Coin-Joli, le procès des résidences fermées

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le 11 Mar 2014
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Coin-Joli, le procès des résidences fermées
Coin-Joli, le procès des résidences fermées

Coin-Joli, le procès des résidences fermées

L'ambiance était surchauffée ce mardi matin dans la petite salle d'audience du tribunal administratif, pas franchement pleine pour le procès d'un phénomène marseillais, la fermeture de pans entiers de la ville, repliés sur des copropriétés garnies de portails, digicodes et caméras. L'histoire du jour se conte à Coin-Joli, un lotissement de Sainte-Marguerite dont les pavillons forment un îlot résidentiel bordé d'une école et d'un collège du même nom. Depuis la fin 2012, l'association qui gère la copropriété a entrepris de fermer les voies publiques dont elle a la jouissance pour éviter qu'elles soient empruntées par les élèves et les riverains des environs.

Cette fermeture et l'enclavement qu'elle entraîne a provoqué la colère de certains riverains et parents d'élèves de l'école qui se sont très tôt mobilisés en alertant l'autorité communale. Ce sont eux qui ont décidé de saisir la justice pour empêcher l'association des propriétaires de Coin-Joli, l'ASA (association syndicale autorisée) de mettre en oeuvre la fermeture des trois dernières voies ouvertes* du lotissement.

En défense des propriétaires, Me Angèle-Josée Bresciani-Paoli opte pour une stratégie offensive. Les gens de Coin-Joli sont incompris, le but pour eux est d'obtenir "la tranquillité dans cette enceinte privée, et non l'isolement comme on peut entendre. Une propagande éhontée existe, une agitation a lieu autour d'un faux problème, des colotis sont agressés". Rien de moins. Très remontée contre les interventions intempestives du public constitué principalement de requérants, Me Bresciani-Paoli n'a pas hésité à les qualifier de "cohorte", fustigeant au passage la presse et la récupération politique en période de municipales, avec la présence dans l'assemblée de Nathalie Pigamo pour le PS.

"Bunkérisation du quartier"

Loin de ces préoccupations électorales, les riverains des résidences environnantes dénoncent ce qu'ils nomment une "bunkérisation" du quartier. Une clôture s'érige progressivement entre les résidences d'habitat social comme la Cravache et le lotissement privilégié de Coin-Joli. Surtout, les requérants dénoncent une fermeture progressive de l'ensemble des voies de circulation qui contraint les enfants à effectuer de larges détours par le boulevard Gustave Ganay et la rue Augustin Aubert, très fréquentés des automobilistes et aux trottoirs étroits.

La dernière décision de l'ASA qui a déclenché ce recours en référé suspension prévoit d'installer une grille le long du trottoir qui mène à l'école, avenue Alfred Nicolas – seul accès pour les personnes à mobilité réduite – et de fermer ainsi les trois rues encore ouvertes à la circulation, bien que déjà entravée par d'anciens plots. L'autre possibilité envisagée consisterait à fermer les trois rues par des portillons, ouverts à l'heure des entrées et sorties d'école. Deux scénarios provoquant la colère des riverains. 

Sans surprise, l'insécurité est présentée le moteur de cette décision de clôture du lotissement. Et notamment une série de cambriolages qui pour l'heure n'a pas été confirmée, comme l'a rappelé Benoît Candon. "Ces cambriolages ont lieu quand les gens passent, en plein jour, car dans la foule, on les remarque moins. Et des voitures sont abîmées, des vitres caillassées" a argué Me Bresciani-Paoli. Aussitôt moquée par son confrère qui a lancé en aparté "c'est les enfants !" avant de rappeler à la présidente Anita Haasser les conclusions de l'étude du laboratoire population environnement développement (LPED). Cette équipe de chercheurs a cartographié l'ensemble des résidences fermées à Marseille. Ce phénomène fréquent dans d'autres pays du monde affecte l'ensemble des arrondissements de la ville dans un écheveau juridique complexe entre propriété privée et publique. Et leurs études démontrent que ce phénomène progresse. Il concerne désormais 20 % des résidences à Marseille. "Coin-Joli préfigure un peu la configuration futuriste de Marseille qui fait froid dans le dos. Si l'on a peur des enfants où va-t-on ?", commente Me Candon.

