Voyages en Alcazarie : une volée de moineaux à l’espace Jeunesse

Billet de blog
le 28 Oct 2017
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image : Ben 8
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José Rose est sociologue et écrivain. C’est aussi un usager de l’Alcazar. Des mois durant, il s’est rendu dans la grande bibliothèque de Belsunce comme on se rend dans un pays lointain soudain si familier. Cette exploration est devenue un livre qui vient de paraître. Sur l’Agora de Marsactu, il publie en feuilleton des premiers épisodes de ce voyage.

Un matin à l’Espace jeunesse. Pour l’instant, ce vaste lieu est plutôt délaissé, école obligatoire oblige. Quand débarque soudain une volée d’enfants bruyants et toniques. Pépiements et caquètements de poulailler, cavalcade et bousculade, cris et coups de pattes : on se croirait à la sortie d’une école un vendredi soir. Pas étonnant, puisque c’est justement une sortie de classe. Les interjections fusent. Ouais ! Des romans ! Super ! Des vampires ! Les râlements aussi : J’ai chaud ! Ça m’énerve, il n’y a que des livres ici ! Et que pour les enfants ! On sent déjà la jeunesse à deux vitesses. Les lecteurs “commencent leur carrière à l’âge où les autres abandonnent la leur : vers huit, neuf ans” écrit Christian Bobin dans Une petite robe de fête. Les uns “se lancent dans la lecture et bientôt n’en finissent plus, découvrent avec joie que c’est sans fin” tandis que les autres… “Dans la lecture, on quitte sa vie, on l’échange contre l’esprit du songe, la flamme du vent. Une vie sans lecture est une vie que l’on ne quitte jamais”.

Les enfants turbulent ainsi de rayons en rayons, l’un se couche par terre pour feuilleter une BD, un autre cherche ses copains, un autre encore marmonne tout seul : Cherche ! Cherche ! Cherche ! Trouve pas. Trouve pas. Trouve pas ? Un petit groupe s’agglutine autour d’un ordinateur tandis que d’autres s’interpellent. Certains sont couchés sur les banquettes et causent du match de foot de la veille au soir.

L’un d’eux lance fièrement à la cantonade : c’est la première et la dernière fois que je vais dans une bibliothèque ! Une enseignante est assise parmi eux, regard perdu : c’est peut- être une mère accompagnatrice. Une autre les rappelle à l’ordre scolaire : Vous avez échappé à 1 h 30 de français mais on va carburer en rentrant pour rattraper le retard ! … Quel retard ? Bientôt, la lassitude gagne. On y va madame ? … Encore dix minutes et on rejoint le métro… On peut y aller tout de suite si vous voulez, comme ça on sera moins pressés.

“On ne force pas une curiosité, on l’éveille” écrit Daniel Pennac dans Comme un roman. “Le temps de lire, comme le temps d’aimer, dilatent le temps de vivre”, ajoute-t-il avant de décliner les droits imprescriptibles du lecteur, ceux de ne pas lire, de sauter des pages, de ne pas finir un livre, de relire, de lire n’importe quoi et n’importe où, de grappiller, de lire à haute voix… et de se taire.

Ce troisième épisode du Voyage en Alcazarie est tiré de l’ouvrage Scènes de vie en bibliothèque -Voyage en Alcazarie, paru aux éditions de l’Harmattan et disponible en librairie et sur le site des éditions.

 © Editions l’Harmattan.

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