Hamza Bensatem, l'autre lycéen de la marche citoyenne contre le FN

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le 5 Juin 2014
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Hamza Bensatem, l'autre lycéen de la marche citoyenne contre le FN
Hamza Bensatem, l'autre lycéen de la marche citoyenne contre le FN

Hamza Bensatem, l'autre lycéen de la marche citoyenne contre le FN

Un conte de fée sur la toile. La semaine dernière, deux lycéens marseillais dialoguent sur Facebook à propos des résultats aux élections européennes. Atterré par le score du FN, Lucas Rochette-Berton s'insurge contre l'apathie apparente qui accueille ce séisme politique. En réponse, Hamza Bensatem lui répond qu'il faut descendre dans la rue. De "statut" en "j'aime", de "post" en "event", les deux amis échangent autour de l'idée d'une marche à Marseille. Le lendemain, la boule de neige se transforme en avalanche : les marches se multiplient en France, appuyées par les syndicats lycéens UNL et FIDL puis une foule d'autres organisations.

Les médias prennent le relais dès le lendemain avec Lucas Rochette-Berlon en première ligne, du Lab d'Europe 1 à Bourdin & Co sur RMC, en passant par Le Monde, Le nouvel obs… Le jour de la manif à Marseille, c'est encore Lucas qui accroche les caméras avec ses lunettes rondes, sa mèche rebelle et son ton posé. Hamza Bensatem est présent mais reste dans l'ombre médiatique. Quelques jours plus tard, attablé à un café de la Canebière, le jeune homme de 17 ans a du mal à expliquer les raisons de ce décalage : "Je ne sais pas. Peut-être que les gens n'ont pas envie de parler de moi. J'étais parfois avec lui quand il répondait aux interviews. J'ai même été interrogé mais, à la fin, mes propos n'étaient pas repris". Très à l'aise pour défendre ses idées, Lucas Rochette-Berlon a donc naturellement pris le rôle de l'interlocuteur médiatique.

De son côté, Hamza imagine aussi que son profil d'enfant des quartiers Nord petit fils d'Algériens rendait sa mobilisation plus évidente que celle de Lucas, lycéen des quartiers sud au profil et au langage déjà politique. En pleine révision du Bac, ce dernier revendique pleinement l'organisation de la marche même s'il reconnaît qu'"Hamza a été un partenaire qui a su se rendre indispensable en prenant rapidement en main de nombreuses choses".​ 

Ce dernier s'est occupé de l'organisation pratique en contactant les syndicats pour qu'ils relaient leurs démarches. C'est aussi lui qui a demandé l'autorisation à la Préfecture et répondu aux questions d'un policier des renseignements généraux en retour. Lui encore qui crée l'évènement Facebook de la marche marseillaise.

Il y essuie des tombereaux de commentaires fielleux de la mouvance identitaire qui mettent en cause son attachement à la France. "Ils me traitaient de salafiste, de djihadiste ou de Saoudien parce que sur ma photo de profil je pose en habit traditionnel devant un monument de Dubaï. J'ai eu assez peur surtout pour ma famille, ensuite j'ai compris que c'était pour me mettre la pression".

"Quand je parlais des résultats, ils pensaient foot" 

A posteriori, il se dit assez fier du résultat obtenu. Très ému de voir la foule de jeunes des quatre coins de la ville défiler sans débordement mais avec détermination. Parmi eux, assez peu de ses camarades de classe de son Bac Pro transports à Saint André. "Le lendemain des Européennes quand je leur ai demandé s'ils avaient vu les résultats, ils croyaient que je leur parlais foot. La plupart d'entre eux ne se sentent pas concernés. Certains vivent la galère ou sont simplement mis de côté". Plus prosaïquement, il avoue "avoir zappé" le lycée durant les jours qui ont précédé la marche.

Sans être en marge, son profil détonne par rapport à l'image éculée du jeune des quartiers. Il ne revendique pas d'appartenance politique si ce n'est "une défiance à l'égard des partis" mais il ne faut pas le pousser beaucoup pour qu'il dise que la marche est pour lui "un message au gouvernement pour qu'il mette vraiment en oeuvre le changement". Sa mobilisation est avant tout altruiste, bâtie sur un terreau familial généreux sans que ces vertus ne soient jamais formulées en mot d'ordre. "J'ai toujours eu envie de me mobiliser pour changer les choses". Il participe ainsi au mouvement de solidarité avec Leonarda "et surtout pour Khatchik. Je me suis plus identifié à ce jeune arménien en CAP expulsé du jour au lendemain". Il a également participé au manif en soutien à Sefo, jeune lycéen marseillais menacé d'un retour en Macédoine.

C'est là qu'il adhère à l'Union national lycéen (UNL) puis crée une section de la Fidl à Marseille. C'est dans la première organisation qu'il rencontre et sympathise avec Lucas. "On se bat pour les mêmes causes", insiste-t-il en mettant en balance leurs profils opposés et complémentaires. Mais quand Lucas a déjà un discours très posé sur le sens de son action et la manière de faire de la politique à son niveau, Hamza évacue le sujet comme étant du genre de ceux dont on ne parle pas.

