Unité d’hébergement d’urgence : AMS sommée de changer d’organisation

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le 23 Mar 2016
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L'automne dernier, Marsactu révélait les dysfonctionnements de l'unité d'hébergement d'urgence de la Madrague-Ville. Un courrier cosigné des tutelles Ville et État enjoint l'association AMS, qui gère la structure, d'y mettre fin. Pour l'heure, l'association semble faire la sourde oreille.

Unité d’hébergement d’urgence : AMS sommée de changer d’organisation
Unité d’hébergement d’urgence : AMS sommée de changer d’organisation

Unité d’hébergement d’urgence : AMS sommée de changer d’organisation

La lettre porte la signature de Jean-Claude Gaudin et d’Yves Rousset, respectivement maire de Marseille et préfet délégué pour l’égalité des chances. Datée du 22 février, elle est adressée au président de l’Association de médiation sociale (AMS) Denis Belot, en charge de la gestion de l’unité d’hébergement d’urgence (UHU) sous la double tutelle étatique et municipale. Cette missive que nous avons pu lire est très clairement une injonction. Elle en a la forme juridique et le ton.

Pour résumer rapidement les épisodes précédents, en septembre dernier, Marsactu – suivi de plusieurs autres médias – avait dévoilé le drôle de fonctionnement de l’unité d’hébergement d’urgence depuis qu’AMS en a pris les rênes. Elle a la responsabilité de deux sites qui accueillent les sans-abris à Marseille, l’un à la Madrague-ville et l’autre à Saint-Louis. Embauches motivées par les seules relations familiales, personnes placées à des postes de responsabilité sans les diplômes nécessaires, opacité dans la gestion financière, guerre des clans en interne… L’adjoint en charge de la lutte contre l’exclusion Xavier Méry et le préfet reconnaissaient à l’automne qu’il y avait matière à enquête et diligentaient une inspection sur le fonctionnement des deux sites. Celle-ci a démarré en décembre.

Mission d’inspection

Dans leur courrier, Jean-Claude Gaudin et Yves Rousset confirment de nombreux points de notre enquête. Ils prennent appui sur la mission d’inspection toujours en cours pour sommer l’association de se conformer à ce que prévoit la convention qui la lie à ses tutelles. Cet accord lui permet de toucher de confortables subsides pour un montant annuel de 2,4 millions d’euros. Encore faut-il que cette convention soit respectée. Or si l’on en croit cette lettre, c’est loin d’être le cas. L’État et la Ville relèvent “des écarts” entre la réalité de ce que l’association fait au sein de l’UHU et les clauses prévues dans ce contrat. En octobre déjà, Xavier Méry et Yves Rousset enjoignaient AMS de procéder à l’embauche d’un directeur adjoint au plus vite comme prévu par la convention. AMS s’était engagée à procéder à ce recrutement avant la fin 2015, ce qu’elle n’a pas fait. Un manquement que le courrier souligne.

La missive pointe également le peu de latitude que semble avoir le directeur, Gilles Chalopin, dans l’exercice de sa fonction. S’appuyant une nouvelle fois sur la mission d’inspection, les tutelles écrivent qu’il n’est pas “en mesure d’exercer toutes les missions qui lui ont été déléguées” notamment “la comptabilité” de l’UHU et “les recrutements”. Celles-ci sont directement exercées par la direction d’AMS.

L’autre point noir souligné par la lettre concerne le “positionnement” de la coordonnatrice de l’UHU, Aïcha Boukhechem-Carreras. Celui-ci diffère de “l’organisation proposée dans l’offre de l’association”. De plus, le maire et le préfet insistent sur le fait que les diplômes de cette personne ne correspondent aux missions qui lui sont confiées, “telle que définies dans le cadre des obligations contractuelles et règlementaires qui vous sont imposées”, écrivent-ils confirmant .