Enceinte privée

Sur le fond, a soutenu Me Bresciani, monopolisant la parole, le lotissement de Coin-Joli serait une enceinte privée, et "l'ASA a le droit de se préoccuper de la gestion de son lotissement. De plus, des badges ont été donnés à l'école pour débloquer les portes déjà existantes en cas d'urgence. Certains disent qu'ils ne fonctionnent pas mais c'est faux.  Et les autres cités autour de Coin-Joli se clôturent aussi !". Finalement, le vrai responsable, a poursuivi l'avocate serait "la Ville. Les trottoirs trop étroits sont le fait de la Ville qui ne les élargit pas." Sollicitée par les riverains et les parents d'élèves, la mairie a laissé entendre qu'elle allait intervenir, adressant une lettre à l'ASA le 25 juin 2013 et leur demandant d'organiser une réunion avec l'ensemble des partenaires en vue de "répondre aux attentes des colotis tout en prenant en compte les contraintes de l'école communale." Proposition qui n'a pas été suivie.

"L'affaire est extrêmement simple", a plaidé un Me Candon visiblement agacé par l'attitude de sa consoeur qui l'a coupé tout au long de l'audience. Nul besoin pour lui de longues démonstrations dans la mesure où le lotissement est régi par un cahier des charges en vigueur depuis 1928. Or celui-ci stipule, cite l'avocat, que "le sol des rues et places sera perpétuellement ouvert à la circulation publique et que la propriété privée de ces voies n'est que provisoire, celles-ci devant revenir à la Ville de Marseille sur simple demande de sa part." En attendant la décision du tribunal, rendue dans les prochains jours, les riverains regrettent : "A Coin-Joli, il n'y a plus d'enfants. C'est sûr que c'est calme. C'est mort."

*l'avenue de Tahure, l'avenue Alfred-Nicolas et l'avenue Marcel-Koch.

 

 

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    La gauche dans ce secteur en est reduite à assister à des procès pour tenter d exister… Pathétique … Je croyais Nathalie Pigamo un peu plus intelligente… Mais bon je me suis trompée …

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  2. hdek hdek

    j’ai grandis dans ce quartier au parc sevigné et au trioulet mes meilleurs amis etaient de la cravache ou des villas autour de l’ecole coin jolie et tous ensemble on se gavé de bonbon a la “papeterie verte” l’amitiée est restais . . . mais les temps ici on changé: defiance ,soupsons, haine, absence totale de mixitée sociale. c’est affligeant Mais la loi est la loi et la ville doit la faire respecter POINT FINAL !

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  3. Anonyme Anonyme

    Ces pseudo lotissements ont des rues avec des plaques de la ville de Marseille,ce sont des rue comme les autres tout simplement…pour leur pseudo tranquillité qui ne les mettent à l’abri de rien et surtout pas des vols,la circulation dans ce quartier est devenu un enfer!!!…c’est un pur scandale..je suis pompier et ce phénomène ne touche pas que Marseille,c’est l’enfer pour intervenir,les ouvertures sont récalcitrantes et il faut parfois téléphoner au requérant pour qu’il vienne ouvrir,s’il fait un arrêt cardiaque juste après avoir téléphone au samu,ben tant pis..si un des ces jours une maison brûle et qu’on perd du temps pour ouvrir,ces citoyens si respectueux seront les premiers a avoir l’outrecuidance de porter plainte…que la ville agisse ça suffit ce sketch….

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  4. savon de Marseille savon de Marseille

    Il y a que le cadastre qui peut orienter les conclusions du Tribunal : les rues ??? : ou sont les numéros des lots publics ? ou sont les lots privés ? Il y a les servitudes ? : qui sont les fonds servants ? Qui sont les les fonds dominants ?

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  5. Le 3ème Luc Le 3ème Luc

    Les municipalités qui se sont succédées ont toujours refusé d’intégrer les voies “privées” dans la voirie municipale alors qu’elles en avaient la possibilité,car cela leur permettait de ne pas les entretenir (Voir l’état de certaines rues).
    On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

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  6. Anonyme Anonyme

    Ou les voies sont declarees voies privées ou voies publiques si les voies sont privées ou est le problème si il y à une servitude publique il doit y avoir contrepartie financière.
    Je vient du 62 et le conseil municipale avait interdit de clôturé les propriétés nouvellement construites ceci est une violation du droit de propriété .

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