Le Mucem visé par une plainte pour recours abusif à la sous-traitance
Comme le Louvre, le palais de la Porte Dorée et la Bourse de commerce - Pinault Collection, le Mucem est visé par une plainte, notamment pour travail dissimulé. Agents de billetterie ou médiateurs culturels au sein du musée national sont employés par une société prestataire. Ces salariés militent de longue date contre l'externalisation de leurs missions.
Une plainte déposée par trois syndicats vise le Mucem pour prêt de main d'œuvre illicite et marchandage. (Photo : DR)
“C’était une manière de manager faussement douce, il y avait beaucoup de manipulation. Ils nous donnaient des responsabilités importantes, mais le salaire ne suivait pas”, décrit Mélanie*, ancienne employée du groupe Pénélope, prestataire du Mucem. La jeune femme de 26 ans, assignée à un poste de médiatrice culturelle, a fini par faire un burn-out au bout d’un an et demi de CDD et de contrats au mois. Depuis, Mélanie a quitté le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Comme l’a révélé Libération, l’établissement marseillais, ainsi que trois musées parisiens — le palais de la Porte Dorée, le Musée du Louvre et la Bourse de commerce – Pinault Collection — sont visés par des plaintes déposées mercredi 16 octobre par deux cabinets d’avocats. La plainte ciblant le Mucem, à laquelle Marsactu a eu accès, vise le musée national pour des faits pouvant relever du prêt de main d’œuvre illicite, de marchandage et de travail dissimulé. Elle est portée au nom des syndicats Sud culture, Sud PTT et Solidaires. La direction du musée annonce de son côté ne pas avoir connaissance de cette plainte.
En mars 2023, Marsactu documente déjà les effets des pratiques d’externalisation du Mucem : de nombreux agents de la société Pénélope font alors grève. Pour dénoncer des salaires faibles et un manque de reconnaissance de leurs métiers, relatifs à l’accueil, la médiation, la billetterie et la réservation, contraires aux “valeurs prônées par le musée”, disent-ils alors. À l’issue du mouvement social, les contrats des agents grévistes en CDD ne sont pas reconduits. Une salve de jeunes employés est recrutée dans la foulée, dont Mélanie. Mais leurs conditions de travail restent inchangées : “Nos salaires n’ont pas été augmentés quand le SMIC a été revalorisé”, indique-t-elle.
“La sous-traitance n’est qu’un leurre”
La société Pénélope remporte un marché public en 2020, portant sur les prestations relatives à l’accueil, la médiation en salle et la vente des billets. Une trentaine d’agents de cette entreprise secondent donc une quarantaine d’employés du Mucem. Malgré cela, “la sous-traitance entre l’établissement public du Mucem et la SAS Pénélope n’est qu’un leurre”, selon le dépôt de plainte. Selon les avocats à l’origine de la plainte, c’est là l’une des caractéristiques du prêt de main d’œuvre illicite.
On recevait des ordres directs : des employés du Mucem faisaient des rondes pour nous surveiller.
Mélanie, ex-employée d’une entreprise de sous-traitance
La société Pénélope fait signer une lettre de mission à ces salariés. Dans un document dit “de bienvenue” — annexé au dossier et que Marsactu a consulté —, ils sont invités à se tourner vers des membres des équipes du Mucem, présentés comme des “chefs d’équipe”, et ne doivent s’adresser à leur employeur que lorsqu’il s’agit d’une “question relative à leur contrat”. Mélanie l’affirme : “On recevait des ordres directs : des employés du Mucem faisaient des rondes pour nous surveiller, et venaient nous voir pour que l’on arrête de parler à nos collègues, pour que l’on se tienne plus droites…” Or, ce type de consignes, qui révèlent un lien de subordination, devraient émaner uniquement de leur employeur, la société Pénélope.
