Le trop lent rattrapage de la vaccination dans les quartiers Nord

Décryptage
le 17 Sep 2021
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Plusieurs arrondissement accusent encore un retard de plus de vingt points par rapport aux secteurs les mieux vaccinés de Marseille. Si un mouvement réel s'est observé pendant l'été, le rythme est désormais au plus bas. Analyse en trois graphiques.

La Ville de Marseille poursuit la vaccination dans plusieurs centres. (Photo LC)
La Ville de Marseille poursuit la vaccination dans plusieurs centres. (Photo LC)

La Ville de Marseille poursuit la vaccination dans plusieurs centres. (Photo LC)

Dans quatre arrondissements du Nord de Marseille, plus de la moitié de la population n’a encore reçu aucune dose de vaccin contre le Covid-19. Loin, très loin derrière la moyenne nationale (74 % de primo-vaccinés) et même marseillaise (55 %). Cette fracture dans la crise sanitaire n’est pas nouvelle, Marsactu l’avait documentée en juillet. Le problème est qu’elle ne se résorbe pas vraiment. Deux mois plus tard, le 15e arrondissement, qui se détache nettement avec les 3e, 14e et 16e, est toujours exactement à 27 points derrière le “leader”, le 8e arrondissement.

"Les quartiers défavorisés sont moins vaccinés, de même que le taux de dépistage y est plus bas et le taux d'incidence plus haut, pose l'épidémiologiste Jean Gaudard, du laboratoire Sesstim (sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l'information médicale) de l'université d'Aix-Marseille. C'est assez classique en termes de santé publique, d'où l'importance de projets spécifiques." Menée par le Sesstim dès 2020 à une échelle très fine sur les données de l'épidémie, cette analyse comparée des territoires favorisés et défavorisés est plus récemment ressortie de manière éclatante pour la vaccination au niveau national.

Un petit effet "passe sanitaire" sur les moins de 65 ans

Pendant l'été, un rattrapage s'est toutefois observé chez les moins de 65 ans, pour qui la vaccination a été ouverte le 31 mai. Entre début juillet et fin août, ils sont plus de 26 000 à avoir pris rendez-vous pour une première dose dans ces quatre arrondissements (3e, 14e, 15e, 16e). Le taux de primo-vaccination pour ces classes d'âge y est ainsi passé d'un famélique 29 % à plus de 50 %. Pendant ce temps, le 8e arrondissement ne dormait pas, mais la progression y est moindre. "Malgré son caractère plus que discutable, on peut y voir un effet du passe sanitaire", observe Stanislas Rebaudet, infectiologue à l'hôpital européen, qui participe au programme d'accès aux soins et à la vaccination Corhesan.

S'y ajoute sans doute pour partie l'offre nouvelle du centre de vaccination sans rendez-vous à Grand Littoral, à partir du 19 juillet. Ce dernier fait partie des mesures mises en place par les pouvoirs publics après avoir identifié l'ampleur de ces écarts, début juillet. L'agence régionale de santé évoque aussi, dans une réponse écrite à Marsactu, les équipes de médiateurs, dont Corhesan fait partie, mais aussi "l'installation de barnums de vaccination du BMPM en pieds d’immeubles, avec mobilisation des associations".

Mais depuis, comme partout en France, la campagne de vaccination marque le pas. Par rapport au pic, au tournant des mois de juillet et d'août, le rythme a été divisé par près de trois. Dans le très peuplé 15e arrondissement, où il restait fin août 45 000 personnes à primo-vacciner, on a pratiqué cette semaine-là moins de 1000 injections. "On délivre les mêmes messages à tous, aux gens bien installés dans la vie comme aux plus précaires. Et pour certains c'est sans effet, constate Michèle Rubirola. L'universalisation c'est bien, car ça garantit l'égalité, mais ça ne doit pas interdire des approches adaptées."

"On touche un nouveau plafond de verre, qui est sans doute multifactoriel. Il y a une part de défiance, une part de manque d'information, mais aussi d'absence d'opportunité, détaille Stanislas Rebaudet. J'ai encore eu cette semaine dans mon service à l’hôpital une personne très âgée à qui on a demandé pourquoi elle n'était pas vaccinée. "Parce qu'on ne me l'a pas proposé", nous a-t-elle répondu."

Atteindre "les personnes vulnérables en dehors de tous les circuits"

20 000 personnes de plus de 75 ans ne sont pas vaccinées. Comment va-t-on faire pour aller les chercher ?

Stanislas Rebaudet, infectiologue.

 

Sans viser la couverture totale, l'objectif est avant tout de toucher "les personnes vulnérables, qui sont en dehors de tous les circuits, et qui voudrait bien se faire vacciner. En tout, on a 20 000 personnes de plus de 75 ans à Marseille qui ne sont pas vaccinées. Comment va-t-on faire pour aller les chercher ? C'est ce dernier kilomètre qui est le plus dur à faire". Ouverte depuis janvier pour ces personnes, la campagne va devoir se réinventer. "Nos médiateurs commencent à faire le tour des sociétés de service à la personne pour identifier ces personnes isolées et proposer une vaccination à domicile. On vient aussi de lancer un barnum de vaccination sans rendez-vous", liste-t-il.

Mais ces initiatives restent "modestes, reconnaît Stanislas Rebaudet. C'est beaucoup d'énergie pour quelques vaccinations par jour et il n'y a pas beaucoup de projets comme le nôtre." À une échelle plus large, la Sécurité sociale adresse des courriers ciblés aux assurés âgés non encore vaccinés. Après avoir communiqué abondamment sur le retard de vaccination dans le nord, l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille a pris en main un centre de vaccination pérenne aux Aygalades (15e), avec la Ville et le bataillon des marins-pompiers. "On reste sur une logique d'offre, la question c'est comment faire pour ceux qui ne demandent même pas", commente Stanislas Rebaudet. "Le premier samedi, avec un travail de terrain en amont, on a vacciné 72 personnes. Le second, sans nouveau travail de terrain, on est tombé à 15. Alors on a repris et ça remonte", concède Michèle Rubirola, adjointe au maire déléguée à la santé.

Pour ce "travail de fourmi", la Ville est en train de former son équipe d'une soixantaine de médiateurs, auparavant dédiés à la prévention sur les gestes barrières. "Nous sommes en lien avec l'Assurance maladie pour monter des opérations. Mais il ne faut pas juste installer une tente, ça ne suffira pas pour que les gens viennent", insiste l'élue.

De son côté, l'ARS nous annonce un projet porté par l'association SEPT, active depuis plus d'un an sur la crise du Covid-19. La maison régionale de santé de Malpassé (13e) vaccinera sur des horaires de nuit et l'association proposera "pour les personnes les plus éloignées du dispositif et/ou qui n’ont pas la possibilité de se déplacer, la possibilité d’aller les chercher pour y les conduire". Un pas de plus mais peut-être pas encore le saut nécessaire pour réduire la distance.

Actualisation le 17 septembre 2021 à 12h : ajout des citations de Michèle Rubirola, adjointe au maire de Marseille

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Commentaires

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  1. François François

    Article très intéressant mais pourquoi ne pas avoir ajouté des témoignages d’habitants de ces quartiers qui ne veulent/peuvent pas se faire vacciner pour nous expliquer quelle est leurs raisons?
    Une forme de propagande locale est tout de même en œuvre à Marseille depuis des mois contre les mesures sanitaires et la vaccination. On pourrait vérifier si le nom d’un “gourou” revient sans cesse. Et d’ailleurs il n’est pas que écouté religieusement chez les classes populaires …

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