Un cinéma art et essai à Marseille, vingt dans le département

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le 22 Nov 2013
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Un cinéma art et essai à Marseille, vingt dans le département
Un cinéma art et essai à Marseille, vingt dans le département

Un cinéma art et essai à Marseille, vingt dans le département

Désormais, l'Alhambra, situé dans le quartier de l'Estaque, en périphérie de Marseille, peut s'enorgueillir d'être le seul cinéma art et essai de la deuxième ville de France. Ou s'en désoler. Le CNC (centre national de cinéma et de l'image animée) a exclu de sa liste les cinémas les Variétés et le César, situés en centre-ville, et tous deux gérés par Galeshka Moravioff. Si ces établissements remplissent largement leurs salles, les critères indispensables pour obtenir le label n'ont pas été réunis. Outre la vétusté des locaux, l'indice automatique qui doit indiquer la proportion de films art et essai par rapport à l'ensemble des oeuvres diffusées s'est avéré insuffisant. Au final, l'échec de Galeshka Moravioff qui avait fait appel de la décision négative de la commission nationale art et essai prive les Variétés d'une subvention et les Marseillais d'une offre cinématographique certifiée de qualité.

William Benedetto, directeur de l'Alhambra questionné sur notre plateau, relativise d'abord cette perte de label : "Même si se dire que pour une métropole de 900 000 ou 1 million d'habitants, il n'y a qu'un seul cinéma art et essai qui n'a qu'une seule salle, cela peut paraître de loin un peu aberrant. Mais la perte du label pour le Variétés-César a surtout des conséquences financières avec la perte de subventions. Ils continueront sûrement à diffuser des films art et essai".

Au final, selon le directeur de l'Alhambra, la perte du label des Variétés reste surtout le mauvais signal d'un secteur en panne à Marseille : "A moyen et long termes pour le public, pour les films, pour les cinéphiles, ce n'est pas bon. Il faut que nous essayions de faire évoluer les choses sur cette question du cinéma art et essai à Marseille". Certaines réactions se montrent toutefois plus alarmistes. Pour le producteur de films Maxime Gavaudan[1], "l'offre cinématographique n'est pas au rendez-vous à Marseille. A un moment donné, il manque une volonté politique de régler ce problème". Dorothée Sebbagh, réalisatrice de film, ne dit pas autre chose : "Le réseau de salles et la programmation ne sont pas à la hauteur de la curiosité et des désirs des Marseillais".

Modèle transposable

Pourtant la situation n'est pas le fruit d'un désamour des Marseillais pour le cinéma. Huit lieux existent en tout dans la ville et trois projets attendent dans les cartons : le MK2 sur la Canebière (bien que dans les limbes), le multiplexe de Luc Besson et le multiplexe Méga CGR de Grand littoral. Dans ce contexte, obtenir un cinéma art et essai supplémentaire en ville ne constituerait pas une difficulté insurmontable selon William Benedetto : "Il y a tout à fait la place à Marseille pour déployer à l'échelle du territoire une diffusion de l'art et essai beaucoup plus conséquente que ce qu'elle n'est. Que ce soit en centre-ville où se concentrent l'essentiel des équipements culturels tous arts confondus ou dans les territoires plus excentrés comme celui dans lequel nous sommes." A fortiori  lorsque l'on constate, à titre de comparaison que Aix-en-Provence possède trois cinémas art et essai, le Renoir, le Mazarin et Armand Lunel.

Le directeur du cinéma familial de l'Estaque poursuit plus loin sa réflexion, imaginant un modèle transposable, celui d'un cinéma de proximité, en contact avec son public : "L'Alhambra pourrait peut être faire des petits et investir le 13/14 et même les quartiers suds. L'opposition me semble parfois caricaturale, notamment du point de vue de l'équipement culturel de la ville."

A l'échelle du territoire de la future métropole, la carte des cinémas révèle une majorité de salles labellisées art et essai dans les communes plus "rurales" – au sens des critères du CNC – comme Istres et Martigues, qui possèdent des cinémas art et essai particulièrement actifs : le Coluche pour Istres et le Jean Renoir à Martigues, chacun ayant reçu 17 100 euros de subventions par le CNC. Pour Maxime Gavaudan, "ces salles sont tout le temps remplies. Ce phénomène s'explique par le fait que les gens dans les petites villes et dans les campagnes se mobilisent plus pour leur cinéma, il existe un florilège d'associations pour les défendre. Et cela parce qu'il s'agit souvent de la seule offre culturelle dont les gens disposent localement." C'est aussi ce qu'estime le CNC, pour laquelle la carte illustre la force du territoire français, "celle d'avoir un lieu culturel jamais plus loin que 20 min de trajet, et du coup une culture de proximité".

