Rénovation urbaine : les dessous de “l’engagement historique” pour Marseille

Décryptage
le 25 Mar 2022
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Les 650 millions annoncés le 15 mars pour la rénovation de plusieurs cités de Marseille mais aussi du centre-ville représentent un chiffre historique. Pourtant, plusieurs aspects de cette enveloppe laissent les acteurs locaux sur leur faim.

Les barres de la Castellane attendent leur rénovation dépuis des années. (Photo : LC)
Les barres de la Castellane attendent leur rénovation dépuis des années. (Photo : LC)

Les barres de la Castellane attendent leur rénovation dépuis des années. (Photo : LC)

Ministre et grands élus avaient le vibrato ému des grands jours. Le 15 mars, la ministre de la Ville, Nadia Hai, était à Marseille pour inscrire dans le marbre un “engagement historique” de l’État en faveur de la rénovation urbaine. Avec 650 millions d’euros, c’est “deux fois plus que lors du précédent protocole”, se félicite la Ville dans un communiqué du même jour.

Effectivement, le montant est sans précédent, surtout si on y ajoute les 112 millions de l’agence nationale d’amélioration de l’habitat (ANAH), destinés à subventionner les propriétaires privés qui souhaitent rénover leurs biens, dans les zones éligibles. Avec cette nouvelle étape, les promesses du président Macron, lors de la présentation du plan Marseille en grand trouve opportunément une traduction concrète. “L’enveloppe de 762 millions d’euros dépasse celle préalablement annoncée par le président de la République”, se satisfait encore la Ville.

Pourtant, dans les services de la rénovation urbaine, l’ambiance est plutôt soupe à la grimace : la métropole et la Ville espéraient un milliard d’euros d’apports de l’Anru, l’agence nationale de la rénovation urbaine, et de l’Anah pour les projets marseillais, validés lors des comités nationaux d’engagement de février et mars. Le compte n’y est donc pas. “L’Anru chiffre tout, ligne par ligne, opération par opération, dans une approche très mathématique, modère Patrick Amico, adjoint au logement qui faisait partie de la délégation pour la Ville. Nous avions posé tous les curseurs au maximum. Avec ces 762 millions, nous avons effectivement un chiffre historique mais nous devrons revoir les plans de financement de certaines opérations”. Aucune opération n’a été trappée par l’agence nationale mais certaines ont bien été revues à la baisse ou remise à plus tard. Petit passage en revue des loups cachés sous la pluie de confettis.

Les coups déjà partis

Tout n’est pas nouveau dans la manne annoncée – loin s’en faut. Il faut également retrancher des sommes annoncées, l’argent déjà dépensé lors des projets de préfiguration. En 2018, l’ensemble des partenaires ont signé un protocole dit de préfiguration qui permettaient d’initier les premiers projets du NPNRU sans attendre la signature des conventions, projet par projet. Parmi la longue liste de projets financés, on trouve des équipements qui n’ont toujours pas vu le jour, comme le centre social de Noailles, au Domaine Ventre, ou de manière plus funeste, la micro-crèche qui devait éclore au 63 rue d’Aubagne…

Mais d’autres opérations ont eu lieu et notamment des démolitions dans les grands projets du Nord de la ville. L’Anru a ainsi déjà participé financièrement à la démolition de la tour K à la Castellane, à celle des bâtiments H et I de la Savine, ainsi qu’aux opérations de reconstitution de l’offre. En tout, la participation de l’Anru montait à 12 millions d’euros de subventions qui sont donc à retrancher, au moins pour partie des 650 millions annoncés.

Des millions versés… à rembourser

Les 650 millions de subventions de l’Agence nationale de rénovation urbaine ne sont pas uniquement constitués de subventions. La somme globale comprend également des prêts bonifiés, destinés aux bailleurs sociaux, propriétaires des ensembles sociaux, et premiers acteurs des programmes de renouvellement urbain. Entre subvention et prêt, il y a donc un gros décalage.

Dans le cas présent, c’est Action logement, actionnaire principal de l’Anru, qui accorde ces prêts à un taux modéré et sur une période de remboursement longue. “Les bailleurs sociaux sont habitués à fonctionner avec ces prêts. C’est plutôt appréciable dans une période d’incertitude sur les taux d’intérêt”, note un connaisseur du dossier. En contrepartie de ces prêts, Action logement peut obtenir des droits de réservation dans les logements reconstruits ou réhabilités. Ce dispositif de réservation vise ainsi à contribuer à la mixité sociale, puisque Action logement aide en priorité au logement des salariés.

