Une dernière marche incertaine pour Yves Moraine

Actualité
le 5 Juin 2017
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Favori parmi les prétendants à la succession du maire de Marseille, Yves Moraine doit relever le défi de ramener à droite une circonscription où son ancrage est faible. Menée avec le soutien du maire du 4/5 Bruno Gilles et d'importants moyens, sa campagne s'accompagne d'un grand flou sur l'identité de son adversaire s'il se qualifie au second tour.

Yves Moraine (en chemise bleue à gauche) fait campagne aux côtés de Bruno Gilles (à droite).
Yves Moraine (en chemise bleue à gauche) fait campagne aux côtés de Bruno Gilles (à droite).

Yves Moraine (en chemise bleue à gauche) fait campagne aux côtés de Bruno Gilles (à droite).

Terminus Castellane, avant d’attaquer la dernière ligne droite. Samedi midi, après avoir sillonné la ligne 1 du métro entre Cinq-Avenues et La Blancarde, Yves Moraine offrait un apéro de remerciements à ses équipes de campagne, qui s’activent depuis 18 mois. “Je n’en peux plus”, souffle en souriant Ludovic Perney, conseiller régional et responsable des Jeunes Républicains. Certains arborent le t-shirt siglé du logo YM, d’autres sont en civil, mais le costume de Jean-Claude Gaudin manque à l’appel. Annoncé, le maire de Marseille s’est finalement décommandé devant l’incertitude de l’agenda de la matinée, nous explique-t-on.

Celui qui met le pied à l’étrier d’Yves Moraine dans cette 5e circonscription est en revanche bien là. “Très modestement, j’ai mis le turbo depuis le début, revendique le sénateur et maire des 4/5 Bruno Gilles. En terme de démultiplication militante, c’est une aussi grosse campagne qu’aux municipales 2008 face à Guérini ou 2014 face à Carlotti. Si on est payés au nombre de mains serrées et de bises faites, on passe au premier tour !”

Interrogé sur les raisons de son investissement dans cette élection, le patron local des Républicains commence par répondre à l’échelle de son secteur. “J’ai quand même intérêt pour [les municipales] 2020 d’avoir un député qui soit un ami.” Mais admet sans mal que l’enjeu est à l’échelle de la ville, dans l’optique de la succession de Jean-Claude Gaudin.

L’élection sur son nom

Pour Yves Moraine, ces législatives 2017 font office de dernière étape avant une ambition avouée de longue date : s’imposer comme le successeur de son “maître en politique”. Lequel, pour l’heure, souffle le chaud et le froid : “Dans la tradition républicaine, il ne peut y avoir un dauphin ! Tous ceux qui y prétendent finissent par s’échouer… Ce n’est pas ce que je souhaite. Si je disais je préfère untel ou untel, je l’envoie aussitôt à la vindicte générale. Si je désignais quelqu’un, je le ferais fusiller par les autres… J’espère que, le moment venu, mes amis auront la sagesse de se rassembler, pour se mettre d’accord”, répondait-il à La Provence en octobre dernier.

Au fil des signaux qu’il distille, sa préférence semble toutefois aller à Moraine. “Je veux qu’il puisse prolonger l’œuvre que j’ai commencée à Marseille”, a-t-il lancé en janvier lors de ses vœux. “Gaudin – Moraine – Gilles, ça commence à peser”, trace Bruno Gilles, qui réserve toutefois une option pour son “ami” et nouveau président du conseil régional Renaud Muselier.

Au total, selon Jean-Claude Gaudin, une demi-douzaine d’élus peuvent y prétendre, mais encore faut-il remplir un critère : avoir été parlementaire, ce qui fait défaut à Yves Moraine. “J’ai gravi petit à petit les échelons de la vie politique locale”, explique cet avocat de 47 ans sur son site de campagne. Sur les listes Gaudin dès les municipales 1989, il entre au conseil des 6e et 8e arrondissements en 1995 puis au conseil municipal en 2001 et devient président du groupe majoritaire lors de la mandature suivante.

