Saint-Charles : les agents de nettoyage en grève dénoncent une entreprise au bord du gouffre

Actualité
le 9 Août 2023
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En grève depuis une semaine, les salariés de Laser propreté chargés de nettoyer la gare Saint-Charles et le métro réclament le versement total des salaires dus, en juin et juillet. Ils assurent par ailleurs que de "graves infractions" ont cours dans la société et envisagent un dépôt de plainte.

Grève des agents de nettoyage de l
Grève des agents de nettoyage de l'entreprise Laser Propreté à la gare Saint-Charles, pour non-paiement des salaires, en août 2023. (Photo C.By.)

Grève des agents de nettoyage de l'entreprise Laser Propreté à la gare Saint-Charles, pour non-paiement des salaires, en août 2023. (Photo C.By.)

La jeune femme débouche de l’escalator et jette un coup d’œil dégoûté au tas d’ordures qui déborde sur sa gauche. Depuis une semaine, les déchets s’amoncellent dans les différents espaces d’accueil de la gare Saint-Charles, en raison de la grève menée depuis le 1er août par les agents de la société Laser propreté, entreprise prestataire qui opère le nettoiement pour la SNCF (Gare & connexions) et pour la RTM dans les stations de métro et les trams marseillais.

À quelques pas de la salle d’attente, sur le quai A, un drap a été tendu par les grévistes : “Nettoyage en grève pour non-paiement de salaire. Payez-nous !”, peut-on y lire. Entourés par une quinzaine d’agents grévistes, Kamel Djeffel, le secrétaire national de la Confédération autonome du travail (CAT) Nettoyage et Houria Tahri, élue Solidaires au sein du comité social et économique (CSE) de l’entreprise, prennent la parole le temps d’un point presse qui vise d’abord à préciser les contours du mouvement. “Ce n’est pas un conflit comme les autres, entame le porte-parole. Des combats, on en a menés, mais celui-là n’est pas comme les autres. On demande à notre patron d’être honnête et de payer nos salaires.”

“Bricolage” dans les versements

Sur une quinzaine de personnes, une dizaine n’a pas reçu son salaire, ou alors partiellement, en juin et juillet.

Houria Tahri, Solidaires

C’est la première revendication des grévistes réunis ce mardi matin, autour d’un petit carton baptisé “caisse solidaire”, dans laquelle une dame vient de déposer cinq euros. Houria Tahri explicite : “Sur le site de la gare Saint-Charles nous devrions être 31 agents à temps plein. Or, nous sommes moitié moins. Et sur cette quinzaine de personnes, une dizaine n’a pas reçu son salaire, ou alors partiellement, en juin et juillet.” Elle-même n’a, précise-t-elle, perçu que la moitié de son dernier salaire. Quant aux bulletins de paie, “cela fait des mois qu’on n’en reçoit plus”, affirme-t-elle.

La représentante syndicale dénonce une forme de “bricolage de la part de la direction” dans ces versements : “J’enlève un peu à elle, je prends un peu à lui, pour donner à une troisième. Mais on a tous un loyer à payer, comment peut-on vivre dans ces conditions ?” La question aurait dû être discutée lors d’un CSE initialement prévu ce jeudi, mais il a été repoussé par la direction au 16 août, au grand dam des représentants syndicaux. “Ce n’est pas par plaisir que nous faisons grève”, complète Kamel Djeffel, conscient que les déchets qui s’amoncellent sont, en pleine saison touristique, préjudiciables “pour l’image de la gare, de la SNCF et de la ville.”

Plan social déguisé

Mais ce que craignent ces agents de nettoyage, c’est “que la société soit au bord du dépôt de bilan sans le dire”, cadre Kamel Djeffel. Il en veut pour preuve le fait que, selon lui, Laser propreté cherche massivement à alléger ses effectifs : “Ces derniers mois, il y a eu une quarantaine de mises à pied ou de licenciements.” Conséquence, les salariés travaillent en sous-effectif chronique : “À Saint-Charles, nous devrions être 31 temps-pleins en CDI nous sommes 14 titulaires. Dans le métro, on devrait être 82, nous sommes 40… “, égraine le secrétaire national de la CAT. Pour lui, tout ceci s’apparente “à un plan social déguisé”.

Enfin, les grévistes affirment que des “malversations” sont orchestrées par la direction de Laser propreté. “Nous en avons la preuve incontestable”, martèlent les syndicats qui disposent, entre autres, d’enregistrements de conversations téléphoniques réalisés en mai et juin derniers. Dans l’une d’elles, Kamel Djeffel s’entretient avec celui qu’il présente comme Philippe Lazery, l’actuel président de Laser propreté, société fondée par ses parents à la Capelette, avant de déménager son siège à Paris.

Des voyageurs arrivent gare Saint-Charles, durant la grève des agents de Laser propreté, en août 2023. (Photo C.By.)

