Le Parisien vote Bernard Tapie

Le Parisien vote Bernard Tapie

Bernard Tapie est décidément un bon cheval pour la presse magazine. A ranger aux côtés de nos ancêtres les gaulois, des francs-maçons et du palmarès des hôpitaux, sur l'étagère des sujets qui font vendre à coup sûr. Avec l'arrivée de l'homme d'affaires dans le capitale du groupe Hersant et, potentiellement à Marseille, la presse tient "son accroche d'actu" en forme de martingale. Le Parisien Magazine a donc cassé sa tirelire pour mettre en scène ce que tout le monde dit et personne ne prouve : Marseille veut Tapie et inversement.

Ils ont donc commandé un sondage à l'institut BVA réalisé début février auprès de 601 personnes figurant "un échantillon représentatif de la population marseillaise". Les jours précédents la parution, le journal distille les bons chiffres, histoire de faire monter la sauce. En revanche, ils se font moins diserts sur l'analyse que l'on peut faire de ces chiffres. Ainsi sur le fameux 50% des Marseillais qui souhaitent le voir revenir en politique, le journal aurait pu titrer l'exact inverse et on vous fait grâce de la marge d'erreur de 2,5%. Dans le détail, ce retour ne concerne pas que Marseille : 36% lui voient un destin national. Et s'ils sont bien 42% à espérer sa candidature à Marseille, 35% seulement souhaitent qu'il soit élu maire en 2014. A l'inverse, ils sont donc une majorité à ne pas souhaiter qu'il fasse son retour dans la vie politique locale (57%), qu'il soit élu maire (64%) ni même qu'il fasse un come back national (62%).

"Coup de tonnerre"

D'ailleurs, si les experts de BVA parlent bien de "coup de tonnerre dans la vie politique marseillaise", cela ne signifie absolument pas une victoire assurée. "Avec 18% de Marseillais pouvant « certainement » voter pour lui, il pourrait même espérer un score à deux chiffres et être en mesure de se maintenir au second tour", écrivent-ils dans la notice ci-dessous. Ils auraient pu ajouter que l'espoir fait vivre mais ne fait pas une élection.

Dans le sous-titre du dossier, il est même fait mention "40% des Marseillais seraient même prêts à voter pour lui" alors que la question posée est bien plus ambiguë : "Si Bernard Tapie était candidat à la mairie de Marseille en 2014, vous personnellement, pourriez-vous voter pour lui?". La réponse relève un "potentiel de votes" et non pas une intention. Là encore, le sondage compare ce potentiel à celui de François Bayrou lors des deux dernières élections présidentielles : en janvier 2007, il culminait à 43% et finissait à 18% en avril. Rebelote en 2012 : 38% des voix en janvier et 9% en avril.

Vote protestataire

Dernier aspect signifiant : les catégories soutenant le plus Bernard Tapie sont celles qui se tournent traditionnellement vers un vote protestataire. Les catégories socioprofessionnelles les moins aisées et les sympathisants de partis extrêmes, y compris ceux du Front national (52%) se disent prêts à voter Tapie. Là encore, le sondage ne fait pas l'élection. En campagne, il est toujours malaisé de parvenir à séduire durablement les partisans de camp opposé. On finit toujours pas décevoir l'un ou l'autre bord. D'autant plus que ceux qui disent vouloir voter pour lui aujourd'hui sont ceux qui sont le plus tentés par l'abstention. Ils pourraient donc aller pêcher au printemps 2014.  

BVA ne passe pas outre cette analyse : "Dès lors, si ce sondage révèle la popularité de Bernard Tapie et sa capacité à obtenir un score non négligeable en cas de candidature à l’élection municipale de Marseille, il ne signifie nullement, qu’en cas de candidature, Bernard Tapie pourrait conserver intact ce potentiel de départ et encore moins le faire fructifier suffisamment pour pouvoir espérer remporter l’élection".

En conclusion, cette nouvelle parution renforce une idée déjà bien connue : Bernard Tapie est un fabuleux objet médiatique qui réussit le tour de force de faire encore et toujours parler de lui alors qu'il ne répète qu'une seule chose sur les antennes d'Europe 1 comme dans l'interview du Parisien : "si je refais de la politique, ma femme divorce". Soit Bernard Tapie en a marre de sa femme, soit il entraîne à sa suite la machine médiatique pour mieux vanter ses mérites d'homme sandwich au service de "ses" journaux, de Marseille et même de l'OM : "C'est plus facile d'amener des investisseurs ou d'aller trouver un sponsor à Dubaï ou à Abu Dhabi en tant que patron du groupe Hersant Média plutôt que comme maire de Marseille". En revanche, ce qu'il ne dit pas c'est comment "ses" journalistes pourront librement écrire alors que leur patron se pose en principal sujet.