Contactée par Marsactu, la direction du Mucem formule une réponse par écrit. “Ces missions [sont] externalisées dans le cadre de marchés publics, comme cela est le cas dans d’autres musées nationaux”, pose-t-elle. Avant d’affirmer : “Afin de s’assurer que les personnels du prestataire ne soient pas subordonnés à un personnel du Mucem, une organisation est prévue dans le cadre du marché : un responsable de site et des chefs d’équipe du prestataire sont présents pour encadrer leurs personnels, ils représentent l’employeur sur site et donnent à ce titre les ordres à leurs agents.”
“On était des pions”
En outre, les missions de ces employés ne sont pas clairement définies, et “évoluent constamment” selon les besoins du musée, pointe l’argumentaire de la plainte. Or, le contrat liant l’entité prêteuse (la société Pénélope) et l’entité utilisatrice (le Mucem) devrait avoir pour objet l’exécution d’une tâche explicite. Thibault a été employé par le premier prestataire du Mucem, Musea, puis par Pénélope, lorsque le groupe a emporté le marché. Le trentenaire est employé comme “agent d’accueil polyvalent”, mais exerce des missions de médiation culturelle, témoigne-t-il auprès de Marsactu. “Je devais parler anglais, espagnol, connaître quatre expositions et l’architecture du lieu, précise de son côté Mélanie. Ils nous casaient comme des pions et utilisaient des contrats courts, pour nous décommander à tout moment.”
Certains agents doivent aussi gérer les plannings lorsque des groupes scolaires viennent visiter le musée, ou exercer des missions relatives à la gestion des équipements informatiques, comme le montrent des échanges de mails versés au dossier de plainte. Le Mucem assure quant à lui qu’il s’agit uniquement “de sous-traiter l’accueil, la vente de billets, la médiation dans différents espaces du musée”.
Contourner pour payer moins
Ces agents travaillent donc exclusivement pour le musée, malgré leur statut de prestataire. Plusieurs d’entre eux ont été employés par Pénélope pendant sept ou huit ans, comme Thibault. Malgré cela, le Mucem reste sur la même ligne que lors de la grève de ces employés en 2023. Non, il n’est “pas leur employeur direct” ; mais, oui, il est “en contact avec le prestataire”.
En consultant les rapports d’activité du musée, on peut noter que les missions de surveillance et d’accueil du site étaient, avant 2012 et l’inauguration du bâtiment de Rudy Ricciotti, confiées à des fonctionnaires. Cela permet d’affirmer que “le musée dispose de la technicité nécessaire à la réalisation de ces missions, mais qu’il préfère faire appel à un prestataire pour des raisons budgétaires”, analyse Thibault Laforcade, l’un des avocats qui portent cette plainte.
L‘internalisation de ces activités n’est pas possible […] en raison du plafond d’emplois.
Pierre-Olivier Costa, directeur du Mucem
Malgré une sollicitation des salariés de Pénélope au printemps 2023, Pierre-Olivier Costa, le directeur du Mucem, maintient, dans un “point de direction” annexé à la plainte, que “l’internalisation” de ces activités “n’est pas possible […] en raison du plafond d’emplois”. Pour lui, il s’agit alors plutôt de “contourner les limites de l’externalisation”.
Des agents lésés
Ces agents, qui travaillent de manière permanente au Mucem, n’ont donc pas les mêmes droits, ni le même salaire, que ceux employés par le musée. Ils sont payés à l’heure effectuée, et non pour un prix forfaitaire de marché déterminé à l’avance, comme cela devrait être le cas, observe encore l’argumentaire de la plainte. “On n’avait qu’un week-end chômé par mois, et deux jours de congés consécutifs que très rarement, contrairement aux autres employés”, décrit Thibault, resté huit ans au Mucem comme prestataire. Il souffle : “Sur le long terme, c’était une usine à destruction de vie.” Les plaignants ciblent là le délit potentiel de marchandage qui révèle l’inégalité entre les salariés de Pénélope et ceux du Mucem, œuvrant sur le même site.
Ce qui était au départ un simple job étudiant, destiné à financer des études d’histoire de l’art, laisse un goût amer à Mélanie. Mais pour Thibault Laforcade, la situation, au Mucem, à la Porte Dorée, à la Bourse de commerce ou au Louvre, porte en elle “un aspect systémique”.
