[Mazargues, un village dans la campagne] La victoire est certaine
La rue Émile-Zola et l'église de Mazargues (Photo : CV)
Après la justice et la culture, Michel Samson poursuit son compagnonnage journalistique avec Marsactu. Dans cette nouvelle chronique, il regarde la campagne présidentielle depuis le village de Mazargues. Ancré à droite, malgré un vieux fond de gauche, à la lisière de quartiers populaires, le quartier natal de Jean-Claude Gaudin est son nouveau terrain d’exploration. Pour ce dernier épisode avant le premier tour, les militants jettent leurs dernières forces dans la bataille.
Les Hauts de Mazargues-La Cayolle, à gauche du chemin de Sormiou, sont peut-être le vrai centre de Mazargues. En tous cas, rue Emile-Zola, boulevard de la Concorde ou près de l’église les actions militantes semblent se faire rares. J’aurais vu une fois les militants socialistes soutenant Benoit Hamon distribuer leurs tracts place Robespierre il y a trois semaines. Ces derniers jours de campagne, rien. Les activistes du Front National sont, samedi, dans les rues de la circonscription du 9/10, comme tous les samedis matin, mais ne passent manifestement pas par Mazargues. Quant aux partisans de François Fillon, ils m’ont averti de leur choix : ce samedi ils iront boiter et tracter « dans le huitième, chez Tian ». Ils ont en effet constaté que ce secteur de la ville, qui leur est pourtant favorable, avait été délaissé tandis que Mazargues et le neuvième arrondissement avaient été bien couverts par des boîtages et tractages.
C’est devant « le Leclerc de Sormiou », donc aux Hauts de Mazargues-La Cayolle, que se sont déroulés quelques-uns des derniers sprints de la campagne. Jeudi soir les militants En Marche de Macron, y ont rendez-vous. Autour de l’ex-élu du Modem Michel Collet-Fenetrier, deux retraités acharnés, dont l’un est un ancien élu socialiste du département, qui habitent le coin. Et un jeune prof de droit qui a été jeune socialiste. Ils venaient diffuser un 4 pages titré « On est comme vous, on n’y croyait plus » détaillant “les dix raisons (…) pour lesquelles nous allons voter pour Emmanuel Macron”.
“Qu’est-ce qu’il va faire pour les ouvriers, Macron ?”
Postés à la sortie des voitures puisque l’immense parking de la grande surface est privé, ils profitent des fenêtres ouvertes par le printemps pour donner aux conducteurs leur flyer. En général bien reçus, avec quelques approbations orales ou des sourires dont ils se réjouissent –comme tous les militants qui savent pourtant que cela ne signifie rien en termes de vote… Comme toujours les électeurs supposés partisans du FN semblent les plus hostiles en refusant le tract. Mal rasé, expliquant avoir bu, un homme usé s’approche d’eux pour les questionner, avant d’expliquer en balbutiant un peu qu’il est lui “Mélenchon…”. “Qu’est-ce qu’il va faire pour les ouvriers, Macron, lui, il a fait l’ENA… ?” Inconvénient de ce genre de rencontres, l’homme s’incruste dans le petit groupe, devenant par moments presque hostile et lançant qu’il est “force ouvrière parce que Mélenchon”.
Le lendemain, onze militants de la France Insoumise ont aussi rendez-vous devant le Leclerc… Les voitures vont se garer sur le terrain vague en face : les conducteurs collent sur leurs vitres arrière et latérales des grandes affiches arborant le visage de leur candidat Jean Luc Mélenchon. Ces militants du 9e et du 10e arrondissement préparent la caravane de la journée qui traversera “toutes les cités de la circonscription, de La Cayolle, à la Soude jusqu’à la Fourragère, c’est là qu’on cassera une graine”. “On l’a déjà fait cet été, on était les seuls sur le terrain à cette époque”, me confie Jean-Marc Cavagnara. Au programme : “discussions, inscriptions, rencontres”.
