Les cités du grand Saint-Barthélémy se font entendre dans le brouhaha des chantiers
Mobilisés depuis plusieurs semaines, des habitants du grand Saint-Barthélémy dénoncent les nuisances vécues au quotidien à cause des chantiers qui les entourent. Ils ont été reçus par la préfecture lundi qui leur a proposé de constituer divers groupes de travail. Les contestataires font le tour du quartier pour recueillir les doléances.
Les cités du grand Saint-Barthélémy se font entendre dans le brouhaha des chantiers
“Les hommes et les femmes de Picon, ce sont des guerriers et des guerrières !” L’heure était à l’auto-congratulation ce mardi matin dans les locaux de l’association de locataires de la Busserine (14e). Depuis près d’un mois, les habitants de la cité ont joint leurs forces à celles des habitants de Picon et de Saint-Barthélémy III pour dénoncer les nuisances dues aux travaux de la rocade L2 qu’ils subissent depuis des mois, voire pour certains des années. La fronde venue de Picon a gagné les bâtiments voisins. Après plusieurs actions coup de poing, des représentants d’habitants des 3 cités étaient reçus lundi en préfecture. La réunion de ce mardi visait à en exposer le compte-rendu, plutôt optimiste, aux autres habitants.
Le rendez-vous a été négocié âprement. Le collectif qui rassemble les protestataires a refusé d’être reçu en mairie par l’adjointe à l’urbanisme Arlette Fructus. “On veut voir les têtes !”, assume sans détours Fatima Mouassi, habitante de Picon dont la verve et l’énergie sont pour beaucoup dans l’élan actuel de la contestation. C’est finalement le préfet délégué pour l’égalité des chances, Yves Rousset qui a proposé de recevoir la délégation. Une première date a été jugée trop proche par le collectif, avant que celle du 30 mai soit arrêtée. “J’ai ouvert la discussion en rappelant cet historique et en expliquant qu’on ne pouvait pas continuer comme ça, alors qu’il y a une volonté de chaque côté de discuter”, précise Yves Rousset, qui a présidé la séance avec Arlette Fructus à ses côtés, mais aussi des représentants des bailleurs.
Un “temps d’échange” plutôt qu’un “tribunal populaire”
Les mobilisations récentes ont certainement pesé dans la balance. Après une première manifestation fin avril, le collectif a bloqué la circulation le 23 mai au matin sur le rond-point de Sainte-Marthe, avant de s’attaquer au chantier lui-même. La semaine dernière, le chantier de Picon a été interrompu par les habitants pendant quatre jours. Des arguments de poids pour entrer en négociations, bien que, le préfet délégué l’assure, ce premier rendez-vous a consisté plus en un “temps d’échange”, “sans préalables” qu’en un “tribunal populaire”. “On n’allait pas tout régler en une heure trente. Beaucoup de sujets on été abordés, allant de la réhabilitation des appartements, aux travaux de la L2, les espaces publics, la circulation, la sécurité, l’emploi, les malfaçons dans les travaux. Le patchwork est bien trop important”, poursuit Yves Rousset.
“Ils ont été entendus. On peut renforcer la concertation et j’y suis très favorable. Un comité de suivi va être mis en place, c’était leur souhait préalable, donc déjà sur ce point, nous sommes en accord”, constate à son tour Arlette Fructus, qui constate que des approximations circulent encore parmi les contestataires, comme le chiffre “surréaliste” de 39 000 euros, qui aurait dû être investi dans chaque appartement selon eux, un chiffre contesté depuis par le bailleur (voir notre article). Les habitants doivent désormais indiquer les thématiques à leurs yeux prioritaires afin que des séances de travail soient organisées en préfecture en présence des interlocuteurs adaptés (bailleurs, société de réalisation de la rocade L2, préfecture de police…). Les premières devraient avoir lieu dès juin et un point d’étape est prévu au mois de septembre.
“On n’a pas encore gagné, on est bien d’accord ?”
C’est une des raisons pour lesquelles se réunissaient les habitants, une bonne quarantaine, mardi matin. Et identifier les sujets prioritaires est loin d’être aisé, tant les doléances sont étendues et varient en fonction de la sensibilité de chacun, mais aussi et surtout du quartier, du bâtiment, voire même de l’étage. Très vite, les récits personnels affleurent de nouveau, assortis de nombreux appels à continuer la résistance. “Si l’échafaudage n’est pas parti cette semaine, je leur interdis l’accès à mon jardin !”, peste une résidente de la Busserine. “ “On n’a pas encore gagné, on est bien d’accord ?” renchérit Mohamed Bensaada, militant politique passé par le Front de gauche et membre du collectif Quartiers Nord quartiers forts. Si demain on voit qu’ils nous la font à l’envers, on bloque à nouveau. Ils ont eu peur que ça s’enflamme parce que nous sommes unis !”. Cet habitué de la politique locale craint l’institutionnalisation du mouvement et la division du collectif en plusieurs petits groupes de travail.
Le collectif a aussi invité le préfet Rousset et le bailleur à venir constater sur place les désagréments qu’ils vivent au quotidien. “Ils me montreront ce qu’ils ont envie de me montrer et pas seulement ce que les institutions souhaitent que je vois”, promet le représentant de l’État. “Ils verront bien que l’on n’est pas fous !”, lâche Rafika Hannachi, énergique bénévole pour l’association des locataires de Picon. “J’en ai marre de toutes ces délégations. J’ai eu un ballet de contrôles, ils viennent en touristes, prennent des notes sur leurs tablettes, prennent des photos et ne reviennent jamais. Cette délégation-là ce sera la dernière, après je ne laisse plus rentrer personne”, peste Zara Achrane, après avoir écouté en silence les premiers échanges.
Expliquer aux gens leurs droits
À l’issue de la réunion, le brouhaha général ayant repris ses droits, les associations de locataires de chaque résidence décident de se réunir séparément pour établir leurs propres priorités avant de les mettre en commun. “Picon, Busserine, on n’a pas les même problèmes. Vous à Picon, vous avez les trous, les cratères et nous les travaux sont bientôt finis et c’est la dernière chance de se faire entendre !”, résume un habitant qui trouve l’agrément de tous. Malgré quelques accrocs, la réunion se conclut dans les youyous, mêlés de “Tous ensemble ! Tous ensemble !”.
En attendant les premières réunions en préfecture, les idées ne manquent pas pour entretenir la mobilisation. “Nous allons appeler tous les habitants, faire du porte-à-porte, faire un recensement de tous les problèmes, monter un dossier santé, un dossier juridique, identifier les personnes prioritaires et surtout expliquer aux gens leurs droits”, détaille Rafika Hannachi, qui depuis qu’elle ne travaille plus au centre social du quartier se consacre quasiment à temps plein à la défense des locataires. Pour l’heure, aucune demande d’indemnisation n’a encore été formulée aux pouvoirs publics et aux bailleurs, mais l’idée fait son chemin.
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