La grande manipulation des croisades vue par un Arabe
La grande manipulation des croisades vue par un Arabe
De longs fils strient l'écran, zébrant Jérusalem en proie aux flammes dévorantes, alors que les chrétiens s'en emparent en cette année 1099. Au bout de ces fils, d'étranges personnages se détachent, mi-hommes mi-bêtes. Des hommes chameaux, des hommes chats, les visages noircis empreints d'une détresse, les yeux mi-clos, la mâchoire affaissée, témoins du sac de la ville sainte.
C'est dans l'écrin de la chapelle des Pénitents noirs d'Aubagne que l'oeuvre de Wael Shawky, The Path to Cairo est projetée, épopée lyrique présentée sous forme de théâtre-opéra de marionnettes filmé. Il s'agit du deuxième volet du triptyque Cabaret crusades, librement inspiré du livre de l'auteur franco-libanais Amin Maalouf, "Les croisades vues par les Arabes", lui même basé sur des chroniques et des récits d'historiens contemporains de l'époque des croisades tels Ibn al-Athir, Ibn Jabair, Ibn al-Qalanisi ou encore Ibn Mounqidh.
Mais avant le propos même du film, le plasticien vidéaste Wael Shawky souligne qu'il a souhaité réaliser un objet artistique. "En tant qu’artiste, je crois qu’il faut travailler l’histoire comme un matériau brut, y compris ses interprétations : les récits de l’homme qui prétendent être l’histoire peuvent contenir des éléments de vérité, mais dans le même temps ils sont des mises en scène, histoire et théâtre sont mêlés. Voilà pourquoi j’ai choisi le titre "Cabaret crusades" : le cabaret c’est la scène du spectacle de l’histoire. L’ambiguïté dans tout cela c’est qu’il y a une part de réalité et une part de spectacle. Mais pour moi qui ne peux croire à une seule version de l’histoire, c’est fondamental d’être dans cette incertitude", précise-t-il dans le dossier de présentation de Cabaret crusades.
Bestiaire d'argile
Après un premier épisode The horror Show file (1096 – 1099) réalisé en Italie en 2010, à la Citta dell'Arte de Biella, l'artiste choisit de tourner le deuxième volet en Egypte, dès 2011. Mais la révolution embrase le pays, contrariant le projet et incitant l'artiste sollicité par Marseille-Provence 2013 à accepter une collaboration dans le cadre des ateliers de l'Euroméditerranée. Autour du plasticien travaillent ainsi des artistes et des artisans, l'Ecole de céramique d'Aubagne qui fournit notamment 250 santons utilisés comme figurants. "Le défi était de faire des marionnettes avec de l'argile, explique Wael Shawky. C'est quelque chose qui, je crois, n'a pas été fait avant. C'est extrêmement compliqué d'utiliser le savoir-faire des Aubagnais dans la fabrication des santons pour fabriquer des marionnettes qui bougent." En plus des neuf fils par marionnette, les personnages principaux sont équipés de fils supplémentaires au niveau des yeux et de la bouche, mobiles.
Crédit photo : E.C.
Trente-six heures avant l'inauguration de l'exposition scénarisée par Jacques Sapiega, enseignant chercheur en audiovisuel, les dernières petites mains s'affairent sous le regard attentif du chef d'orchestre Wael Shawky. Les vingt et une marionnettes et un échantillon des santons utilisés comme figurants sont installés derrière leur vitrine. Tandis qu'Irène Lentini, marionnettiste ajuste minutieusement des fils, elle justifie la création de cet étrange bestiaire d'argile : "Certaines marionnettes sont plutôt anthropomorphiques et certaines se mêlent de plus en plus à l'animal jusqu'à devenir un chameau par exemple. C'est une métaphore. Dans un des passages du livre de Amin Maalouf, il est raconté que quand les Arabes ont vu la troupe de soldats arriver, ils l'ont identifiée à des bêtes !".
110 marionnettes et 200 bénévoles
Une fois les étranges acteurs fabriqués, les étudiants du Satis (département sciences, arts et techniques de l'image et du son de la Faculté d'Aix-Marseille) ont mis en lumière, tourné et monté le film. "L'idée n'était pas seulement d'impliquer les étudiants et leur énergie dans le projet mais aussi d'utiliser la fraîcheur de leurs idées", raconte le plasticien. Près de 200 bénévoles ont participé à la confection des costumes, en lin, soie, satin, coton et laine. Le décor, somptueux, représentant des villes médiévales d'Orient d'Alep à Bagdad est directement inspiré du travail de Matrakçi Nasuh, miniaturiste, historien et mathématicien ottoman du XVIe siècle. Dans une atmosphère onirique, les minarets en carton dardés vers le ciel rougeoyant se détachent derrière les remparts, devenus inutiles face aux assauts des croisés.
Avant le tournage, Wael Shawky s'est rendu au royaume du Bahreïn pour proposer aux musiciens traditionnels d'interpréter les chants, y compris ceux des pêcheurs de perles. Si le film est un projet réalisé entre l'Orient et l'Occident, il semble logique pour l'artiste de présenter le film dans des villes arabes, et notamment au Qatar à Doha. "J'ai comme projet de le projeter aussi à Beyrouth. J'espère aussi pouvoir le présenter bientôt au Caire mais on dirait que la situation politique ne va pas m'aider". Sur l'écran, la mort de l'atabeg – régent turc – Mossoul Zenki sauvagement assassiné sous sa tente clôture le film tandis que les murs vides de la chapelle avalent l'écho de sa plainte.
Crédit photo : E.C
L'exposition et le film sont visibles à la Chapelle des Pénitents noirs d'Aubagne, Les Aires Saint-Michel, jusqu'au 30 janvier, du mardi au vendredi de 14 h à 18 h et le samedi et dimanche de 10 h 30 à 12 h et de 14 h à 18 h
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Juste une précision car votre conclusion n’est pas claire: Mossoul Zenki a été tué par l’un de ses eunuques, par peur d’un châtiment, et non par les croisés comme pourrait le faire croire votre article.
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Une autre précision : en l’an 1000 les Arabes étaient eux mêmes des envahisseurs en Palestine, comme ils avaient trois siècles auparavant envahi l’Europe via l’Espagne et où ils n’avaient été arrêtés qu’en France (Poitiers en 732). Ils ne serons chassés définitivement d’Espagne qu’en 1492…mais entre temps se seront installés durablement dans toute l’Afrique du Nord. Le but des Croisades était de reconquérir la Palestine considérée comme le berceau du christianisme. Alors, présenter aujourd’hui les Croisades comme une agression contre les Arabes me semble un non sens historique.
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