Ville de Marseille : l'art au fond des dotations

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par Mat_
le 6 Août 2012
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Ville de Marseille : l'art au fond des dotations
Ville de Marseille : l'art au fond des dotations

Ville de Marseille : l'art au fond des dotations

9,4 millions d'euros. C'est la somme réunie à ce jour par les fonds de dotation de la ville de Marseille, créés pour "booster" sa politique culturelle en favorisant les dons des entreprises privées. Avec la volonté affichée de surfer sur la notoriété de Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture. Cette belle somme cache cependant des disparités fondamentales. Sur ces 9,4 millions d'euros, la part de l'art est réduite à peau de chagrin : 600 000 euros seulement recueillis par le fond de dotation Marseille Art 2013-2020.

Une disparité qui ne doit rien au hasard puisque, de l'aveu même de Bernard Jacquier, président de l'association qui gère les deux fonds de dotations : la mairie a volontairement favorisé le second, Marseille Patrimoine 2013-2020, afin de rattraper un retard criant en terme de rénovation du patrimoine architectural et se tenir près pour Marseille Provence 2013 (voir la liste des principaux chantiers aidés [1]). "Un retard accumulé de longue date, toutes municipalités confondues", renchérit Bernard Jacquier.

Deux projets concurrents

Et le fond Marseille Art 2013-2020 ? Nicolas Barthes, secrétaire général de l'Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE13), salue sa création. "Mais elle intervient en même temps que Marseille-Provence 2013. Il y a deux projets qui se font concurrence, au détriment du fond de dotation Marseille Art 2013-2020, estime-t-il. Les entreprises sont énormément démarchées, il y a une vraie concurrence du mécénat aujourd'hui avec énormément de demandes qui provoquent un goulet d'étranglement de l'offre". Car Marseille-Provence 2013 misait aussi sur 15 millions d'euros de mécénat pour boucler son budget.

Et tandis que l'on pensait en 2011 que la création des fonds de dotation fragiliserait la recherche de mécénat privé pour la capitale européenne de la culture, c'est l'inverse qui s'est produit. Jean-François Chougnet, directeur de Marseille-Provence 2013 affirme avoir réuni les 15 millions et annonce de surcroît que le montant total frôle même les 20 millions d'euros, avec le lancement en septembre d'un partenariat avec le groupe Accor. Une différence abyssale si l'on compare cette somme aux 600 000 petits euros réunis par le fond de dotation Marseille Art 2013-2020.

Tout pour 2013

La capitale européenne qui est d'ailleurs au coeur des projets engagés par ce fond. Ils se résument pour le moment à une participation de 400 000 euros de Bouygues pour la soirée de lancement de… Marseille-Provence 2013, et un don de 200 000 euros de la société de restauration collective Elior pour "accompagner la création et la diffusion d'une animation artistique" (dixit le dossier de presse de la mairie) sur le Pavillon Marseille. Un bâtiment destiné à la promotion de la ville pendant… Marseille Provence 2013 ! Un autre projet se profile pour la rentrée : un accord de mécénat devrait être conclu  pour le centre d'art contemporain La Tour Panorama actuellement en construction à la Friche de la Belle de Mai. Qui n'est autre qu'un des projets phare, encore et toujours, de Marseille-Provence 2013.

Vous l'aurez compris, la majorité des dons du secteur privé se concentrent sur cet événement majeur et "capital" que représente Marseille-Provence 2013, car il est très porteur en terme de notoriété publique et de retombées médiatiques (mais pas seulement, cette "générosité" privée donne droit à 60% de réduction d'impôt sur les sociétés, sans oublier la tentation de séduire une collectivité pourvoyeuse de marchés publics).

