Marsiho, la "psychanalyse" de Philippe Caubère

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le 2 Juil 2012
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Marsiho, la "psychanalyse" de Philippe Caubère
Marsiho, la "psychanalyse" de Philippe Caubère

Marsiho, la "psychanalyse" de Philippe Caubère

Marsactu : Vous interprétez Marsiho, l'oeuvre d'André Suarès près de dix ans après votre première mise en scène. Qu'est ce qui est différent aujourd'hui ?
Philippe Caubère :
Il y a dix ans, je faisais surtout des lectures en plein air, alors que désormais, la version est adaptée pour le théâtre. C'est plus intimiste, plus naturel aussi. Il s'agit d'une description d'un autre temps, c'est exceptionnel que cela nous touche encore aujourd'hui. Le texte est plus complet aussi, plus de la moitié du livre – appris par coeur à force de lectures – est maintenant présentée. La seule vraie modification que j'ai apportée est le découpage, mais je respecte l'ordre chronologique des descriptions qui participent d'une sorte de dramaturgie inconsciente. Ce texte pour moi relève de la psychanalyse.

La mise en scène est très sobre, il n'y a aucun décor, seulement quelques effets de lumière, de vent et de la musique. Est-ce un choix pour laisser l'imaginaire du spectateur totalement libre, comme face à un livre ouvert ?
C'est le but en effet. À l'origine, lorsque je jouais dehors, la seule mise en scène "naturelle" était le lever du jour. Mais vous imaginez que les spectateurs s'endormaient un peu… L'artiste suffit à mon sens, son corps est l'instrument principal de son oeuvre.

Marseille, incendie en plein jour, flambe au soleil. Je vais la voir brûler jusqu'à la nuit venue. Une heure encore la sépare du soleil couchant. Tantôt, j'étais au château Fallet. De là, Marseille dans un profond silence, dans un secret divin, loin de tout bruit et de tout mouvement, était une fleur d'améthyste, un lit de lavande et de lilas.

Pour vous, Marsiho (1929) est l'une des plus belles oeuvres jamais écrites sur Marseille. Vous êtes-vous retrouvé dans cette description vieille de 80 ans ?
J'ai d'abord découvert André Suarès voilà une quinzaine d'années, par hasard, dans une librairie, avec Poète tragique, Shakespeare ou le portrait de Prospéro. Puis je suis tombé sur André Suarès, l'insurgé, une biographie de Robert Pariente. Lorsque j'ai enfin découvert Marsiho, j'ai reconnu une foule de choses de ma famille, de mon enfance. Cela m'a touché de manière très personnelle, un peu comme lorsque l'on découvre une photographie de nos grands-parents. Cette oeuvre est une véritable peinture de la ville, elle porte quelque chose de l'identité marseillaise. Un Marseillais d'aujourd'hui ne peut rester de marbre face à une telle pérennité. Néanmoins, beaucoup de Marseillais d'appartenance disent également qu'ils y reconnaissent des choses qu'ils n'osent pas ou ne savent pas exprimer. Marsiho possède des vertus de dévoilement incontestables. Ce qui est assez exceptionnel, c'est que Suarès aime vraiment la ville, dans le sens où il ne cache pas ce qui lui déplaît en elle, ses défauts.

De toutes les villes illustres, Marseille la plus calomniée. Et d'abord, Marseille calomnie Marseille. Chaque fois qu'elle tâche à n'être plus elle-même, elle grimace, elle se gâte au miroir de sa lie.

Comment dès lors peut-on expliquer qu'André Suarès reste si peu connu, voire soit rejeté, y compris à Marseille ?
C'est le mystère Suarès. Lui-même en avait bien conscience, déjà à l'époque, puisqu'il a écrit sur la gloire qui lui était refusée à Marseille, mais aussi à Paris. Il fait partie des grands génies méconnus, à la manière de Fernando Pesoa, longtemps ignoré par les Portugais avant qu'ils ne reconnaissent en lui l'un des plus grands poètes du monde… En tout cas les poètes sont méprisés en France, ce n'est pas nouveau. Suarès n'était ni vraiment un romancier ni un philosophe, et, en plus, il était de droite. Il aurait mieux fallu pour lui qu'il soit de gauche ou carrément d'extrême droite, cela passait mieux à l'époque. Mais vous savez, Suarès est toujours aussi dur à vendre aujourd'hui qu'à son époque, même si le projet passionne certains, comme Renaud Muselier, le petit-neveu d'André Suarès… De toute façon, je signerais presque avec le diable pour vendre Marsiho !

