Autour de la crèche de la Busserine, les institutions négocient et les habitants fatiguent

Actualité
le 31 Oct 2019
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Les habitants du quartier de la Busserine (14e) s'inquiètent du maintien de la crèche de l'Oeuf, dont le gestionnaire actuel doit déménager en septembre 2020. De leur côté, les institutions, département et bailleur, sont en pourparlers au sujet du contexte sécuritaire complexe de la crèche.

Photo Julie Le Mest
Photo Julie Le Mest

Photo Julie Le Mest

L'enjeu

Les habitants de la Busserine se mobilisent pour le maintien de la crèche de l'Oeuf, au cœur de ce quartier. D'accord sur le principe, les institutions peinent à s'accorder sur les moyens.

Le contexte

Les Apprentis d'Auteuil, gestionnaire actuel de la crèche de la Busserine, quittera les lieux au printemps 2020. Le maintien d'une activité petite enfance doit tenir compte des trafics voisins

Ce matin du 29 octobre, ils sont une petite trentaine, au cœur du quartier de la Busserine (14e), rassemblés devant la crèche de l’Œuf, pour appeler à son maintien. Cela deviendrait presque une habitude. En juin 2018, les Apprentis d’Auteuil, gestionnaire actuel de la crèche, a annoncé son souhait de quitter ces locaux. Pour des raisons de sécurité principalement, la crèche se trouvant à côté d’un point de deal. Et non loin de l’endroit où ont eu lieu les tirs de kalachnikov du 21 mai 2018 (lire notre article sur les conséquences de ce fait-divers).

Laisser un service public faire place aux dealers ? Pas question pour les parents et le groupe de veille de la Busserine, rassemblement informel d’habitants et associatifs du quartier, qui se sont alors mobilisés, rencontrant une oreille attentive de la part de la préfecture, du groupement d’intérêt public Marseille rénovation urbaine et de la Ville. Avec succès. Si l’actuel gestionnaire va bien quitter les lieux pour rejoindre l’extension d’une de ses crèches, cité Corot (13e), en 2020, les institutions confirmaient en janvier le maintien d’une activité de crèche à l’Œuf.

Seulement voilà, après des mois de tractations et de réunions, deux courriers ont jeté le trouble. Le département, compétent sur les questions d’agrément des crèches, et Habitat Marseille Provence, propriétaire du bâtiment, expriment leur réticence au maintien d’une activité dans les locaux actuels. Ce que confirme un courrier signé par Martine Vassal en date du 30 juillet, tout en rappelant un attachement de principe “au maintien des services publics au cœur des cités”,

“les services m’ont régulièrement alertée sur les difficultés de fonctionnement de cette crèche située dans un quartier « sensible ». La sécurité des enfants et des personnels reste précaire malgré les mesures prises, en lien et avec le concours de l’État. Encore récemment, le personnel de l’établissement a mis en cause le maintien de l’agrément au vu des conditions d’insécurité qu’ils jugent inacceptables. (…) II est nécessaire de réfléchir à la relocalisation de cet établissement d’accueil dans un endroit plus sécurisé au sein même de la Busserine comme il a été fait pour la crèche municipale.”

À la suite du département, Habitat Marseille Provence s’est également positionné début octobre pour la recherche d’un nouveau local : “L’organisme ne saurait (…) engager une maîtrise d’œuvre et des investissements considérables (estimation 600 k€) sans garantie que le processus aboutisse à un agrément.”

Et voici donc le groupe de veille, des habitants et des soutiens, à nouveau debout devant la crèche. “Le groupe de veille refuse ce nouveau recul, refuse que les habitants soient pris en otage et freinés dans leurs démarches d’insertion professionnelle ! Nous ne laisserons pas fermer la crèche de l’Œuf !, s’exclame Céline Burgos, habitante du quartier, chargée avec Yamina Mahyoub de lire le communiqué. “La crèche, c’est le symbole de la mobilisation des habitants, de la vie sociale dans le quartier”, appuie Anne-Marie Tagawa, cheville ouvrière du groupe.

600 000 euros de travaux et pas de garantie d’agrément

Depuis des mois, le groupe de veille est associé au travail de la brochette d’acteurs mobilisés sur le projet : préfecture, ville, politique de la ville, MRU, HMP, département, CAF… Et notamment aux projets de réaménagement du bâtiment.

