Bernard Tapie va-t-il utiliser La Provence pour payer ses dettes ?

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le 5 Avr 2016
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Contrairement aux déclarations du ministre des Finances Michel Sapin, La Provence pourrait être impactée par les procédures visant Bernard Tapie. Les 13 et 15 avril, devant la cour d'appel de Paris, le parquet demande la mise en redressement judiciaire de son groupe, ce qui pourrait amener à la vente du titre.

Bernard Tapie en novembre 2013, à l
Bernard Tapie en novembre 2013, à l'occasion du premier salon de l'auto de La Provence.

Bernard Tapie en novembre 2013, à l'occasion du premier salon de l'auto de La Provence.

Être ferme avec Tapie sans pour autant menacer son journal. C’est la quadrature du cercle tentée la semaine dernière par le ministre des finances Michel Sapin : “Il y a aussi dans les actifs de Monsieur Tapie un journal, qui s’appelle La Provence, auquel nous n’avons pas voulu toucher parce que nous souhaitons que La Provence continue à travailler et que les journalistes ne soient pas mis en difficulté du fait de M. Tapie”, a-t-il déclaré sur France Inter.

La Provence, pas touchée par l’État ? Chez certains connaisseurs du dossier, on s’est gratté la tête pour interpréter ces propos. Contacté, le cabinet du ministre ne nous a pour l’instant pas éclairé. Selon nos informations, Michel Sapin ferait référence aux multiples saisies ayant touché le patrimoine de Bernard Tapie, dont La Provence aurait été exclue, contrairement aux informations parues à l’époque. Selon un jugement du tribunal de commerce de Paris, ses avocats chiffrent ces saisies à environ 80 millions d’euros.

Mais on voit mal aujourd’hui comment le quotidien régional pourrait ne pas être touché par les difficultés financières et judiciaires de son actionnaire majoritaire. Celles-ci trouvent leur origine dans la tentaculaire affaire du Crédit Lyonnais. Récapitulons. En février 2015, la cour d’appel de Paris annulait l’arbitrage accordant 403 millions d’euros à Bernard Tapie dans le conflit l’opposant au Crédit Lyonnais. Rejugeant au fond en décembre, cette même juridiction décidait que l’homme d’affaires n’avait pas été lésé dans la vente d’Adidas par l’intermédiaire de la banque. Un jugement immédiatement contesté par Tapie.

Deux audiences mi-avril

Depuis, le CDR – la structure chargée en 1995 de gérer les actifs problématiques du Crédit Lyonnais – fait tout pour récupérer l’argent versé à l’occasion de l’arbitrage. Avec le soutien de l’État : selon nos informations, le ministère public plaidera les 13 et 15 avril auprès de la cour d’appel de Paris pour obtenir la mise en redressement judiciaire voire une liquidation du groupe Bernard Tapie (GBT). Autrement dit l’actionnaire de La Provence et de Corse-Matin.

Pour l’heure, le tribunal de commerce de Paris a refusé de suivre le parquet. Dans son jugement du 25 janvier, consulté par Marsactu, la défense de Bernard Tapie alerte sur des “conséquences indirectes très défavorables” pour le groupe de presse. L’argumentaire est simple : même si le redressement judiciaire de GBT n’entraînerait pas automatiquement celui de sa filiale La Provence, la nouvelle pourrait effrayer annonceurs et abonnés, plombant les recettes du titre.

Le parapluie du tribunal de commerce

Mais en brandissant ce scénario, Tapie tente aussi de garder la main sur son journal. Une liquidation judiciaire de GBT destinée à rembourser le CDR serait synonyme de vente de La Provence par la biais d’un appel d’offres, sous le contrôle du tribunal de commerce. Une perspective que l’homme d’affaires a pour l’instant réussi à écarter. Elle serait d’autant plus problématique qu’il a trouvé depuis l’automne 2015 un partenaire décidé à investir : le groupe belge Nethys, notamment propriétaire d’un journal – L’avenir – d’une chaîne de télévision et d’un opérateur télécom et internet. Des indiscrétions lui prêtent même la volonté de monter au capital, de 11 % à 49 %. Contacté, il n’a pour l’instant pas confirmé.

Voisine du redressement judiciaire mais moins contraignante, la procédure de sauvegarde permet de geler les dettes passées d’une entreprise afin de lui permettre de rebondir. En d’autres termes, le CDR ne peut pas obtenir le remboursement immédiat mais doit s’inscrire sur une liste de créanciers et attendre l’élaboration et la validation par le tribunal d’un “plan de sauvegarde”.

L’astuce de Tapie ? La “procédure de sauvegarde”, un parapluie qui permet de se mettre temporairement à l’abri des réclamations du CDR tout en échafaudant un plan de remboursement (voir ci-contre). Le groupe Bernard Tapie a obtenu ce statut le 30 novembre, deux jours avant le jugement de la cour d’appel de Paris.

Pour l’heure, les avocats de Tapie ont réussi à convaincre le tribunal de commerce de Paris que GBT pouvait éviter la liquidation. La vente potentielle d’actifs juteux est mise en avant, ainsi que d’autres recours susceptibles d’amener de l’argent frais.

La Provence comme vache à lait ?

Quant au groupe La Provence, les bénéfices qu’il dégage pourraient servir à rembourser la dette de manière étalée sans avoir à être revendu. “Les prévisionnels laissent espérer une augmentation substantielle [du bénéfice] du groupe La Provence sur les prochaines années du fait notamment du développement d’une activité complémentaire dans l’événementiel”, justifient ses défenseurs dans la retranscription du tribunal. Les salariés sont prévenus : le journal sera la vache à lait qui permettra à Tapie de se remettre à flot…

Face à cette présentation, le parquet est clair : un tel plan est impossible au vu de l’importance des réclamations du CDR (439,5 millions d’euros). Le 25 janvier, la position du tribunal de commerce semblait surtout guidée par la prudence : la note est encore contestée par Tapie et il n’a pas pu évaluer précisément les biens “en raison du caractère très récent de la procédure”. Trois mois de délai supplémentaire inspireront peut-être un avis différent à la cour d’appel de Paris.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Il est quand même amoral qu’une personne mise en examen pour “escroquerie en bande organisée et détournement de fonds publics par personne privée” et condamnée par la justice à rembourser les fonds, soit dirigeant d’un important groupe de presse “bien mal acquis”
    Il est urgent et normal que la Provence soit vendue à un repreneur moins trouble

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      D’accord, à condition que le repreneur prenne l’OM avec. Ça fait un lot.

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    • corsaire vert corsaire vert

      face à une telle crapule pas question de céder au chantage !!! c’est le rôle de la JUSTICE .

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  2. Trésorier Trésorier

    Je trouve toute cette affaire lamentable, politique et explique clairement la chute de la France dans le classement des états corrompus.

    1/ On a un organisme qui gère depuis 25 ans la liquidation de l’ex Crédit Lyonnais, revendu au Crédit agricole et devenu LCL. Il n’y a pas un moment ou on arrête de distribuer des indemnités aux gestionnaires de ce machin et ou on clôture les opérations ????

    2/ Bernard Tapie a bénéficié d’un accord transactionnel sous Sarko.

    3/ Pour des raisons politiques, Hollande a fait annuler la transaction et la Justice change subitement de positon.

    4/ O veut liquider financièrement Bernard Tapie et ses activités.

    La justice s’est encore une fois totalement discréditée dans cette affaire en se mettant aux ordres des hommes politiques, dans un sens puis dans un autre.

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