Démêler les chevaux de la transhumance
Démêler les chevaux de la transhumance
Magistral est sans doute l'adjectif qui reflète au mieux Transhumance, ce projet d'envergure dessiné par les artistes du Théâtre du Centaure. Imaginez, des milliers de chevaux de Camargue, d'Italie et du Maroc galopant sur quelques 600 km à travers les chemins de Provence, les marais, les collines et une quarantaine de villages, pour finir par l'ultime traversée de Marseille. Après une première réunion des trois parcours (Maroc, Provence, Italie) le 31 mai dans la plaine de Crau, sur le terrain du domaine départemental de l'Etang des Aulnes, la part marseillaise de la Transhumance se déroulera le 9 juin, à partir de trois points de départs symboliques : les 60 cavaliers marocains de Tbourida partiront du Mucem et seront rejoints par les troupeaux et chevaux de Camargue, les Italiens partiront de Saint-Charles avec les attelages de chevaux lourds et les bergers, les transhumants de Provence et d'Europe partiront du Prado. Assemblé au Vieux-Port, l'immense cortège empruntera la Corniche pour rejoindre le Prado.
Ce projet, artistique et poétique, avec, au long du parcours, la réalisation "d'animaglyphes", "des dessins pour le regard des oiseaux" – des figures réalisées avec les animaux et filmées par hélicoptère -, se veut également une mise en valeur du rapport ville/nature. Il présente également une dimension interculturelle, avec une collaboration avec l'Italie et une deuxième avec le Maroc. Pour Thierry Roche, de l'équipe de MP2013 et organisateur de l'événement, "Transhumance est le symbole d'un partenariat euro-méditerranée au coeur de Marseille-Provence 2013. Et puis le vecteur cheval plaît beaucoup, c'est peut-être l'animal domestique le mieux partagé du pourtour méditerranéen." Enfin, l'organisateur insiste sur la dimension économique, avec la valorisation du tourisme équestre, "secteur en développement dans la région". A ce titre, des centres équestres partenaires sont associés à l'événement.
Faire preuve de pédagogie
Mais les coulisses d'un tel rêve déploient un trésor de complexité et d'embûches qu'il a fallu dépasser pour le concrétiser. D'abord, si le tracé de la transhumance est désormais stabilisé, il a fallu négocier durant trois ans pour y parvenir. "Nous avons dû nous départir de caricatures. On nous a soupçonné de vouloir créer une pâle copie de la traditionnelle tranhumance ovine du sud alors que nous ne sommes pas une capitale européenne de l'agriculture ! Notre projet comporte une dimension humaine importante, une dimension artistique, poétique. Nous avons pris une série de rendez-vous avec la Préfecture et les sous-Préfecture car la région compte beaucoup de zones naturelles, de parcs régionaux, nationaux…Il a fallu faire preuve de pédagogie. Il n'est pas possible d'avoir plus de 3000 chevaux ensemble. On nous a imposé des contraintes, nous avons réduit la cohorte, et nous n'avons jamais plus de 150 cavaliers ensemble sur un même lieu, pour la préservation de celui-ci", résume l'organisateur de MP2013.
Idem avec les communes, dont certaines redoutent une dévastation des sites, notamment à cause des concerts et des soirées planifiées au gré des bivouacs. "Mais nous ne restons jamais assez longtemps sur un lieu pour risquer des dégâts et puis nous valorisons le patrimoine des communes, en célébrant les fêtes traditionnelles, comme la fête du foin, de la cerise…" L'idée des crottins jonchant le sol rebute tout de même plus d'un maire, comme celui de Lambesc, qui refuse le passage encombrant des animaux.*** Mais encore une fois, assure Thierry Roche, "même si l'on peut rester plusieurs jours sur place, on ne reste pas assez longtemps pour polluer les nappes phréatiques."
Outre la pollution des sols, la question sanitaire se pose tout particulièrement avec les animaux. Et même si cela n'a, a priori, pas grand-chose à voir, l'organisateur glisse que "l'actualité n'a pas aidé dernièrement avec les histoires de viande de cheval retrouvée dans des lasagnes…" Afin d'éviter tout risque d'épidémie, une quarantaine a été appliquée pour les chevaux, les moutons ou les vaches. Les troupeaux d'Italie, du Maroc et de Provence ne doivent pas être mélangés et les bêtes, inscrites à l'avance, sont contrôlées chaque jour par des vétérinaires. Lors de leur inscription obligatoire et anticipée au minimum plusieurs semaines à l'avance, un formulaire atteste des vaccinations notamment contre la grippe et la rage, et les chevaux doivent être identifiés. Sabine Soumille, directrice du Ranch des marais ajoute que des accompagnateurs diplômés vérifient en amont que les chevaux sont aptes à la vie en groupe et que "les randonneurs ont des comportements corrects avec leur monture. Certains veulent louer un cheval comme une voiture".