Selon les canons de l’ascension politique, il lui faut passer le premier cap d’une élection “sur son nom” et non sur une liste. Cette étape parfois risquée a été franchie sans coup férir aux départementales 2015 dans un canton ancré à droite, en binôme avec la maire du 1/7 Sabine Bernasconi. Entre temps, en 2013, la mairie du 6/8 lui a été cédée sur un plateau par Dominique Tian, parti mener le combat en 2014 face à Patrick Mennucci. Pour confirmer son statut de successeur potentiel, reste la députation et ce secteur symbolique des 4e et 5e arrondissements, que la 5e circonscription recoupe pour une bonne part.

Éparpillement

La sortante, l’ex ministre socialiste Marie-Arlette Carlotti qui avait ravi le siège à Renaud Muselier, lui a quant à elle offert un coup de pouce inespéré en renonçant à se représenter quelques jours avant le dépôt des candidatures. D’autant plus qu’à sa suite deux candidatures se réclamant du soutien du PS – Christophe Madrolle (UDE) et Sébastien Désille (PRG) – ont émergé, son partenaire EELV réactivant par ailleurs la candidature de Daniel Vanetti. Plus à gauche, la France insoumise et le Parti communiste ne se sont pas accordés sur un rassemblement. Avec un total de 23 candidats, la 5e circonscription détient le record régional.

“Il a toutes les chances de son côté, mais attention dans une élection législative il y a toujours un courant national, avertissait Jean-Claude Gaudin, lors du lancement de son comité de soutien à l’espace Montevideo. Pour quelle majorité on ne sait pas d’ailleurs, car trois candidats s’en réclament…” À côté de la candidate officielle de la République en marche Cathy Racon-Bouzon, figurent en effet Patrick Thévenin et Maurice Di Nocera, qui se déclarent tous les deux prêts à intégrer la fameuse “majorité présidentielle” après avoir candidaté en vain à l’investiture.

Le premier, encarté au Modem, a été l’adjoint à l’éducation de la mairie des 6e et 8e arrondissements pendant trois mandats, dont un an aux côtés d’Yves Moraine. Le second est le propre adjoint aux grands événements de Jean-Claude Gaudin, par ailleurs vice-président aux sports du conseil départemental. “C’est dommage, je n’ai pas réussi à le convaincre de retirer sa candidature”, se contente de répondre le maire, sans envisager la sanction d’un retrait de délégation.

Un “socle” de 20 %

Si elle renforce l’incertitude d’un scrutin déjà passablement embrouillé par la recomposition politique autour d’En marche et de la France insoumise, cette multiplicité de candidatures au centre-droit n’est pas forcément un boulet pour son dauphin. “Avec Marine Pustorino, on est le pôle de stabilité”, estime Yves Moraine, confiant dans son binôme et dans la base électorale que représentent les 10 556 électeurs de François Fillon au premier tour de la présidentielle (soit 20,2 %), malgré sa troisième place. Ce “socle” devrait mieux résister à l’abstention plus forte qui accompagne traditionnellement les législatives, estime-t-il. Si bien que l’incertitude porterait davantage sur l’identité de son adversaire du second tour, dans un large spectre allant de la France insoumise au centre-droit.

De son côté, Maurice Di Nocera espère crânement que “Moraine appellera à voter pour [lui] au second tour”. Il y a un an déjà, convaincu de ses meilleures chances dans ce scrutin, il réclamait une “confrontation” par le biais d’une primaire ou d’un sondage, sans succès auprès de son parti, l’UDI, dont il est mis en congé. À son actif, le renfort de son suppléant Jean-Sébastien Souchon, un marcheur de la première heure qui qualifie de “bug” l’investiture de Cathy Racon-Bouzon.

“Le maire de Bagatelle”

Installée aux Chartreux, leur permanence fleure le neuf autant que les méthodes de campagne affûtées, sous la houlette de Marc Fratani (lire son portrait dans Marsactu). En cet après-midi de mai, après un reportage dans la rue avec France info, le tandem offre un goûter aux élèves et à leurs parents de l’école Beausoleil. Sur la petite table, du jus d’orange mais pas de tracts, le candidat misant sur sa notoriété locale et les cartes de visite qu’il distribue. “Je suis investi par la population”, estime Maurice Di Nocera, en toute humilité, face au “maire de Bagatelle, qui ne connaît pas ce quartier”.