Les tutelles enjoignent donc l’association “d’ici le 15 mars 2016” à procéder au recrutement d’un directeur adjoint et revoir son organisation interne en ce qui concerne les “pouvoirs donnés” au directeur et à la coordonnatrice. Autant dire que le délai est court. Cette mise en demeure, si elle n’était pas respectée, pourra entraîner “des pénalités financières”, insiste le courrier. A l’heure où nous écrivons, nous n’avons pas pu vérifier quel était le montant des pénalités prévues par la convention. En revanche, nous avons cherché à vérifier si AMS avait répondu favorablement à ces injonctions.

“Rien n’a été fait” selon la mairie

Le directeur général de l’association, Pierre Perez refuse de répondre à nos questions “du fait de l’inspection en cours” et renvoie vers les tutelles. “À ma connaissance, rien n’a été fait. Visiblement, ils sont partis sur autre chose”, constate l’adjoint en charge de l’exclusion, joint par nos soins. Nous n’avons pas pu vérifier auprès d’AMS si celle-ci avait décidé de contester ladite injonction.

En revanche, de sources internes, rien n’a changé à l’UHU. Gilles Chalopin en est toujours le directeur mais sans que son champ d’action n’ait été révisé. Toujours d’après nos informations, Aïcha Boukhechem-Carreras occupe le même poste et le même rôle.

Le seul vrai changement concerne l’isolement dans lequel semble être maintenu Gilles Chalopin. Le 2 mars, alors que l’ensemble des dirigeants d’AMS étaient convoqués en préfecture pour faire le point sur la mission d’inspection, Gilles Chalopin ne s’est pas joint à la délégation d’AMS. Serait-il sur la touche ? Là encore, ni l’intéressé, ni ses supérieurs n’ont souhaité nous répondre. Quant à l’embauche d’un directeur adjoint, rien n’indique qu’elle ait été effectuée. Aucune annonce n’a été publiée sur les sites spécialisés dans le travail social.

La mission d’inspection devait rendre ses conclusions à la fin du mois de mars. L’injonction et les réponses qu’elle était censée obtenir auraient dû permettre aux tutelles d’arriver devant les médias avec une partie du chemin déjà effectué. Si AMS traîne les pieds, les tutelles se retrouvent sommées d’attendre. Ou d’enfin taper du point sur la table.

Note de la rédaction :

Le 8 janvier 2016, Marsactu et La Provence ont été cités directement devant le tribunal correctionnel de Marseille pour diffamation par Aïcha Boukhecem-Carreras. Cette action en justice fait suite à la parution de deux articles (un par journal) portant sur l’hébergement d’Unité d’urgence de la Madrague-Ville.
Le nôtre, intitulé « L’unité d’hébergement d’urgence recrute sur préférence familiale », est paru le 14 octobre 2015. Le 10 novembre, Marsactu publiait le droit de réponse de la plaignante, tout en maintenant l’intégralité des informations. Aïcha Boukhechem- Carreras estime que l’article « porte gravement atteinte à (son) honneur et à (s)a considération et jette un discrédit absolu sur son honnêteté et sa moralité en diffusant les imputations incriminées ».

Elle nous reproche d’avoir cité l’une des tutelles, Xavier Méry, lorsqu’il fait état de « népotisme » à l’UHU de la Madrague-Ville sans pour autant poursuivre l’adjoint au maire. Elle juge l’utilisation de ce terme  “infondée” . “[Madame Boukhecem-Carreras] était jusqu’alors reconnue pour ses compétences et son dévouement pour l’Unité d’Hébergement d’urgence dans laquelle elle travaille depuis 20 années » écrit son avocat, Me Julien Ayoun.

Lors de la rédaction de cet article, Aïcha Boukhecem-Carreras n’avait pas retourné nos appels. Nous défendrons au tribunal la rigueur de notre enquête par la voix de notre avocat, Gilles Gauer.

Benoît Gilles (avec Élodie Crézé)

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Commentaires

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  1. michele42 michele42

    Sur l’UHU , la mairie accumule les erreurs , le précédent gestionnaire l’armée du salut
    qui était tout à fait satisfaisant n’a pas eu son contrat renouvelé, et le gestionnaire d’avant qui s’occupait d’habitat social a fait un trou financier . Il faut confier cette
    institution à des professionnels de l’hébergement d’urgence et stopper le recrutement d’amateurs incapables .

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