S'éloigner de la cité

Il habite avec sa mère à la cité Consolat, dans le 15e. Même si depuis quelques mois, ce petit dernier d'une grande fratrie est en internat dans un foyer à l'autre bout de la ville. "On en a beaucoup parlé avant de prendre la décision, explique sa mère, Djamia Bousaïd. On a préféré l'éloigner de la cité. Je pense à son avenir. Quand on est des quartiers Nord, c'est prioritaire". Alors il traverse la ville tous les jours pour rejoindre Saint-André, sans paraître dérangé par ces heures de transports. Au foyer, il a déjà trouvé le thème de son prochain voyage. Dans quelques semaines, il part à Montréal à la rencontre de jeunes mineurs réfugiés. "J'ai rencontré des jeunes du Maroc, du Pakistan ou d'Afghanistan qui ont fait des milliers de kilomètres avant d'atterrir au foyer. C'est un truc de malade ce qu'ils ont vécu. J'ai eu envie de savoir comment cela se passait à Montréal où la prise en charge est très différente d'ici". Montréal ? Mineurs isolés ? Quelle mouche l'a piqué ?

Côté voyage solitaire, Hamza n'en est pas à son coup d'essai. A 16 ans, il embarquait pour Dubaï avec une caméra pour aller à la rencontre des Français expatriés. "Je voulais vraiment partir seul, faire un grand voyage et pas aller au bled, en colo dans les Alpes ou même en Europe parce que ça ressemble trop à chez nous. Je voulais découvrir vraiment autre chose. Et puis j'avais envie de prouver qu'on peut réussir à l'étranger même si toutes les portes sont fermées ici". Il jette son dévolu sur le Qatar et fouille le web pour trouver un moyen de financer son voyage.

Partir à Dubaï

C'est là qu'il tombe sur la fondation Zellidja dont l'objet est "justement d'aider les jeunes de 16 à 20 ans à voyager en autonome". Déléguée régionale de la fondation pour la région, Julie Perrot a aidé Hamza à présenter ses dossiers. Elle a été bluffée par sa détermination. Même quand le Qatar a refusé de lui accorder un visa et qu'il a refait un dossier pour partir aux Emirats Arabes Unis. "A chaque fois, il choisit des sujets intimement liés à sa situation personnelle qu'il traite d'une manière journalistique. Et le rendu vidéo est très réussi sur la forme et le fond". La caméra vient du cinéma l'Alhambra voisin où il avait participé à des ateliers cinéma avec le lycée.

Ces trois semaines ont marqué Hamza Bensatem. Non pas parce qu'il est devenu un zélote des pays du golfe, au contraire. "Je ne choisirai pas d'y vivre. Il y a beaucoup trop d'inégalités", juge-t-il aujourd'hui. Mais il est sorti enrichi des multiples rencontres et de l'aventure d'un voyage en solitaire. Il restera marqué à vie par son arrestation par une policière dubaïote au voile intégrale. "Elle m'a interpellé dans le métro après m'avoir vu filmer dans un centre commercial". Il en est quitte pour trois heures au poste et un film confisqué. Au retour, la fouille des douaniers français sera tout aussi soupçonneuse.

Peu importe, cette écume du voyage : il en sort transformé. "Pour nous, il incarne la réussite de notre objectif : il a grandi par le voyage", constate Julie Perrot. "Il y a un avant et après Dubaï, abonde sa mère. Il est revenu transformé". Hamza a déjà la tête au Canada. Il a envoyé une lettre recommandée à une juge pour obtenir le droit de filmer des réfugiés mineurs. Sinon il se débrouillera pour rendre différemment leurs témoignages. Ce qui compte c'est la rencontre. Comme pour la marche, le chemin parcouru est parfois plus important que le but atteint.  

En bonus, la vidéo d'Hamza Bensatem à Dubaï : 

 

 

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Commentaires

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  1. Chapeau Chapeau

    Très chouette récit. Un portrait de citoyen qui donne de l’espoir ! C’est tellement mieux que les sujets politiques qui eux nous ferment tous les horizons..

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  2. Marseil Marseil

    Brillant ! Bonne chance !

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  3. Amelie Amelie

    Bravo !

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  4. ALAIN PERSIA ALAIN PERSIA

    Très touchant reportage . Je souhaite avant tout une belle réussite scolaire à ce jeune citoyen et je félicite sa maman pour ses propos remplis de tendresse et de sagesse .
    Un article à transmettre à certains médias nationaux qui ne traitent des sujets concernant la jeunesse marseillaise que dans des exemples de faits divers sinistres .
    Qu’ils aillent , comme vous le faites , à la rencontre des milliers de jeunes qui étudient , réussissent des examens et: ou des concours et qui ont une fraîcheur d’âme et de générosité que , souvent, n’ont pas les adultes.

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  5. Citoyen de l'Estaque Citoyen de l'Estaque

    Hamza est un pur produit de ce que la république attend de sa jeunesse;il se montre en véritable ambassadeur qui recherche l’espérance pour la liberté.

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  6. jdeharme jdeharme

    Analyse intelligence bénévolat altruiste

    à présenter d’urgence à Mme Andrieux qui pourra peut être il n’est jamais trop tard découvrir l’intelligence et le coeur

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