Gratte-Ciel raconte une Algérie jamais sortie de terre
Gratte-Ciel raconte une Algérie jamais sortie de terre
"Allah Akbar, Allah Akbar, Allah Akbar !" scande d'une voix puissante l'un des acteurs qui répètent Gratte-Ciel, la nouvelle création du metteur en scène Hubert Colas, réalisée d'après l'oeuvre de l'écrivaine Sonia Chiambretto et présentée ce jeudi à la Villa Méditerranée dans le cadre du Festival de Marseille. L'écho se propage alors au-dessus de la scène plongée dans l'obscurité, s'espace puis s'épuise totalement.
C'est à partir d'entretiens réalisés auprès d'Algériens voilà quatre ans que l'auteur qui dit écrire "des langues françaises étrangères" a bâti son roman, une "oeuvre littéraire mais avec une oralité bien présente", selon Hubert Colas. Deux grands chapitres découpent la pièce en se faisant écho, l'un porte sur la période de la guerre d'indépendance, l'autre sur la décennie noire de la fin des années 80 et le début des années 90. Une figure apparaît, celle de Paul, un militaire appelé qui découvre la colonisation en Algérie et s'y oppose.
On a moins de vingt ans. On a été ramassés par les militaires dans la Casbah et à Saint-Eugène. On vient pour la plupart de gangs de yaouleds. On a servi d'accessoire à l'armée – boucliers, appâts. On est des rescapés des accrochages. […] (extrait, P 72)
En filigrane, c'est bien l'Algérie contemporaine, celle d'aujourd'hui qui transpire à travers les mots des comédiens. "La question de la citoyenneté est posée, reprend Colas, avec les Algériens qui tentent de s'émanciper, de vivre libres, et les nantis qui se confèrent des îlots de bien-être, qui s'octroient certaines libertés tandis que le peuple dans son ensemble reste assujetti à une dictature qui s'éteint. L'idée de la mémoire se libère en creux et on entend l'espoir d'une démocratie à travers les écrits de Sonia Chiambretto".
Architecture fantôme
Sonia Chiambretto a recueilli les témoignages – véritable terreau de son œuvre – par correspondance sans jamais mettre un pied en Algérie. Hubert Colas s'est rendu à Alger avec Pierre Nouvel afin de filmer des séquences dans la ville et de les intégrer dans le dispositif scénique. "Nous voulions saisir la relation des gens avec l'Alger d'aujourd'hui, montrer en images certaines parties de la ville." D'autant plus que l'architecture traverse l'oeuvre de Sonia Chiambretto, qui l'a baptisée Gratte-Ciel comme le symbole d'une tour imaginaire, issue du projet inachevé de Le Corbusier.
L'architecte de la Cité radieuse souhaitait exporter son utopie architecturale à Alger, comme le décrit Hubert Colas : "A la fin des années 50, il y a eu le désir de moderniser la ville d'Alger, notamment avec des bâtiments de Fernand Pouillon et les projets de Le Corbusier. Gratte-ciel est en quelque sorte la mémoire non réalisée de ce dernier. Très peu de temps avant l'indépendance, la ville a changé de physionomie. Puis les bâtiments ont traversé la guerre d'indépendance, la décennie noire. Les Algériens se les sont rappropriés. Le texte de Sonia Chiambretto se situe dans la ville fantôme rêvée de Le Corbusier comme si elle avait été réalisée mais restait invisible".
D'autres thèmes affleurent, comme la politique, l'amour ou encore la religion, avec un bémol, selon le metteur en scène :"Je ne dirais pas que la pièce en parle vraiment. Il est davantage question de moments de survie, à travers l'histoire, qui n'empêchent pas l'amour. Quant à la religion, il s'agit plus d'interprétation du religieux appréhendé par rapport aux contraintes induites par l'islamisation radicale." Mais l'essentiel de la pièce réside dans le verbe prêté aux Algériens, porteur de toute la violence de vies contrites, malmenées ou magnifiées par l'histoire.
La résistance c'est un engagement permanent, c'est une menace permanente, c'est l'hésitation, c'est la décision, c'est tout le temps, c'est un sens supplémentaire : à la fois un mélange d'institutions, de prémonitions, d'instant, d'odorat ; tout joue pour prendre une décision. (extrait, P.70)
Commentaires
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Sympa ! Et ça se passe où ?????
Hier, j’ai déjà traversé la ville pour écouter “Des lectures sous les arbres” à St Laurent, et il n’y avait personne. Je ne parle pas des bus qui s’arrêtent toujours à 19H (dernier départ du MUCEM) et le métro à 22H !
Pour les infos et les transports, Bravo Marseille !!!
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