Deux photos extraites de la page Facebook d’Yves Moraine, prises le 2 juin.

Un sobriquet en forme de rappel constant de l’implantation limitée du candidat LR. “Un tiers de la circonscription est située dans le 6e arrondissement”, nuance ce dernier. Sa suppléante, Marine Pustorino, apporte aussi un ancrage dans le 4/5 préparé par son père Jean. “Mais Yves Moraine ne passe pas du tout dans le 4/5. C’est un avocat, il n’a pas le côté bobo et il est hautain, tacle Patrick Thévenin. Quand il va jouer aux boules, il se force. Moi je ne sais pas jouer, je ne fais pas semblant.” Une référence à la fréquence impressionnante des apéros boulistes auquel Yves Moraine participe, tout juste entrecoupés par des visites aux seniors. Interrogé, l’intéressé dit jouer “depuis toujours. Parce qu’on est avocat, on ne peut pas aimer les boules ? Ça me fait marrer… Ils ne connaissent pas ma vie.”

Pour sa part, Bruno Gilles assume mettre à son service ses entrées dans les équipements de proximité du secteur. “On a fait tous les jeux de boules, les Entraides (résidences seniors du conseil départemental, ndlr) et les équipements divers et variés, reconnaît-il. Mais je ne force pas la porte. Et quand pendant 17 ans, Jean-Noël Guérini faisait les Entraides et m’en interdisait l’accès, ça n’a pas choqué tous les grands démocrates.”

“Après son passage, les présidents de clubs m’appellent pour me dire qu’il fallait bien l’accueillir car Bruno Gilles était là, mais qu’ils voteraient pour moi”, assure Maurice Di Nocera, qui ne va pas jusqu’à expliquer cette supposée popularité par son rôle de vice-président aux sports du département… “Ce n’est pas pour autant que les boulistes vont voter pour lui. Celui qui est reconnu dans le secteur, celui pour qui ils votent, c’est Bruno Gilles”, abonde son homologue du Modem.

Les grands moyens

Si l’efficacité de cette approche n’est pas garantie, Yves Moraine affiche la satisfaction d’avoir mené une campagne de “18 mois, avec au moins une visite par jour, ces derniers temps plusieurs fois par jour, 7 jours sur 7”, souffle-t-il. Un marathon dont les effets se lisent sur sa physionomie. En parallèle, le candidat n’a pas lésiné sur les moyens financiers. En avril 2016, soit plus d’un an avant le scrutin, il avait consacré 20 000 euros à la campagne d’affichage “Aimons la France”, réalisée par l’agence Artkom pour des candidats LR et UDI de Marseille et des Bouches-du-Rhône. Disant ne pas avoir connaissance d’un sondage qui lui serait défavorable, il admettait tout de même “une problématique de notoriété”.

Depuis plusieurs mois, il est le seul candidat LR de la ville, à l’exception de Solange Biaggi dans la 4e circonscription, à disposer d’un site internet dédié à sa campagne avec une charte graphique et un logo mêlant ses initiales. Le 12 mai, l’ampleur de son meeting de lancement au parc Longchamp, auquel assistaient le maire Jean-Claude Gaudin et la présidente du conseil Martine Vassal, avait surpris.

Yves Moraine et Marine Pustorino lors du lancemeent de leur comité de soutien.

Le 17 mai, le lancement de son comité de soutien faisait encore office de démonstration de force. À l’apéro, se croisaient de nombreux élus, dont le maire, et la plaquette aligne de nombreuses figures proches de la municipalité et quelques belles prises comme l’ex député Avi Assouly ou encore le président de la FCPE 13 Jean-Philippe Garcia (lequel s’est fait recadrer par la fédération). “C’est une “swing circo”, reconnaissait ce jour-là l’intéressé, en tentant de dédramatiser : “Je suis beaucoup plus serein que la pression qu’on voudrait me mettre. Tout cela n’est que de la politique, il n’y a pas mort d’homme et je n’ai pas réglé toute ma vie par rapport au 18 juin.” Si c’est vraiment le cas, il fait bien semblant.