“On a découvert que la crèche n’est plus aux normes, le renouvellement de l’agrément se fait à titre exceptionnel depuis des années”, explique Guillaume Sèze, directeur du centre social l’Agora. Actuellement, la crèche n’accueille donc plus de tout petits, uniquement les tranches d’âge supérieures. Au départ des Apprentis d’Auteuil, entre avril et juillet 2020, il faudra de toutes façons fermer pendant un an pour une remise aux normes. Un projet qui doit permettre d’améliorer la sécurité des accès et réduira le nombre de places de 35 à 24 berceaux, a été établi cet été par MRU avec le bailleur HMP et un cabinet d’architectes.

Au printemps, les mêmes ont lancé un appel à projet, pour identifier les structures susceptibles de reprendre le flambeau après le départ des Apprentis d’Auteuil. Et ont reçu quatre réponses, preuve que l’emplacement de la crèche n’effraie pas tout le monde. “Ce sont de grosses structures associatives, qui ont l’habitude de travailler dans des quartiers difficiles, y compris de gérer des accueils petite enfance”, précise Anne-Marie Tagawa. La démarche a été présentée au département dans un courrier daté du 21 mai 2019, signé par Arlette Fructus pour MRU et Catherine Chantelot, adjointe à la petite enfance et crèche à la Ville de Marseille. Mais le département n’a pas suivi les recommandations municipales…

Une amélioration de la sécurité

Douche froide pour le groupe de veille. “On nous fait des promesses d’un côté, on les défait de l’autre : qu’est ce que ça veut dire ?”, soupire Guillaume Sèze. “On se sent bafoués, trahis”, considère de son côté Céline Burgos. “S’il y a un danger à maintenir la crèche, tout le pôle, école, stade, est en danger, tous les habitants sont en danger, il faut tous nous délocaliser !” Car si des questions de sécurité continuent à se poser régulièrement dans le quartier, elles ne sont plus cristallisées, comme elles ont pu l’être, autour de la crèche. Le porche, à proximité immédiate, qui abritait l’activité de deal est aujourd’hui cloisonné par une grille et le point de vente s’est déplacé à un autre endroit de la cité. “Il y a des passages réguliers des médiateurs de l’Adelies, il y a aussi eu des interventions policières”, décrit Anne-Marie Tagawa.

Le sentiment d’une amélioration sur ce point est partagé par les partenaires institutionnels. “Depuis l’été 2018, aucun événement notable n’est venu perturber le fonctionnement de la crèche”, indique la préfecture, s’appuyant sur les informations recueillies par la déléguée du préfet auprès du personnel de la crèche et des familles. Bruno Galy, directeur PACA des Apprentis d’Auteuil, n’a pas non plus connaissance d’événements problématiques récents. Et même le département, dont le courrier, cet été, était beaucoup plus pessimiste, nuance son propos. “Entre le moment où nous avons envoyé le courrier et aujourd’hui, il y a eu une évolution positive”, commente Brigitte Devesa, conseillère départementale déléguée à la PMI et à l’enfance.

Les institutions accordent leurs violons

Plus de position de principe de son côté sur l’implantation de la crèche, en tout cas. “Il n’est pas question de supprimer l’agrément, qui est toujours là pour les Apprentis d’Auteuil, détaille Brigitte Devesa. En 2020, il y aura nécessairement une nouvelle demande d’agrément par la structure choisie, et on verra. Si tout est en ordre et que les procédures sont respectées, il n’y a aucun intérêt de supprimer. On est dans notre rôle.”

De fait, la question pour les institutions semble essentiellement être d’accorder leurs violons. Dans les locaux actuels ou ailleurs, elle ne devrait pas quitter la cité. “On est en train de travailler, résume l’élue de la ville Catherine Chantelot. Nous à la Ville, on est sur une position de maintien, dans la mesure où on peut maintenir une activité sécure, agréée. On accompagne, financièrement, les équipes. C’est notre rôle. Mais l’agrément, ce n’est pas nous, les locaux, ce n’est pas nous… On est nombreux autour de la table et il faut qu’on partage tous le même diagnostic.”

On veut qu’il y ait des positions officielles, explique Anne-Marie Tagawa. S’il y a des auditions des quatre porteurs de projets, que va-t-on leur dire ?” Le groupe n’est pas, dans l’absolu, opposé à l’idée d’un déplacement de la crèche dans un autre lieu, à la condition expresse qu’il soit dans la cité. “On en entend parler depuis le début. Mais pour nous, ce n’est pas une solution, parce que pour l’instant il n’y a rien de proposé !”

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