[1] Le ravalement du Palais Longchamp et la restauration de l'ancien parc zoologique, la mise en lumière du palais du Pharo, de l'Eglise Saint-laurent des pêcheurs et de la cathédrale de la Major, la réfection de l'Hôpital Caroline sur l'île du Frioul, et la rénovation de la gare franche à Saint-Antoine. Sans oublier la restauration de l'épave d'un bateau grec datant du VIe siècle av-JC, ou celle moins médiatique de tissus et tentures de cuir du grand salon et de la radassière (sorte de divan méridional) du salon doré présentés au musée des Arts décoratifs, de la mode et de la faïence qui va voir le jour au château Borely. (revenir à l'article)

Et après 2013 ? Réponse en page 2 en cliquant à droite

Avec cette focalisation sur l'année 2013, la question de l'après se pose pour le devenir du fond de dotation Marseille Art 2013-2020, une fois que les projecteurs s'éteindront. Bernard Jacquier est formel, voire optimiste : "les fonds de dotations vont bien sûr servir à 2013, mais ils sont surtout destinés à pérenniser 2013. Les donateurs se rendent compte que Marseille-Provence va être une réussite. La réussite appelant la réussite, je crois à un effet boule de neige. Le fond Art 2013-2020 témoigne de la volonté de la ville de favoriser l'art comme un axe majeur du développement économique et touristique de Marseille. On ne peut faire venir des touristes que si on leur donne à manger culturellement".

L'enjeu, pour pérenniser ce fond de dotation à l'horizon 2020 consiste, pour Nicolas Barthes à "mobiliser les petites entreprises sur des projets plus modestes mais plus en adéquation avec leurs moyens financiers". Car passé l’emballement médiatico-économique dû à la capitale européenne de la culture, la majorité des éventuels mécènes privés feront partie des petites et moyennes entreprises de la région.

Volontarisme politique pour avenir incertain

L'espoir de la municipalité est de voir un après 2013 aussi fructueux que pour Lille qui n'en finit pas de profiter des retombées de Lille 2004 capitale européenne de la culture, avec son projet de développement culturel Lille 3000. Mais rien ne dit que ce qui est vrai pour Lille le soit nécessairement pour Marseille. Le comité européen chargé du suivi de la préparation de l'année capitale a souligné sa "déception" de voir les élus locaux absents lors de la réunion qu'elle avait organisée en mai, y voyant un mauvais signe pour la gestion de l'héritage de 2013. Sans oublier que l'avenir des fonds de dotation reste suspendu au résultat de l'élection municipale de 2014 et de la suite que donnera le nouveau maire de Marseille à cette initiative.

Du côté du conseil général des Bouches-du-Rhône. Michel Pezet, élu PS en charge de la culture estime que les fonds de dotations "ne sont pas une mauvaise chose dans un contexte où les budgets publics destinés à la culture ne font que baisser. Au conseil général on n'exclut pas la possibilité de créer de tel fonds de dotation". Quitte a accentuer un peu plus la concurrence des mécénats.

Et la création dans tout ça ? Pour Michel Pezet, attentif lui aussi à l'après 2013, les politiques culturelles  doivent redonner la priorité aux acteurs locaux qui sont "les oubliés de 2013". Et si le mécénat peut être une partie de la réponse au financement de l'art, il ne résout pas le problème de la rémunération du travail des artistes. Jacqueline Reinier, du Syndicat national des artistes plasticiens (Snap) reconnaît que "tout ce qui peut être fait pour l'art contemporain est bon, d'ailleurs les financements croisés sont incontournables aujourd'hui". Mais encore faudrait-il prendre en compte le temps de travail des artistes "qui est difficilement réductible à des tarifs horaires. Lorsque on vous achète une œuvre pour 1000 euros, par exemple, ce n'est pas la même chose si vous l'avez réalisée en quinze jours ou en trois mois".

Article actualisé le 7 août avec les déclarations de Michel Pezet

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    L’art est un sujet hautement spéculatif et sa valeur ne se mesure ni au poids, ni à la surface peinte; et encore moins au temps investi. Et il serait aussi absurde de réclamer les 35 heures, payées au SMIC, avec 5 semaines de vacances qu’un rendement minimal de “chefs-d’œuvre” par mois. La “juste” rémunération d’un tableau détermine celui qui l’achète. Et c’est tout.

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  2. castadiva castadiva

    On a passé de la peinture dorée sur de la m…………..

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