Candidats, enjeux, résultats : notre dossier sur la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône

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Commentaires

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  1. julijo julijo

    Avec ses soutiens l’ex député Avi Assouly ou encore le président de la FCPE 13 Jean-Philippe Garcia , il est “serein” dans sa “swing circo” !!!!! outch !

    A part l’idée qu’il ratisse bien large, que lui apportent des soutiens pareils ????

    Un coup de mistral, et…..

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  2. toine toine

    Moraine, Gaudin, Gilles, Tessier,… Du balai!!! Place aux jeunes, place au renouveau, stop au clientélisme!! Marseille a besoin de mieux!

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    • Lecteur Electeur Lecteur Electeur

      Il ne suffit d’être jeune et nouveau pour défendre réellement les intérêts de la population.

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    • toine toine

      A Marseille, vu les vieux mollusques clientélistes qui gouvernent la ville depuis des lustres, être jeune et nouveau SUFFIT largement à défendre mieux les intérêts de la population! Tentons la chance du renouveau et facilitons l’émergence de nouveaux visages pour notre ville! Elle ne pourra s’en porter que mieux!

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    • Tarama Tarama

      Vous connaissez Marine Pustorino ?

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    • toine toine

      @Cehere:
      haha, J’ai parlé de nouveau visage! 🙂
      Pour rappel, Marine Pustorino est la fille de Jean Pustorino (ancien adjoint à la voirie du secteur et surtout ancien cadre local de Force ouvrière)… Elle a été parachuté en politique grâce aux connections de papa! Bref, fifille Pustorino est un bébé Gaudin nourrie aux OGM clientélistes marseillaises et au syndicalisme sauce locale. En d’autres termes, elle dispose de toutes les tares qui caractérisent le parfait élu tocard Marseillais!
      On l’aura compris, quand je parlais de nouveau visage, je ne pensais pas à elle!

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  3. marcus marcus

    On a déjà eu droit à un article plus que conséquent sur la candidate “En marche” qui a fait ici 22% aux présidentielles et maintenant c’est un article interminable sur le candidat “LR” qui a fait 20%
    A quand un article de même importance sur le candidat de la France Insoumise qui a fait 25% ?

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  4. MarsKaa MarsKaa

    le budget conséquent explique pourquoi on ne voit que leurs affiches, partout, partout…sans aucun respect du code électoral : il n’y a pas une école dans mon quartier où l’on peut voir les affiches de tous les candidats. dès les présidentielles, on ne voyait que les affiches de l’équipe gaudaing, couvrant tous les panneaux (et recouvrant immédiatement tout autre affichage). MAIS QUE FAIT DONC LA MAIRIE ? (ah, on me glisse dans l’oreillette que..quoi..ah..ok..).

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le déjà vieux Moraine a un casier, euh, un CV à faire pâlir d’envie une huître d’élevage. S’il a vaguement été désigné successeur putatif par Gaudin pour “prolonger l’œuvre” (sic) de celui-ci, c’est principalement en raison de son “talent oratoire” : voilà qui suffit à qualifier la consistance de l’oeuvre en question. (https://marsactu.fr/jean-claude-gaudin-pousse-yves-moraine-pour-prolonger-son-oeuvre-a-marseille/)

    A défaut de bilan municipal crédible, M. Moraine pourra toujours s’appuyer sur sa hauteur de vue et son humanisme exigeant, dont il a fait la preuve lorsqu’il a fallu accueillir une quinzaine de migrants dans “son” arrondissement : il a tenu à relayer par écrit les fantasmes réels ou supposés qui fondaient son “opposition absolue” à cet accueil. *Quinze* migrants : une vraie submersion. (https://marsactu.fr/bref/yves-moraine-ecrit-au-prefet-son-opposition-absolue-a-laccueil-de-migrants-dans-le-8e/).

    Enfin, saluons la clairvoyance dont il a fait preuve en soutenant Fillon à la présidentielle. De telles qualités, ça vaut bien une petite claque aux législatives…

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  6. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Di Nocera, Assouly, Garcia, l’inénarrable Fratani… et j’en oublie… Quelle bouillabaisse, mes amis ! Quel pastis !

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