Mal de mer
Dans ce souci de bien traiter les animaux, le transport des chevaux d'Italie et du Maroc se fait exclusivement en camion, dans la mesure où, surprise, les chevaux ont le mal de mer… Autre élément insolite à gérer, le respect de la différence et la nécessité de faire preuve de diplomatie. "Les trente-trois cavaliers marocains de fantasia (ou Tbourida), ne sont pas des artistes, la fantasia est un vrai rituel, une tradition équestre ancestrale et non du folklore. C'est très contraignant car on ne peut pas leur dire comme ça d'enfiler leur costume traditionnel et de traverser la ville…"
Pas question pour autant de transiger avec une discipline de fer, notamment lors de la traversée urbaine où il faut éviter les débordements. Car si les chevaux sélectionnés ont l'habitude de l'agitation, Sabine Soumille redoute que "les personnes à pied ne s'infiltrent dans le défilé pour mettre leurs enfants sur les croupes des chevaux ou slaloment avec les poussettes au milieu du cortège. En même temps, l'événement se veut populaire, on ne peut pas tenir la foule à 2 km". Thierry Roche enchérit, "il y aura un service d'ordre, le soutien des traceurs, une délimitation avec des cordes et une chaîne humaine pour éviter que les gamins ne courent partout mais on ne veut pas de barrières, ce n'est pas l'esprit du projet. Et puis, le projet se veut circulant, nous n'avons pas prévu d'endroits spécifiques pour s'arrêter et regarder passer les chevaux."
Un projet populaire, donc, même si le prix d'inscription pour les cavaliers peut paraître élevé (jusqu'à 595 euros pour l'une des randonnées). Mais pour une seule journée de randonnée sans bivouac, il faut compter seulement 30 euros (cheval non compris) et la randonnée de Marseille est gratuite. Au regard de la logistique lourde, des bivouacs, du transport des bagages et des bêtes, des paddocks et du foin pour les chevaux, Sabine Soumille estime qu'il faut relativiser : "bien sûr, c'est un peu élevé pour le commun des mortels, mais le prix est en rapport avec la prestation." Les transhumants peuvent aussi accompagner à pied les cavaliers, les rejoindre lors d'une soirée ou participer à la réalisation d'un "animaglyphe", qui, photographié, sera édité dans un livre d'art. Alors que des milliers de chevaux piétinement en attendant le départ prévu dans quelques semaines, Il est encore temps d'enfiler son pantalon de guardian pour descendre vers la capitale.
>>Actualisation à 20 h 30 : Les cavaliers marocains ne viendront finalement pas. Selon Jean-François Chougnet, directeur de Marseille-Provence 2013, ce volte-face proviendrait de l'office national du tourisme marocain. La raison invoquée ? L'espace de promotion de l'artisanat marocain ne serait pas assez important… "Ils auraient carrément voulu un village d'artisanat mais nous, nous voulions justement quelque chose de pas trop touristique, dans l'esprit du bivouac. C'est trop tard désormais pour négocier, car les chevaux marocains devraient déjà être en quarantaine". Un peu moins de Méditerranée dans l'année capitale.
***Actualisation le 17 avril : Jacques Bucki, le maire de Lambesc a réagi à la lecture de l'article, assurant sa participation à Transhumance : "nous avons toujours montré une très forte volonté d'accomplir la Transhumance et plus largement d'accueillir les manifestations de Marseille-Provence 2013. Il est faux de dire que nous avons rejeté le passage des chevaux sur notre commune. En réalité, voici ce qui s'est passé : nous avions trouvé un premier lieu sous la pinède, près d'un moulin. Or une nappe phréatique est située exactement sous ce moulin, qui alimente la commune en eau. Il était donc impossible de faire passer la Transhumance sur ce lieu. Mais nous avons trouvé un autre lieu, sous la pinède lui aussi. Transhumance passera bien à Lambesc."
Commentaires
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C’est dommage pour les cavaliers marocains, surtout par la raison invoquée… Décevant.
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Très déçue concernant le retrait des cavaliers marocains. C’était une bonne occasion de rapprochement avec le Magreb dans le cadre de MP 2013. Dommage !
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Les chevaux marocains ne viennent pas !!!
c’était pourant l’occasion de lier des liens autres que les allocations et aides diverses
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Déçu mais ça me conforte dans l’idée que Capitale de la Culture n’est qu’à vocation financière et touristique.
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nous devons rendre a mpm2013 un vibrant hommage
n en deplaise a quelques esprits chagrins mpm apporte dans son audace langagiere un nouveau mot a la langue française avec
ANIMALGLYPHE
en effet il eut ete preferable d utiliser le terme de ZOOGLYPHE conforme a une vieille regle
mais la saluons l audace de ceux qui ont cree ce neologisme
repris par mpm2013 europeenecapitale de la culture
avec ce beau monde trissotin bouvard et pecuchet vivent encore
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