Cette année la guerre du thon n'a pas eu lieu
Cette année la guerre du thon n'a pas eu lieu
13500 tonnes, c'est le TAC (taux autorisé de captures), de thon rouge dans l'Atlantique nord-est et la Méditerranée en 2013. Cette décision a été prise lundi par les représentants d'une quarantaine de pays et plus de 500 participants qui se sont réunis toute la semaine semaine dernière à Agadir au sein de l'Iccat, la commission internationale pour la conservation des thonidés. Cette organisation internationale a pour mission de gérer au mieux les stocks de thons rouges et d'autres espèces "apparentées" d'autres grands poissons pélagiques, comme les thons germons, les bonites, les espadons, les marlins, mais aussi des requins. Elle met pour cela en place des procédures statistiques de comptage, de suivi de ces poissons et le cas échéant de contrôles et de quotas de pêche.
Le thon rouge en est l'espèce la plus emblématique, et a donné lieu ces dernières années à des chicayas, parfois très violentes, entre des ONG environnementales et des pêcheurs professionnels méditerranéens, dont le chef de file est le Marseillais Mourad Kahoul. Les premiers souhaitant interdire totalement sa pêche, et l'inscrire sur la liste des espèces en danger d'extinction, les seconds hurlant aux délires écologistes. Cette année, la pression est largement retombée. D'abord parce qu'aujourd'hui tout le monde est à peu près d'accord pour reconnaître que les thons rouges sont de nouveau très présents en Méditerannée.
Quelques-uns de ces grands poissons de plusieurs dizaines de kilos ont d'ailleurs été vus à plusieurs reprises cet été et cet automne presque à l'entrée du Vieux-Port à la poursuite de bancs de sardines ou de maquereaux. Les membres de la commission scientifique de l'Iccat l'ont confirmé en publiant récemment une étude avec des chiffres qui sont pour la première fois très encourageants : "Il a été reconnu que le stock s'est amélioré plus vite que prévu, notamment si l'on considère que, 5 ans plus tôt, celui-ci était menacé d'effondrement", concluent ces experts dans ce rapport qui a été utilisé comme base de discussion aux négociations de l'Iccat.
Consensus
Les scientifiques restent néanmoins prudents car ces chiffres, qui seront à apprécier dans la durée, sont fragiles et pas forcément très précis, considérant que pendant très longtemps les prélèvements de thons rouges par les pêcheurs ont été largement sous déclarés. Du coup il est difficile de connaître avec précision l'état réel de la population de ce poisson qui peut en plus naviguer entre la côte est américaine et la Méditerranée où il vient se reproduire.
En tout cas les ONG et ces scientifiques y voient l'efficacité des stricts quotas mis en place depuis 2010, et ont recommandé aux membres de l'Iccat que malgré ces bons chiffres, ils puissent être maintenus au moins au même niveau qu'en 2011, 13500 tonnes annuelles, voire comme en 2012 à 12900 tonnes. Même si quelques pays du sud de l'Europe ont tenté de mettre la barre un peu plus haut, l'Europe – pour une fois – s'est vite mise d'accord sur un quota de 13500 tonnes. Les pêcheurs n'ont pas bougé, et le Japon, le pays le plus concerné puisque 80% des thons rouges péchés en Méditerranée finissent dans ses sushis shops, non plus, ces TAC permettant aussi de maintenir des prix élevés et donc une belle marge pour tous les acteurs du tuna business…
Cages géantes et trafic au Panama
Le WWF, une des ONG les plus en pointe sur le sujet, s'est immédiatement félicitée de cette décision. Même si elle regrette au passage que l'Iccat ne mette pas suffisamment de moyens dans la lutte pour la pêche illégale. Ils dénoncent notamment les fermes d'engraissement, ces cages géantes où des milliers de thons rouges préalablement capturés via des senneurs (filets géants) sont engraissés plusieurs semaines et sont ensuite revendus, là aussi principalement au marché japonais. Le WWF soupçonne que le nombre de thon qui est déclaré à l'intérieur de ces cages soit largement sous estimé et réclame qu'elle puisse être équipées de caméras qui permettraient un comptage automatique.
L'ONG a aussi dénoncé récemment un trafic de thon rouge vers le Japon qui passerait par Panama, et une autre ONG, Pew Environment Group a également publié l'an dernier une étude montrant que les thons commercialisés sur la marché japonais étaient beaucoup plus nombreux que ceux déclarés péchés. Des accusations largement contestées par les pécheurs professionnels. Difficile d'y voir clair. Mais ce qui semble aujourd'hui incontestable, c'est que les thons n'ont pas disparus de Méditerranée et que les limitations de pêche doivent y être pour beaucoup.
Espadon et requin taupe
Derrière ce très médiatique poisson, d'autres espèces sont en revanche tout autant, voir plus menacées, et prennent moins les feux de la rampe. Cet été, dans une interview à Marsactu, le directeur international de Blackfish, une ONG qui débarquera en Méditerranée l'année prochaine, le reconnaissait : "C'est vrai que c'est un problème que les gens se concentrent sur le thon rouge – ou les dauphins, les baleines – alors qu'il y a d'autres espèces, comme l'espadon, qui sont en danger. Nous devons avoir une vision plus large, la biodiversité est un ensemble de relations. Les requins sont par exemple très importants en Méditerranée. Il faut aussi mener des combats moins populaires".
La mauvaise image de ces derniers n'aide certainement pas, et certaines espèces comme le requin taupe sont, selon le comité scientifique de l'Iccat en danger, car trop péchées. Dans un communiqué publié lundi, l'Iccat a annoncé que "les mesures de gestion et de conservation actuelles des requins seraient renforcées". Autre très grand poisson de la Méditerranée : l'espadon, dont il est encore plus difficile de connaître l'état exact du stock faute d'informations précises, notamment en terme de captures. Même si depuis 2002 les filets dérivants ont été interdits, de très nombreux Xyphias gladius continuent d'être capturés chaque année et notamment des juvéniles, qui n'ont pas eu le temps de se reproduire, et qui constitueraient entre 50 et 70% des prises.
L'Iccat a promis qu'une étude plus précise sur l'état du stock serait faite l'an prochain, et de son côté le WWF a demandé qu'on puisse connaître avec précision le nombre de bateaux qui sont autorisés à pécher l'espadon en Méditerranée, qui seraient beaucoup plus nombreux que ceux en réalité autorisés. Rendez-vous en 2013 au Cap, pour la prochaine réunion de l'Iccat.
Commentaires
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Les ignorants et les insouciants qui crient haro sur les écologistes, ne savent pas ce qu’ils leur doivent.
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Tant qu’il y aura des filets il y aura une gestion des stocks à imposer vu l’irresponsabilités de certains artisans ( pas tous). Il faudrait aussi parler un peu des braconniers qui ont pour certains quasi les mêmes moyens et ne sont pas soumis aux mêmes lois. La seule solution c’est qu’il y ai des contrôles permanents par la gendarmerie car quand des gugus se seront fait bousiller ça donnera à réfléchir aux autres et peu à peu on verra des comportements plus responsables. Vous vous imaginez sans flics sur la route? Le bitume serait un vrai continental circus. Il faut que sur l’eau il y ai aussi la crainte de se faire coincer, par ce que là…c’est le bordel.
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