Antigone, "Résister, c'est se tenir debout"

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le 26 Avr 2012
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Antigone, "Résister, c'est se tenir debout"
Antigone, "Résister, c'est se tenir debout"

Antigone, "Résister, c'est se tenir debout"

"C'est une tragédie, alors on meurt à la fin, c'est comme ça les tragédies…" Sur la scène, entre les colonnes du majestueux théâtre des Bernardines, le clown espiègle Séraphin et deux anges gardiens musiciens (Lucie Botiveau et Hadrien Trigance) entament la distribution des rôles. Doucement, le glissement s'opère, le personnage tragique d'Antigone prend vie, sous les traits improbables et déroutants d'un clown au nez rouge. 

La compagnie Philippe Car de l'Agence des voyages imaginaires s'est inspirée de la pièce Antigone de Jean Anouilh."Nous avons rajouté des choses, interverti d'autres, puisé au besoin dans le grand sac de cette tragédie brûlante d'actualité, depuis Sophocle jusqu'à aujourd'hui." Car c'est un fait, le mythe d'Antigone, fille de Jocaste et d'Oedipe a traversé les âges sans souffrir de désuétude. Au royaume de Thèbes, les deux frères d'Antigone se sont entretués. Créon le roi décide d'offrir des funérailles à Etéocle, le héros consacré, tandis que la dépouille de Polynice, le traître désigné est jetée aux vautours, vouée à une éternelle errance. Quiconque transgresserait les lois du despote serait "impitoyablement" condamné à mort.

Antigone l'obstinée, l’entêtée s'oppose à la tyrannie de Créon, son oncle, asservi au pouvoir qu'il entend incarner. La jeune fille ne résiste pas au nom d'un idéal ou d'un héroïsme forcené. Elle dit non sans élever la voix, refuse l'absurdité d'une politique cruelle et arbitraire, maudit la compromission. Souhaite simplement enterrer son frère. Sa liberté de résister, antinomique avec la raideur du roi otage de son autorité, la conduira à l'extrême résolution, celle immédiate et définitive du suicide. "Résister, étymologiquement, c'est se tenir debout", murmure Séraphin.

Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte…Moi je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau, si j'ai été bien sage. Antigone d'Anouilh

L'effet d'un conte

Antigone, Créon et Séraphin sont joués avec brio par Valérie Bournet, aussi efficace en petit tyran ridicule, colérique et borné que dans le rôle de la jeune Antigone discrète et rêveuse. Les deux personnages, différenciés simultanément par un simple changement de nez, de couronne et de voix semblent dès lors appartenir à la même "machine infernale"- de Jean Cocteau. Plus précisément, selon Philippe Car, "Cela renforce le merveilleux, confère l'impression que nous possédons au fond de nous ces deux caractères complètement opposés, que l'on peut être l'un ou l'autre. Mais c'est aussi l'effet du conte narré à un enfant, lorsque tous les rôles sont racontés par la même et unique personne. Valérie Bournet nourrissait vraiment l'envie de croquer dans le gâteau en entier et d'incarner tous ces personnages."

Si l'humour et le merveilleux sont inhérents à la création, le metteur en scène rejette le qualificatif de burlesque. "Nous n'avons pas créé un numéro de cirque, mais davantage un conte raconté par des clowns. Il est rare de voir apparaître un nez rouge dans une tragédie, mais aussi autant de couleurs. C'est un vrai théâtre d'images !"

Florilège de couleurs, la création possède également une dimension sonore substantielle. La musique virtuose de Vincent Trouble, musicien permanent de la troupe, en partie jouée sur scène par les deux anges gardiens rythme la pièce, accompagne le tango d'adieu dansé entre Antigone et son fiancé Hémon, personnifié par un long manteau. "Il n'a plus de tête, il l'a perdu pour Antigone", justifie avec malice le clown Séraphin. Avec des décors somptueux, des trouvailles scéniques originales – tel le trône immense et démesuré de Créon, ou encore l'exubérance d'un garde monté sur un escabeau avec une main énorme – la pièce est un enchantement des sens, une immersion dans un univers onirique et fantaisiste.

La pièce sur Le chemin d'Antigone, est à découvrir au théâtre des Bernardines, 17, bld Garibaldi Marseille (1er) jusqu'au 5 mai, mardi et vendredi à 20 h 30, Mercredi, jeudi et samedi à 19 h 30. Tarifs: de 12 à 8 €. Renseignements et réservations au 04 91 24 30 40 ou reservations@theatre-bernardines.org

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