Les pictogrammes représentent les cinémas art et essai ; les points bleus les cinémas classiques

Si l'Alhambra conserve sans mal son label, sa situation reste fragile. Il n'est pas avantagé par les critères de classement géographique du CNC[2] qui décident en partie le montant des subventions. Ainsi, bien que situé en périphérie, dans le 16e arrondissement, l'Alhambra est considéré de la même manière que s'il était implanté en centre-ville. Du coup il se situe en catégorie A, celle des grandes métropoles et reçoit 14 000 euros de subventions. "Ce qui n'est pas très logique lorsque l'on voit, en comparaison, que le cinéma de Montreuil est classé en catégorie C [ et a donc reçu près de 45 000 euros – ndlr]. Pour nous, ces subventions sont déjà une bonne chose mais sans les collectivités et la Ville, qui finance le cinéma à près de 50 %, l'Alhambra ne survivrait peut-être pas", note William Benedetto hors du studio.

Reste que Marseille, comparée au reste de la carte paraît bien pauvre en offre de cinéma art et essai. Pour Dorothée Sebbagh, finalement, cette perte de label pour les Variétés "est à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle. Une mauvaise cela va de soi pour les Marseillais mais une bonne dans la mesure où cela pourra peut-être obliger la municipalité [Eliane Zayan, conseillère municipale déléguée au cinéma, absente, n'a pu être interrogée – ndlr]  à prendre ses responsabilités pour protéger ses salles obscures et ne pas les abandonner."

[1] Par souci de transparence, nous vous précisons que Maxime Gavaudan est l'un des actionnaires de Marsactu. Retour

[2] Dans le système du CNC les cinémas art et essai sont classés selon différentes catégories, allant de A à E. Pour ceux classés en catégories A et B, il s'agit des établissements situés dans les communes-centre des agglomérations de plus de 200 000 habitants. Pour les catégories C, D et E, il s'agit des établissements situés dans des agglomérations de moins de 200 000 habitants, ainsi que dans les communes rurales. Retour

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Commentaires

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  1. Silencieux Silencieux

    Le cinéma labellisé “art et essai”… Vous pensez que ça rapporte des voix? Et y-a-t-il de quoi générer des dessous de tables importants avec ça?

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  2. régine Juin régine Juin

    J’ai été très intéressée par votre article. La situation du cinéma à Marseille est bien sûr paradoxale, mais effectivement de nombreuses salles près de Marseille et d’Aix en Provence sont classées A&E et bien reconnues pour leur travail en direction des publics nombreux et fidèles.
    Vous citez Istres et Martigues, mais je tiens à mettre en avant la volonté du cinéma 3 Casino à Gardanne, qui non seulement est très bien classé, un des meilleurs classement de la zone, mais, qui de plus, depuis 25 ans produit un Festival très fréquenté et très attendu par les gardannais, tous les villages alentour, de nombreux marseillais et aixois!

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  3. Geronimo Geronimo

    Pour le César et les Variétés, il fallait s’y attendre: salles vétustes, équipements en panne (climatisation, chauffage…), programmation erratique (pourquoi ne pas avoir diffusé La Vie d’Adèle ??) et pas vraiment plus audacieuse que le Chambord, informations peu fiables (les horaires transmis à l’Hebdo sont faux une fois sur deux)…

    Reste que le paysage ciné à Marseille est catastrophique. Très peu de films en VO, certains films qui ne sortent jamais ici, d’autres qui ne restent qu’une semaine à l’affiche, très peu de reprises etc. Paradoxal pour une ville si souvent filmée au cinéma !

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  4. Anonyme Anonyme

    Désert impressionnant dans le triangle canebière alhambra allauch , qui représente une population importante. Et le projet de la Capelette aurait-il sombré définitivement?

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  5. Tresorier Tresorier

    Si je comprend bien, les grandes villes generant les plus fortes recettes sont taxees par un organisme ( tres critiqe par ailleurs par la Cour des comptes ….) qui subventionne avant tout les plus petites communes…d’ou mon etonnement de l’etonnement etale dans cet article….

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  6. Anonyme Anonyme

    Superbe salle de l’Alhambra avec une équipe très accueillante, un grand écran, une bonne programmation (beaucoup de films qui ne sortent pas dans les salles du centre ville) et des soirées à thème qui donnent envie d’aller jusqu’à Saint-Henri.

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  7. Nespole Nespole

    Ah les belles heures du conformisme !
    Les amis de Marsactu ne vont pas chercher bien loin en dehors des heures et malheurs du petit commerce…
    Qu’est devenu “l’Art et Essai” ? C’est 80 % de la production française qui est classée Art et essai !!! Rien à voir avec l’art et essai des origines dont il usurpe l’identité !
    Que signifie Art et essai aujourd’hui ? Une petite niche commerciale vivant sous oxygène en se protégeant comme caste (je ne parle pas uniquement du système de subvention, toute la production dans son ensemble étant subventionnée). Les génériques sont un jeu des 7 familles effarants à cette époque. Mais que l’essentiel aujourd’hui de la production cinéma de ce pays (et d’ailleurs) n’ait pas accès aux salles à cause du protectionnisme archaïque défendu par les petits commerçants de l’exploitation… Est un désastre autrement plus important. Tous les festivals un tant soit peu attaché au mouvement du cinéma (Comme le FID à Marseille par exemple) savent que l’essentiel de la création d’aujourd’hui est hors de ce système là.

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