* Le prénom a été modifié à la demande des personnes interviewées.
Commentaires
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Deplorable.Il n y a pas d autres mots.
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Il faudrait donc titulariser des agents d’accueil et d’orientation. Sur concours. Avec un régime de retraite de la fonction publique qui est déficitaire sans les subventions d’équilibre versées chaque année par l’Etat.
Mélanie voulait un “job étudiant” au statut? Ou bien elle aurait préféré être embauchée en CDI avec un salaire (SMIC) au sien pour qu’il soit automatiquement revalorisé?
Thibault a mis huit ans à s’apercevoir que son emploi était une “usine à destruction de vie”?
Franchement Marsactu, il n’aurait pas fallu écrire l’article autrement si vous vouliez dévaloriser ces deux personnes…
Et les syndicats mentionnés, ont-ils pris la peine de comparer les coûts des trois options (sous-traitance, contractualisation, statut) pour les finances publiques?
Personne dans cette histoire ne s’est posé les bonnes questions.
C’est en effet déplorable.
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“Personne dans cette histoire ne s’est posé les bonnes questions.”
Et vous de même :
Expliquez nous comment, en décidant de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux, la caisse de retraite des fonctionnaires pourraient être équilibrée ?
Personellement je préférerais que les membres de la direction de la RTM, d’Euroméditerrannée, du GPMM soient recrutés “sur concours”.
” comparer les coûts des trois options (sous-traitance, contractualisation, statut) ” : vous n’avez pas oublié l’esclavage ? C’est encore mieux, non ?
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“Expliquez nous comment, en décidant de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux, la caisse de retraite des fonctionnaires pourraient être équilibrée ?”
*pourrait
En supprimant la pyramide de Ponzi qu’est la retraite par répartition. La modèle ne fonctionne plus étant donné qu’on est passé d’un rapport de 3 actifs pour 1 pension à 1.7 actif pour 1 pension. Et c’est de pire en pire car :
– l’espérance de vie s’est allongée
– aucun actif ne veut travailler plus ou plus longtemps
– aucun actif ne veut cotiser plus
– aucun retraité ne veut voir sa retraite baisser
Pendant ce temps-là, les modèles par capitalisation du monde entier financent l’innovation américaine en rapportant en moyenne 10% de croissance annuelle. Je vous laisse calculer la valeur du capital après 42 ans si vous placiez vos cotisations retraite mensuelles. Attention, ça risque de piquer.
En attendant, si vous avez une meilleure solution, n’hésitez pas à la partager.
“Vous n’avez pas oublié l’esclavage?”
Vous avez manifestement confondu Marsactu avec le café du coin…
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Et vous c’est le café du commerce : vos très long billets ne servent que la soupe habituelle des ultra libéraux de droite.
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Et donc, entre deux apéros, vous proposez quoi pour résoudre les problèmes soulevés par l’article?
En attendant vos éclairages, la capitalisation permet à environ 1 million de pensionnés, anciennement fonctionnaires dans ces pays ultra libéraux que sont la Suède et le Danemark, de toucher une retraite tout en ayant un régime au pire équilibré et au mieux bénéficiaire.
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Petite question au passage seriez vous déjà à la retraite pour parler aussi bien de ce sujet , on sent une certaine maîtrise !
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Je vous cite SLM : ““Vous n’avez pas oublié l’esclavage?”
Vous avez manifestement confondu Marsactu avec le café du coin…”
Peut-être pas tant que cela. : j’attends votre avis éclairé sur ces pratiques dénoncées ici : https://marsactu.fr/bref/terra-fecundis-de-nouveau-condamnee-en-appel-pour-fraude-au-travail-detache/
L’esclavage des sans papiers est malheureusement une réalité et elle est certainement favorisée par une mondialisation ultralibérale.
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Et enfin, pour paraphraser Montesquieu :
*Les légumes seraient trop chers, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des travailleurs détachés sans protection sociale.
*L’entrée du MUCEM serait trop chère si l’on n’y faisait travailler des précaires sans le statuts de ces privilégiés de fonctionnaires qui plombent nos finances publiques.