Sur “un air de jazz”
Premier arrêt des sept voitures Boulevard de la Calanque : Véronique Mavros, chanteuse professionnelle, installe son petit matériel et commence “par un air de jazz”. Quand elle attaque la samba Corcovado, les distributeurs “vont rencontrer des humains”, plaisante l’un d’eux. Ils sont assez rares en effet à 10 heures du matin. Jean-Marc, élu d’arrondissement et éternel optimiste, me dit que le responsable comorien avec qui il vient de bavarder lui a dit “qu’ils avaient bien discuté et qu’ils allaient voter Mélenchon”.
Béatrice, elle, vient d’entamer une conversation avec une dame à la porte de son petit jardin de HLM reconstruit par la Logirem. Voile sur la tête, elle ne peut voter n’étant pas de nationalité française alors qu’elle vit ici depuis 30 ans. Son fils est français et, ravie, elle explique : « Il vote, bien sûr, et mes deux filles aussi ! ». Le jeune fils Mohamed, 26 ans, ingénieur, entame la conversation : il suit la politique de près et connait tous les programmes. Il dit hésiter, “comme beaucoup de mes amis, entre Macron et Mélenchon”. Explique qu’il ne faut pas trop “attaquer les entreprises”, est en désaccord avec ce que Mélenchon dit sur l’Europe. Béatrice, qui connaît le programme de son héros sur le bout des doigts, répond, explique, argumente : trente minutes de conversation programmatique boulevard des Calanques à la Cayolle ce samedi matin. Saluant ses interlocuteurs, Béatrice leur donne évidemment le 4 pages de propagande et un petit album de bande dessinée “purement bénévole” L’avenir en commun.
La caravane poursuit sa route jusqu’à La Soude, ce quartier neuf qui jouxte l’ancien Mazargues où elle fait sa deuxième halte. Même installation, même dispersion des militants alentour…
Et puisque l’église de Mazargues est le seul lieu de réunion publique dans le quartier, je vais à la « Messe rock » tenue le dimanche de Pâques, sept jours avant le premier tour de la présidentielle. L’église est comble, 500 personnes assises, de nombreux paroissiens, enfant au bras, debout. Trois chanteurs, deux guitaristes et un percussionniste animent cette messe enthousiaste où on baptise et applaudit en chantant. Et j’entends cette phrase : « La victoire est certaine ». Elle n’est pas prononcée par Didier Réault, élu LR, qui sort de la messe en poussant son bébé dans son cosy à roulettes. Ni par Bernadette, la paroissienne que j’avais rencontrée quand elle distribuait des tracts pro Macron devant le métro Dromel. Non, ces quatre mots sont les derniers qu’écrivit un prêtre catholique opposé au nazisme à un confrère et ami anglican, juste avant son exécution. Ils sont rappelés par le père Philippe Barrucand, lors d’une courte homélie pendant laquelle il salue la « conscience » de ce prêtre antinazi dont il honore le courage.
Géographie électorale de la Cayolle
Qu’est-ce que Mazargues ? Lorsque nous avons arrêté avec Michel Samson son terrain d’observation de la campagne présidentielle, la question s’est posée d’emblée. Si l’on suit l’orthodoxie des fameux 111 quartiers de Marseille, Mazargues compterait environ 17 000 habitants sur un périmètre englobant une bonne partie du boulevard Michelet et poussant à l’est jusqu’à Valmante (voir cette carte).
À 2 kilomètres à vol d’oiseau de l’obélisque, la Cayolle n’en fait pas officiellement partie, Hauts-de-Mazargues ou pas. Mais avec ses 45 % pour François Hollande en 2012 (Marine Le Pen plafonnant à 12,5 %), le bureau 956 offre un éclairage intéressant dans ces quartiers Sud souvent présentés comme un tout acquis à la droite. Quant au bureau 978, il reste à gauche et fait mentir la tendance au vote FN fort des zones pavillonnaires autour d’une cité.
Julien Vinzent
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