Le Mucem sur le chaotique chemin de l'exposition d'Odessa

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le 16 Mai 2014
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L'exposition intitulée "Les chemins d'Odessa" devait à sa manière célébrer 42 ans de jumelage entre la ville ukrainienne et Marseille à l'automne prochain. Sous le double commissariat de Francis Conte et Myriame Morel, elle retraçait l'histoire de ce port de la mer Noire, de ses origines antiques en passant par sa fondation en 1794, son essor agricole au 19e siècle, jusqu'à l'aube de la période soviétique. Tout était prêt, y compris la scénographie de Brigitte Friland. Seulement voilà, le Mucem s'est fendu d'un communiqué début mai pour annoncer son report à une date inconnue.

En cause, le conflit russo-ukrainien et notamment l'événement tragique survenu à Odessa en ce début de mois, où des dizaines de militants prorusses réfugiés à la Maison des syndicats ont péri dans un incendie, au cours d'affrontements violents avec les partisans de l'Etat ukrainien. Dans son communiqué, le Mucem explique qu'"en raison de la situation en Ukraine, qui rend impossible l'assurance des oeuvres et la signature des prêts, l'exposition est reportée." Cette fois-ci, le Mucem a été rattrapé par l'actualité. A vouloir s'ancrer dans le monde contemporain, au centre d'une Méditerranée agitée de conflits toujours plus violents, le risque était grand. Déjà, en janvier dernier, le cycle culturel organisé sur la Syrie semblait un pari risqué, dans un contexte de guerre.

"Tout est chaotique"

Du côté de l'Alliance française d'Odessa qui a apporté son soutien dans la préparation de l'événement commencée en novembre 2009, on se refuse à tout commentaire sur les circonstances de l'annulation. L'une des organisatrices confirme cependant les raisons invoquées par le Mucem : "Le danger est réel sur la route, tout est chaotique. Aucun transporteur officiel et aucune assurance ne souhaitent prendre de risques."

Une programmation artistique et culturelle, maintenue en octobre, devait accompagner l'exposition. Thierry Fabre, responsable du développement culturel et des relations internationales du Mucem s'est chargé de celle-ci. S'il ne s'est pas impliqué lui-même dans "Les chemins d'Odessa", il ajoute que malgré l'actualité, les musées ukrainiens restaient d'accord sur le prêt des oeuvres. Le Mucem s'est en fait heurté à des difficultés administratives. D'après Thierry Fabre, en avril, rien n'était encore conclu avec l'administration ukrainienne et la douane pour une sortie du territoire des oeuvres.

Sur près de 300 oeuvres, 250 provenaient des musées d'Odessa. En l'occurrence et entre autres, du musée des Beaux-arts, du musée des arts occidentaux et orientaux et du musée archéologique. Quelques oeuvres seulement devaient être prêtées par la ville de Kiev. D'après une source proche du dossier, "il s'agissait d'oeuvres à valeur historique, de grands tableaux, considérables pour l'identité ukrainienne. Si jamais les Russes interféraient pour réclamer les oeuvres, ou s'ils les interceptaient pour les mettre on ne sait où, imaginez le problème politique que cela aurait provoqué. C'est vraiment dommageable parce que les Ukrainiens tiennent vraiment à cette exposition. Odessa a beau être une ville mythique, avant la crise ukrainienne un flou subsistait dans l'esprit de beaucoup d'Européens qui ignoraient où cela se trouvait vraiment."

Casse-tête juridique

De fait, notre source garde en mémoire un événement survenu quelques mois plutôt, véritable imbroglio juridique de nature à faire pâlir les organisateurs des "Chemins d'Odessa". En février dernier, le musée d'Amsterdam Allard Pierson organise une exposition sur l'or des Scythes, avec des objets datant du VIIe siècle avant JC. Or, pendant l'exposition la Crimée a été annexée par la Russie et a donc changé de statut. Du coup, les responsables du musée d'Amsterdam ne savent plus à qui restituer les oeuvres, à la fin de l'exposition prévue fin août. A première vue, sans doute aux musées de Crimée qui ont fourni les pièces.

Pourtant, la communauté internationale ne reconnaissant pas la presqu'île de Crimée comme "84e sujet" de la Fédération de Russie – ainsi que Moscou la désigne -, le gouvernement ukrainien serait en droit d'attendre une restitution des oeuvres. Avec ce changement d'identité, ce casse-tête paraît de nature à créer un incident politique et diplomatique que les Pays-Bas souhaitent éviter… Pour l'instant, les oeuvres restent aux Pays-Bas en attendant de trouver une solution diplomatique. Une mésaventure dont le Mucem ne souhaite pas s'inspirer. Les organisateurs espèrent toutefois que l'exposition sera présentée plus tard, une fois les tensions apaisées. L'incertitude demeurera au moins jusqu'au 25 mai prochain, date de l'élection présidentielle anticipée en Ukraine.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Cette exposition était-elle une bonne idée ? That is ze question…

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  2. COMAGUER COMAGUER

    Désolé pour cette annulation mais scandalisé par votre présentation des évènements de’ODESSA. Les militants “prorusses” ne sont pas morts dans un incendie comme le répète les médias gouvernementaux ils ont été assassinés pas des facistes qui ont mis le feu au batiment dans laquel ils s’étaient réfugiés et ceux qui ont réussi à sauter par les fenêtres ont été achevas au sol
    Bien sur votre ministre de tutelle fait partie d’un gouvernement socialiste qui soutient le junte de Kiev où 6 ministères sont occupas par des fascistes et donc votre indépendance est limités

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  3. Anonyme Anonyme

    oui, soyez objectifs ou du moins prenez quelques précautions pour présenter des faits non encore éclaircis à ce jour par les observateurs de l’UE et de l’OSCE, à moins que vous n’ayez des infos que personnes n’a!!!

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