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Moi je trouve que ces jeunes gens, mélanie et thibault sont plutôt courageux. Chacun avec ses soucis, ils sont manifestement, embauchables, corvéables à merci…et ont besoin de travailler !
Ce n’est pas la procédure administrative qui est en cause, si l’usage est l’utilisation d’un sous-traitant, pourquoi pas.
Mais ce qui est mis en cause, c’est : ce sous traitant est-il obligé de les traiter comme des chiens ?
L’ambiance de travail est malsaine, parce que le sous traitant, pénélope, n’est pas capable d’encadrer raisonnablement son personnel. Le but pour lui est de faire du profit sur le dos de ses salariés, et comme il a du gérer sa réponse à l’appel d’offre au plus près, ses salariés en subissent les conséquences.
Ceci fait partie du cahier des charges, mais…n’est pas assuré a priori :“… une organisation est prévue dans le cadre du marché : un responsable de site et des chefs d’équipe du prestataire sont présents pour encadrer leurs personnels, ils représentent l’employeur sur site et donnent à ce titre les ordres à leurs agents.”
C’est donc la porte ouverte à tous les abus, notamment une utilisation manifeste de ce personnel en « bouche-trous »
Et puis : sous-traiter l’accueil, la vente de billets, la médiation dans différents espaces du musée, est donc une définition de poste assez claire. Pourquoi sont-ils –manifestement- subordonnés au personnel du musée ?
Il y a quand même une forme de laxisme de l’organisation du mucem.
Cet article ouvre plein de questions. cette précarité organisée et admise est déplorable.
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On peut être courageux (je pense sincèrement qu’ils le sont) et naïf en même temps. Toutefois, on peut légitiment se dire qu’il existe des métiers bien plus pénibles que l’accueil au Mucem, même en étant sous-traitant.
Vous soulevez en outre un excellent point : c’est avant tout le management de leur employeur qu’il convient de questionner.
Sur la subordination au personnel du musée, il y une grosse incompréhension des mécanismes de sous-traitance. Le client, en l’espèce le Mucem, décide, et le prestataire applique. Transposé en droit du travail cela s’appelle en effet de la subordination. Mais d’une part la simple subordination ne suffit pas à requalifier un contrat de sous-traitance en contrat de travail, d’autre part la sous-traitance n’est (heureusement) pas interdite. Il se passe exactement la même chose dans tous les cas de sous-traitance : les équipes de nettoyage du métro appliquent les consignes de la RTM, le consultant suit les directives de son client et le pétrolier (c’est le nom de la personne en charge du ravitaillement en kérosène des avions en escale) obéit au commandant de bord. Il existe des millions d’exemples similaires.
Enfin, la marchandisation de la culture n’a attendu ni 2024 ni le Mucem pour exister. Le monde dans lequel une majorité de gens a choisi de vivre est capitaliste ; y compris les artistes.
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Cher SLM, je ne suis pas d’accord avec vous. Dans l’espèce, le MUCEM a délégué à Pénélope des prestations précises que ladite société doit remplir à l’aide de ses salariés et de son encadrement. Le lien de subordination est direct entre Pénépole et ses employés. Il ne s’agit pas de fournitures d’intérimaires qui seraient alors en subordination directe du MUCEM. Pour reprendre votre exemple du métro, les équipes de nettoyage appliquent les consignes de leur employeur qui, lui-même, reçoit ses instructions du métro. Sur le tarmac, le pétrolier suit les instructions de la direction de l’aérodrome et pas celui du commandant de bord. Il semble qu’en l’état, un flou bien pratique brouille les instructions des “feuilles de route”. Et quand c’est flou……..
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Quelques articles sur les questions de précarisation et de privatisation au Mucem : https://sudculture-solidaires13.com/tag/mucem/
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Merci pour l’info
Bien entendu le monde de la “Culture”n’échappe pas à l’idée de faire du profit maximum pour les entreprises privées prestataires de service et d’organiser un minimum de coûts pour les services publics.
Et les usagers les visiteurs les utilisateurs… On s’en contrefiche
Déplorable.
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