Pendant 3/4 mois t’es en maladie, avec le truc de la prévoyance, comme tu es cadre, (…) ça me fait gagner 50 000.

Le président de l’entreprise

Le chef d’entreprise se plaint d’une masse salariale, notamment des services administratifs à Paris – “des improductifs”, dit-il – qui devient “trop importante”, alors que le nombre de chantiers, lui, décline. Il préconise, comme solution, que certains cadres se mettent en arrêt maladie. “Il faut que j’aie Kamel, Nordine, Rim, Marie-Flo et Philippe en maladie pendant au minimum trois, quatre mois pour qu’on retrouve notre souffle. Pendant trois, quatre mois, t’es en maladie, avec le truc de la prévoyance, comme tu es cadre, avec Nordine, Rim et Marie-Flo (…) ça me fait gagner 50 000. 50 000 c’est bien, mais avec ça il faut que j’aie 20 personnes qui sortent de l’entreprise”, déroule ce dernier, dans un enregistrement transmis à la presse et que Marsactu a pu écouter.

Plainte à venir

Les syndicats dénoncent une “arnaque à la caisse primaire d’assurance maladie”, au moyen d’arrêts de complaisance. Ils assurent que “d’autres infractions sont caractérisées” et assurent vouloir déposer plainte auprès de la procureure de la République. Ils ont transmis leur dossier à deux avocats chargés d’étudier cette possibilité. Dans son polo vert clair, Kamel Djeffel se remémore avec aigreur les réactions lors du dernier conflit mené par les agents en juin : “A l’époque, Martine Vassal, la présidente de la métropole, avait dit que nous étions des voyous. Cet écart de langage nous a fait mal. Si elle écoute cet enregistrement, elle verra qui sont les véritables voyous. J’en appelle à elle et aux décideurs, notamment de la SNCF, de la RTM et de la métropole. Il va falloir qu’ils sortent du bois. Car ils ont une éthique à respecter dans l’attribution de leurs marchés.”

Contactés par Marsactu, le président de Laser propreté et la direction des ressources humaines de l’entreprise n’ont pas donné suite. Un communiqué de l’entreprise a été publié dans un second temps, mercredi 9 août au soir. Également sollicitées, la SNCF et à la RTM – clients de la société – ne souhaitent pas pour l’heure commenter les derniers développements du conflit en cours.

Actualisation le 10 août à 11 h 30 : ajout du lien concernant le communiqué de Laser propreté.

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Commentaires

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  1. vékiya vékiya

    L’éternel problème de la non propreté marseillaise auquel se rajoute celui des patrons arnaqueurs

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  2. Alceste. Alceste.

    Que Marseille soir sale est une constante, qu’une entreprise soit en faillite cela arrive,que les travailleurs soient en difficultés aussi.Mais que la SNCF,le Préfet ou la Mairie qui a droit de Police n’interviennent pas est honteux.

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  3. Richard Mouren Richard Mouren

    Ils sont loin les “héros de la société”, objets de l’admiration de tous au moment des confinements, ont est revenu aux “premiers de corvée” mal (voire pas) payés pour faire un boulot difficile uniquement visible quand il n’est pas fait.

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  4. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le charme de la sous-traitance où le moins cher gagne le marché, c’est qu’in fine le salarié sera exposé à des conditions de travail dégradées pour un salaire de misère. Je le vois aussi dans le secteur professionnel que je connais : quand une entreprise est vraiment moins chère que ses concurrents, un patron voyou n’est souvent pas bien loin.

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    • Alceste. Alceste.

      Il y a auss et surtout un problème au niveau de l’analyse des offres de la part des organes adjudicateurs.
      Sur des dossiers tels que le nettoyage, pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour ,lors de l’analyse des appels d’offres déposés par les soumissionnaires,faire ressortir le fait que les taux de MO sont trop bas et souvent en dessous du taux légal et minima. La SNCF qui est très attentive à cela doit pouvoir sans trop de difficultés faire ressortir ce type d’anomalies.

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    • Marc13016 Marc13016

      Effectivement, on peut soupçonner un usage très minimaliste du code de la commande publique, voire un usage délétère.
      Par flemme, manque d’initiative, ou par habitude, ces administrations ou pseudo-administration choisissent l’offrent en fonction du montant total en bas à droite d’un tableur. Il y a bien d’autres critères utilisables, notamment des notions de responsabilités des entreprises et de respect des conditions de travail. Encore faut-il s’en emparer et les appliquer. Ce n’est pas la facilité …
      En attendant, la solution: que Laser se déclare en faillite si elle l’est de facto. Le marché sera relancé, les employés repris par la nouvelle société en charge du contrat. (c’est la loi, me semble-t-il). Qu’ils arrêtent de bricoler à la petite semaine pour survivre coûte que coûte. (ça coûte surtout aux salariés apparemment).
      La sous-traitance, le cancer de l’économie moderne, comme je dis … elle déresponsabilise les “donneurs d’ordre”.

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