[Vieilles branches] Les platanes malades d’Aix amènent mairie et riverains en justice

Série
le 11 Août 2016
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Témoins et parfois acteurs de l'histoire locale, les arbres les plus anciens ont souvent du mal à trouver leur place aujourd'hui. Ils racontent pourtant leur commune. Pour ce second épisode, Marsactu s'intéresse aux platanes du quartier du palais de justice dont des riverains bloquent l'abattage. Référé contre saisine du parquet, c'est la saga aixoise de l'été.

Lors du blocage de lundi matin
Lors du blocage de lundi matin

Lors du blocage de lundi matin

Face au palais de justice d’Aix-en-Provence, les voitures ont repris leur droit. Tout ou presque semble revenu à la normale, si ce n’est deux platanes dont les houppes ont été rabotées lundi. En réalité, ces arbres malades sont des survivants, il n’aurait dû rester à ce jour que des souches. Ils ne doivent leur salut qu’à des riverains et des élus de l’opposition qui, dès l’annonce du début de l’abattage ce lundi, ont appelé à entraver le chantier. Deux jours plus tard, alors que les tronçonneuses ont momentanément cessé leur travail, ces platanes font l’objet de deux procédures devant la justice.

Si de nombreuses villes sont confrontées au problème des platanes malades, l’affaire trouble le calme habituel d’Aix cet été. Le bras de fer se durcit. Lors du second jour de blocage, la maire Maryse Joissains a tout simplement envoyé un huissier. Ce dernier a, selon un communiqué “rédigé un procès verbal de constat. Sur sa base, la Ville procédera à un signalement auprès du parquet : elle y indiquera qu’en refusant que soient abattus des arbres susceptibles de s’effondrer, et dont l’abattage est demandé par trois experts différents, les manifestants mettent en danger la vie d’autrui”. En face, des riverains ont déposé un recours pour poursuivre sur le terrain judiciaire le blocage.

Expert contre expert

Trois associations ad hoc, constituées ces derniers mois en vue des travaux de rénovation des places du quartier du palais de justice, ont déposé dimanche soir un référé instruction, qui demande au juge la nomination d’un nouvel expert. “La décision d’abattre cinq ou dix arbres n’était basée sur aucun document administratif que nous pouvions contester. L’arbre étant considéré comme un immeuble, nous pouvons faire valoir des dommages dans le cadre de travaux publics”, explique l’avocat Daniel Petit, secrétaire de l’Apadem, une des associations plaignantes. La Ville, qui se refuse à tout commentaire, a déjà mandaté trois experts pour juger de l’état des arbres. Sans compter le fait que les associations ont, elles aussi, fait travailler un spécialiste, Didier Bonfort, agréé près de la cour d’appel d’Aix en Provence. S’il reconnait la nécessité de couper cinq arbres, il estime que les autres sont sauvables, espoir auquel s’accrochent les riverains mobilisés.

Lire le rapport

L’affaire illustre bien la défiance qui a pu se développer entre une partie des riverains et la mairie tant sur la question des arbres que sur le projet en général. Lors de la réunion publique de fin juillet, la question de la nomination et de l’indépendance des experts a été posée à plusieurs reprises. “Nous avons le sentiment que la dangerosité de ces arbres que nous donne la mairie est à géométrie variable, s’indigne Charlotte de Busschère, conseillère municipale d’opposition. Nous voulons une analyse contradictoire”.

“Ce n’est pas tout ou rien que l’on demande, complète Eric Farcis, président de l’association Apadem. Nous voulons savoir ce qui est possible en faisant autrement”. À ses yeux, les arbres sont victimes d’un calendrier très serré que Maryse Joissains compte respecter afin que ce chantier, le plus important de ce mandat, soit livré avant les prochaines élections. Selon lui, c’est pour faire vite que l’on coupe tout, sans distinction. “Il faut tenir compte de l’âge de ces arbres, de leurs petites maladies, défend-il, Pas y aller à la tronçonneuse systématiquement”. Les arbres malades sont même désormais au cœur d’un projet d’open data, un dispositif de vigie citoyenne en ligne avec une carte collaborative des platanes abattus proposée par l’association Pour Aix proche de l’opposition. Les platanes et leur gestion sont devenus un des nouveaux leviers de contestation pour les élus de gauche.

“Un arbre, ça pousse et ça meurt”

Sauvez les arbres centenaires, pour quoi faire? Si la question peut sembler provocatrice, les cris et l’emphase dans cette affaire amènent à s’interroger sur les fondements de l’attachement des riverains à ces arbres, aussi beaux soit-il. “L’arbre fait partie de la place, on a besoin de ces arbres et pas que pour l’esthétique, le patrimoine et l’histoire, estime pour sa part Eric Farcis. Je sais pas si on nous prend pour des bobos mais c’est pas ça. Sans ces arbres, ça va être un solarium ici. La température va monter de 6 à 7 degrés”. Il se dit donc favorable à un renouvellement progressif des arbres pour lesquels c’est possible sur “20 ou 30 ans, le temps que les suivants aient une taille acceptable, pas un arbre tout fin qui sort de sa jachère”. L’argument de la “climatisation naturelle” est également repris par Daniel Petit pour qui “la réaction est vive car on a coupé des arbres soit disant malades aux quatre coins de la ville, sans explications. Ces derniers avaient parfois le tronc complétement sain”. 

Début juillet, la Ville a consacré un long dossier à la question des arbres malades dans le magazine municipal. C’est là qu’est apparue la nouvelle de l’abattage de 20 des 23 arbres du palais de justice. “Les riverains ont eu peur que tous les arbres soient coupés, d’où la panique et les cris, raconte Eric Farcis, J’avais pourtant fait le tour avec les élagueurs avant que tout le monde n’arrive pour leur indiquer les cinq arbres pour lesquels nous sommes d’accord pour l’abattage”. La mairie n’a répondu que par voie de communiqué, sans s’engager sur le nombre d’arbres. Face aux tronçonneuses, qui s’attaquent à des arbres d’apparence saine, avec un beau feuillage, des sentiments de dépossession et d’injustice s’expriment. Mais le silence se fait quand tombent des morceaux de tronc évidés par les champignons.

Parmi les riverains, l’indignation n’est d’ailleurs pas unanime. “Les arbres ça pousse et ça meurt, relativise l’ancien président du CIQ, Emile Gascon, c’est un combat d’arrière-garde. Ce n’est pas par rapport aux platanes que je crains pour ma place mais par rapport à tout le reste. À 72 ans, je m’inquiète pour les bancs par exemple. Ou pour les sanisettes.” Sans les imposants platanes qui en remplissent bien souvent le rôle, cette dernière question risque en effet d’être encore plus problématique.

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Commentaires

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  1. chomenad chomenad

    Au lieu d’un plan d’abattage des platanes à grande échelle (plusieurs dizaines ont été coupés ces dernières semaines, il faut se battre pour obtenir un plan de sauvegarde des platanes centenaires qui constituent un patrimoine naturel précieux à plusiuers titres (préservation de l’ombre et de l’hygrométrie, captation du CO2, convivialité, etc)
    Les municipalités aixoises successives depuis des dizaines d’années n’ont eu aucune politique de l’arbre en ville, ils sont coupés au fur et à mesure sur des critères de dangerosité pas clairs et sans plan de renouvellement puisqu’ils ne sont même pas remplacés (certains emplacements d’arbres coupés surle Cours Mirabeau ont été cimentés, c’est dire!)

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