Des opérations retaillées

Dans son discours, Nadia Hai a pris le temps d’égrainer une par une les opérations financées par l’Anru en commençant par les plus grosses enveloppes. Ce palmarès apparaissait également dans un premier communiqué diffusé à la presse avant de disparaître de la version finale. Dans l’ordre, le centre-ville apparaît en tête avec 196 millions d’euros. Arrivent ensuite les 117 millions dévolus au projet de la Castellane et Bricarde et les 110 millions de l’opération grand Saint-Barthélémy / Grand Malpassé. Les deux projets présentent des subventions en hausse par rapport à ce que la métropole et la Ville espéraient en 2021. Mais la rallonge n’est pas tout à fait à la hauteur des espérances.

Les collectivités locales visaient une nouvelle rallonge sous forme d’avenant, incluant d’une part Font-Vert (14e) et la cité SNCF, sa voisine, mais aussi les grandes copropriétés en déshérence du Mail et des Rosiers, toujours dans le 14e. Or, la somme finalement accordée ne permettra d’aller beaucoup plus loin que les projets déjà inscrits dans la convention de 2020. “Cela finance tout au plus les démolitions dans les deux cités de Font-Vert et de la cité SNCF, déplore une source proche du dossier. Effectivement, dans la convention élaborée en 2020, il est question d’une phase deux envisagée de 2025 à 2030 :

Compte tenu de l’importance des actions à conduire, les opérations présentées ci-dessous s’inscrivent dans un calendrier courant jusqu’à 2030 et feront l’objet pour une partie d’entre elles d’une demande d’inscription à la convention par voie d’avenant.

“C’est normal. Le projet grand Saint-Barthélémy / Grand Malpassé doit repasser en comité national d’engagement en juin prochain, rassure Denis Rossi, vice-président du conseil de territoire, chargé de la rénovation urbaine. C’est aussi à ce moment-là que nous examinerons les dossiers de La Cabucelle, des Crottes et de Campagne-Lévêque“. Il y aura du rab avant l’été, certes.

Mais sur ce point, la ministre Nadia Hai a été très claire : l’enveloppe annoncée en préfecture se divise en deux. Il y a bien 600 millions pour les projets examinés en début d’année et 50 millions pour ceux qui restent encore sur la table. Et, d’après nos informations, tout doit tenir dans cette enveloppe, loin d’être extensible. Pour le reste, il faudra attendre la clause de revoyure, fixée à 2024.

Exit également, les grandes copropriétés du secteur, le Mail et les Rosiers. “Les grandes copropriétés dégradées seront traitées à part”, affirme Patrick Amico en référence à l’opération de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) en cours d’élaboration.

L’inconnue Frais-Vallon La rose

Toujours dans la convention initiale portant sur Malpassé, l’avenir de la grande barre des Oliviers A restait en suspens. Ce serpent de béton de 277 logements était promis à démolition mais en balance avec un autre projet d’Habitat Marseille Provence (HMP), son propriétaire. En 2020, celui-ci faisait du projet Frais-Vallon-La Rose sa priorité. Problème : l’immense morceau de ville qui comprend 2250 logements sociaux ne doit recevoir que 33 petits millions de l’Anru. La taille de l’enveloppe ne permet guère d’espérer une refonte en profondeur du quartier avec le Jarret redessiné en pimpante rivière.

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Commentaires

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  1. Lacoste P. Lacoste P.

    Merci de cet éclairage il reste encore pas mal de poussière sous le tapis. Les Conseils Citoyens, qui étaient “invités ” à ce Comité d’engagement de l’Anru le 9 Mars n’ont toujours pas reçu les fameuses fiches “ligne à ligne ” de l ANRU. C’est une “farce démocratique” comme je l’ai nomméede cette réunion .
    J’ai soulevé la question des démolitions- reconstructions : comment peut-on se permettre 4500 démolitions de logements ( 8000 habitants à reloger) alors que Métropole programme moins de 1000 logements sociaux par an?
    On peut lire la transcription ici:

    https://centrevillepourtous.fr/

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  2. Jack Jack

    Merci pour cet éclairage . Ce sont donc des avances. Comme le plan Écoles . On rembourse quand et comment ?

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  3. Lewis Lewis

    ” la micro-crèche qui éclore”

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