Marseille n'a jamais subi un maître. A travers les siècles, elle n'a jamais eu de dictateur. […] J'offre pour rien un conseil aux innombrables bâtards de la Louve : qu'ils rentrent leur langue derrière leurs dents, et leurs dents derrière les tranchées de leurs nouilles. Qu'ils prennent garde, en dépit de l'oracle des Martigues, à ne pas trop racler, de leur archet en forme de faisceau, les nerfs de Marseille. Les vêpres marseillaises seraient infiniment vengeresses des siciliennes.

Marsiho est un texte très littéraire, descriptif, exigeant envers le public qui vous écoute le déclamer pendant deux heures. Le spectateur doit lui-même rester très attentif, concentré. Pensez-vous qu'il soit accessible à tout le monde ?
Marsiho est un texte tout à fait populaire, et il s'adresse à un peuple très cultivé. Je considère que les élites existent dans toutes les catégories sociales, et puis ce texte est de telle nature qu'il peut toucher toute forme de public. En clair, c'est un texte élitiste qui choisit son public. Mais vous savez, je fais d'abord cela pour moi ; c'est en procédant ainsi que l'on touche les gens. De cette façon les spectateurs atteignent ce qui vous touche vous-même. J'ai plus de souci avec le théâtre d'avant-garde et l'idéologie dominante actuelle du théâtre. La mode est au texte très morbide ou au compassionnel, c'est très différent de Marsiho, qui ne présente aucune démagogie. Quand on va voir une pièce de Shakespeare, on n'en comprend qu'une infime partie mais on n'ose pas le dire. Présenter Marsiho au théâtre, cela permet justement aux gens de le lire à travers une interprétation. J'ai le grand honneur de faire découvrir un tel auteur, pour moi c'est comme ouvrir une malle et découvrir un trésor. Il y a deux plaisirs dans le théâtre, livrer au public des oeuvres méconnues ou dépoussiérer des oeuvres très connues.

Vous êtes également l'un des admirateurs de Marcel Pagnol, l'un des auteurs quelquefois méprisés par les élites. Pensez-vous qu'il se soit inspiré d'André Suarès notamment lorsqu'il évoque la notion de l'ailleurs, de l'appel du départ ?
C'est difficile à dire car on retrouve également cette notion de l'ailleurs chez Louis Broquier. Ils étaient toute une bande dans cette rêverie. Pagnol comme Molière était un grand voleur, mais il "piquait bien".

Celui qui naît et grandit à Marseille n'a pas besoin de partir : il est déjà parti. Comme ils rencontrent tous les visages et tous les peuples de la terre, entre les allées de Meilhan et les ports, la plupart des enfants ne rêvent pas de voir le monde. Un petit nombre d'autres brûle, au contraire, de tout quitter et de mettre cap au large. Plus fort que le désir de la mer, la nostalgie d'ailleurs. Où ? Ailleurs. A quelle fin ? Ailleurs. Pour quoi ? Ailleurs est le nom du pays inconnu, le plus beau des pays. Ailleurs, le pays où l'on est pas et où l'on pourrait être ; celui où nul n'a été, jusqu'à ce qu'on y soit.

 

Marsiho sera joué au festival Off d'Avignon, du 7 au 28 juillet, tous les jours à 20 h (sauf le lundi 16, relâche), au théâtre des Carmes, 6 place des Carmes, Avignon. Tarif : 17,80 €. 

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Commentaires

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  1. Alain Le Lougarou Alain Le Lougarou

    Merci de donner la parole à ce merveilleuc auteur-comédien-acteur qui réussit tout ce qu’il entreprend et n’hésite jamais à parler de notre Marseille.

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  2. GM GM

    quel bonhomme !! j’ai vu tous les épisodes du “roman d’un acteur” il y a longtemps , et je ne rate pas une occasion de voir ses spectacles !!! il incarne le Marseille que j’aime ……….;

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  3. Anonyme Anonyme

    merci à Philippe Caubère de nous rendre Suares

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  4. francis livon francis livon

    Marshio suares colère indignation ferveur splendide insulte a la médiocrité salut a toi Philippe tacher de te voir enfin fin novembre Aimez vous vous finiriez par aimer quequ un disais je il y a bien longtemps déjà de tout coeur Francis A plus comme on dit

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  5. francis livon francis livon

    Bien reçu ton invitation tacher de venir quand je me rencontre je m évite tellement je vous ressemble Leo ferre

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  6. francis livon francis livon

    Bien reçu ton invitation tacher de venir quand je me rencontre je m évite tellement je vous ressemble Leo ferre

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  7. francis livon francis livon

    Bien reçu ton invitation tacher de venir quand je me rencontre je m évite tellement je vous ressemble Leo ferre

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