernard Jacquier, président de l’association. Une logique critiquée par ce conseiller d’arrondissements du 6/8 et conseiller métropolitain, membre historique de la majorité Gaudin : “La culture, ce n’est pas une activité qui doit être calculée de manière commerciale. Mais tout de même, la culture fait déplacer des gens, consommer, sans parler de l’image. On l’a bien vu en 2013.

À la lecture du dossier de presse de la Ville, on ne peut toutefois pas s’empêcher de rapprocher la fermeture de l’Espace culture, de l’ouverture du MJ1, présentée juste avant lors du conseil municipal. Ce lieu, qui fait figure de successeur du pavillon M, est présenté comme “l’outil de marketing territorial par excellence” et sera notamment “le guichet unique pour obtenir des informations generales et faciliter l’accès aux compétences (sport, loisir, culture, tourisme, etc…)“. Bref, une version située sur l’axe littoral de l’Espace culture, bien plus tournée vers le tourisme – et aussi vers les entreprises du territoire.

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Commentaires

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  1. Mars1 Mars1

    La culture est toujours un élément négligeable et négligé à Marseille, malgré l’affichage trompeur de MP2013. Trois ans plus tard, que reste-t-il de l’année capitale européenne de la Culture ? Le Mucem, heureusement, est un musée national. Quand on voit ce que deviennent les structures gérées par la municipalité il y a de quoi s’inquiéter (voir le Mémorial de la Marseillaise par exemple).

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  2. Trésorier Trésorier

    La question finalement est celle de l’ancienneté à reprendre pour ces salariés.

    Ce qui m’importe aussi, c’est l’avenir de cet immeuble magnifique (qui mériterait un bon ravalement).

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